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chose de concret, de particulier, de déterminé, de précis, c'est-à-dire donné dans telles et telles circonstances de temps, de lieu, de personnes. Dès lors les circonstances ne sont plus étrangères à l'acte, mais elles l'affectent et le qualifient dans la mesure où elles tiennent à l'objet. Or les circonstances changent tantôt l'espèce de l'acte et tantôt elles ne sont que des accidents qui ajoutent ou retranchent à sa malice ou à sa moralité Assister le prochain est un acte bon; mais assister son père est un acte meilleur et doublement bon. Par contre outrager son semblable est un acte mauvais; mais outrager son père est un acte doublement mauvais, qui peut facilement devenir criminel. Toutes les circonstances n'ont point cette importance; mais toutes contribuent de quelque manière à la bonté ou à la malice totale de l'acte, car on peut dire qu'il n'en est pas d'absolument indifférentes, de celles du moins qui ont été connues et considérées par l'agent.

Mais ce qu'il y a de plus décisif dans les actes humains c'est le but, c'est l'intention, c'est la fin. Il ne s'agit pas ici de la fin de l'œuvre ou de l'acte matériel (finis operis), mais plutôt de la fin de l'agent (finis operantis), de la fin cherchée ou consentie par lui et qui peut tantôt se confondre avec la fin de l'acte pris matériellement et tantôt s'en distinguer. Il peut arriver que l'acte soit matériellement bon, comme d'assister le prochain, défendre son pays, et que l'intention soit mauvaise. Il peut arriver que l'acte soit matériellement mauvais ou indifférent et que l'intention soit excellente. Par exemple un ami blesse son ami alors qu'il voulait seulement se livrer avec lui aux plaisirs de la chasse ou cherchait même à le

protéger. C'est donc toujours l'intention qu'il faut considérer.

Nous nous plaçons, il est vrai, au point de vue de la morale et non pas au point de vue de la loi extérieure. La société juge des intentions sur les actes matériels plutôt que des actes sur les intentions. C'est ainsi que la loi punira comme voleur celui qui prend le bien d'autrui pour se livrer aux plaisirs ; mais le moraliste comprendra que ce malheureux est plus voluptueux encore que voleur.

1191. Importance de l'intention. L'importance de l'intention dans la moralité de l'acte ressort surtout des considérations suivantes. La fin de l'agent, le but qu'il se propose est tout à la fois la première cause de son action et le dernier terme; si bien que l'intention enveloppe tout l'acte, elle le fait naître et elle le consomme. D'ailleurs c'est par l'intention que l'acte devient humain; s'il n'y avait pas d'intention, il y aurait bien encore un objet, des circonstances, mais il n'y aurait pas d'acte moral: la moralité donc dépend surtout de l'intention. C'est ce que l'on voit encore si l'on compare ici les deux actes de l'agent, intérieur et extérieur, dont se composent les actes humains, du moins les actes mixtes. L'acte intérieur est évidemment l'âme de l'autre ; or cet acte intérieur est tout dans la volonté et l'intention, tandis que l'acte extérieur est plutôt dans l'œuvre matérielle, dans les rapports sensibles de l'agent avec l'objet et les circonstances. C'est donc l'intention qui spécifie l'acte intérieur; celui-ci, à son tour, donne sa qualité morale à l'acte extérieur et ainsi toute moralité relève de l'intention.

1192. Objection: la fin justifie-t-elle les

moyens ? Mais si toute moralité est dans l'intention et dans la fin, ne faudra-t-il pas dire que la fin justifie les moyens ? Il sera donc permis de faire le mal pour en tirer un plus grand bien ?

Rép. Comme nous l'avons dit, l'intention enveloppe tout l'acte et dès lors elle ne peut rester bonne si l'objet ou les circonstances ont quelque chose d'essentiellement mauvais. L'intention se porte surtout au but, mais elle ne peut rester étrangère aux moyens qu'elle emploie, elle les accepte; ils sont voulus, quoique secondairement, et elle ne suffit pas toujours à les justifier. La fin justifie des moyens indifférents en eux-mêmes, mais non pas des moyens intrinsèquement mauvais. Donc il n'est pas permis de faire d'abord le mal pour faire ensuite le bien: Non sunt facienda mala ut eveniant bona.

On voit une fois de plus qu'il en est de l'acte moralement bon ou du bien moral comme du bien physique; il doit étre bon dans tous ses éléments: Bonum ex integra causa; c'est-à-dire qu'il doit être bon dans l'objet, les circonstances et l'intention. Si l'une de ces trois conditions fait défaut, l'acte sera plus ou moins répréhensible et mauvais: Malum ex quocumque defectu.

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1193. Les actes indifférents. Ici se présente une question qui n'est pas sans intérêt ni sans importance: Y a-t-il des actes indifférents, au point de vue moral? Plusieurs ont paru l'affirmer: ainsi les Scotistes et S. Bonaventure. Mais en réalité, il suffit de dissiper quelques équivoques pour montrer qu'il n'y a pas d'acte humain qui soit vraiment indifférent. En effet, nous ne parlons pas ici des actes humains d'une manière abstraite, mais d'une manière

concrète, en les considérant avec toutes les circonstances où ils se produisent. Il est bien évident qu'une foule d'actes considérés abstraitement sont indifférents; comme de parler, de marcher, de se reposer. Mais. de fait, on parle en temps opportun ou non, on dit du mal ou du bien, etc.

En second lieu, remarquons bien qu'il s'agit des actes considérés par rapport à la conscience morale, c'est-à-dire des actes humains. Il est bien évident qu'il y a une foule d'actes non réfléchis, sans délibération, d'ailleurs plus ou moins insignifiants, qui n'entrent pas, directement du moins, dans l'ordre moral: ils sont accomplis en vertu d'une impulsion donnée ou sans intention, ce sont des actes d'homme et non des actes humains, et personne ne peut nier qu'ils sont indifférents.

Enfin nous reconnaissons, en troisième lieu, qu'il y a des actes humains et concrets qui sont indifférents au point de vue surnaturel : l'agent peu céder à l'impulsion de ses facultés purement naturelles, sans avoir aucune intention ultérieure. Sous le bénéfice de ces réserves nous maintenons qu'il n'y a pas d'acte humain indifférent au point de vue moral.

En effet, tout acte humain, c'est-à-dire procédant de la volonté et de la raison, est conforme aux prescriptions de celle-ci ou ne l'est pas ; il est raisonnable ou non; il faut donc qu'il ait quelque valeur morale ou qu'il soit défectueux en quelque manière. C'est en vain qu'on chercherait à imaginer ici un acte purement inutile par là même que l'acte procède de la raison il doit être utile ou nuisible, bon ou mauvais. On ne conçoit pas que la raison, si elle intervient, puisse, même dans les plus petites choses, prendre une

position intermédiaire et neutre, et s'abstenir de toute influence, soit bonne, soit mauvaise ou bien elle fera acte raisonnable, et alors acte moral, ou bien elle fera acte de déraison et partant défectueux; même l'abstention voulue, consentie, si elle n'est pas raisonnable, constituerait une infraction, si légère qu'on voudra, à l'ordre moral.

1194. Trois caractères des actes humains: 1° la justice ou le péché. Nous avons ajouté que tout acte humain est bon ou mauvais et partant juste ou injuste, louable ou coupable, méritoire ou déméritoire. Ces qualifications répondent à trois points de vue où l'on doit se placer successivement pour connaître la moralité des actes humains sous tous ses aspects. En tant que l'acte humain atteint convenablement sa fin ou ne l'atteint pas, il est bon ou mauvais, c'est-à-dire juste ou injuste. En tant que l'acte humain procède de la volonté libre et responsable, il est louable ou coupable, selon que la volonté a été bonne ou mauvaise. Enfin, en tant que l'acte humain établit quelque rapport nouveau avec une autre personne et tout au moins avec Dieu, il est méritoire ou déméritoire.

Il n'est pas nécessaire d'insister sur le premier caractère de justice ou de péché qui convient tout d'abord aux actes humains.

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1195. Second caractère : l'honneur ou la honte. Quant au second caractère, qui les rend louables ou répréhensibles, il n'est pas moins évident, si l'on songe que tout acte humain par là même qu'il est tel est imputable à son auteur, qui l'a accompli librement, et qui dès lors en est le premier responsable. L'éloge ou le blâme convient donc à tout acte

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