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tique, intellectuelle et morale (Cf. Logique, Des criteriums de vérité, chap. XI-XIV).

1172. Opinion de Hobbes. - L'opinion du matérialiste Hobbes n'est pas meilleure que la précédente; elle est même plus révoltante. D'après lui, la société aurait commencé par l'état sauvage et le règne de la force, d'où elle ne serait sortie que par l'établissement de lois, dont tous les membres de la société auraient enfin reconnu la nécessité. Mais il est bien évident, en supposant même que la société ait pu avoir cette origine, que les premiers législateurs n'ont imposé leur volonté sous forme de lois que pour quelque motif, avec une intention ou un but, qui seul peut les justifier. C'est donc à un principe plus élevé qu'il faut rapporter les lois, bien qu'elles deviennent à leur tour une règle des mœurs. Nous reviendrons d'ailleurs sur le système de Hobbes et sur l'utilitarisme dont il est l'un des représentants (chap. LXXIV).

1173. Opinion de Pufendorf. — Une opinion plus digne d'attention est celle qui a été attribuée à Pufendorf, car il existe des doutes sur son véritable sentiment. Elle a quelque affinité avec l'opinion singulière de Descartes sur la mutabilité des essences. Descartes prétend que la nature ou l'essence même des choses dépend de la libre volonté de Dieu, et Pufendorf prétend que cette même volonté libre est le dernier pourquoi de la moralité des actes. Mais il est évident que si Dieu peut changer ses prescriptions positives et libres suivant les temps et les peuples (et c'est ainsi que les lois positives de l'Ancien Testament ne sont point celles du Nouveau), il ne peut changer les lois absolues qui découlent de la nature et de l'ordre essentiels des choses, par exemple: Il faut

adorer Dieu, fuir le mal, faire le bien. Ces lois morales ne dépendent pas de la volonté libre de Dieu. Celle ci dès lors ne peut être regardée comme le dernier ponrquoi de la moralité des actes humains. C'est ce que Leibniz fit très bien valoir contre Pufendorf: « On ne peut donc pas plus soutenir, dit-il, que la justice ou la bonté dépendent de la volonté divine, qu'on ne peut dire que la vérité en dépend aussi, paradoxe inouï qui est échappé à Descartes. »

Mais nous allons plus loin. Même dans les cas où la loi dépend formellement de la volonté libre de Dieu, cette volonté ne saurait être regardée comme la règle unique et exclusive de la moralité des actes. Car la volonté libre de Dieu n'est point sans raison, elle est sage, elle est motivée ; et si nous obéissons quelquefois aveuglément à la volonté de Dieu, comme aussi parfois à celle des hommes, ce n'est pas que nous estimions la volonté de Dieu aveugle comme nous, mais c'est parce que nous avons toute confiance en son intelligence, en sa sagesse, qui nous mène à ses fins, sans toujours nous dévoiler ses secrets.

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1174. L'acte moral est tel parce qu'il est raisonnable. Il faut donc remonter toujours à l'intelligence, à la nôtre immédiatement, puis, si nous sommes conséquents, à celle de Dieu, pour expliquer la moralité des actes humains. Notre intelligence cherche une règle dans l'ordre réel tel qu'il lui apparaît, elle étudie la nature des choses et tâche de s'y conformer. En cela elle ne s'affranchit point de Dieu, car il est l'auteur de ce qui existe et l'auteur de notre propre raison, qui ne peut rien qu'avec lui (1); elle

(1) Cf. S. Th. 1a 2, q. 19, a. 4: « Quod autem ratio hu

s'affranchit plutôt d'elle-même, de ses propres inclinations, de ses préférences plus ou moins injustes; elle cherche sa règle non pas en elle-même, mais dans son objet, dans la vérité objective, dont elle se fait la servante assidue (1). C'est en se laissant ainsi conduire par sa raison, et en soumettant celle-ci à la vérité, qui nous vient de Dieu tout au moins par les créatures insensibles et par l'action continue qu'il exerce sur notre raison, que l'homme est vraiment moral. Il est vraiment moral, parce qu'il est vraiment raisonnable et vraiment homme.

Ce qui distingue l'homme, ce qui fait sa dignité et son prix, dans l'ordre naturel, n'est-ce pas la raison? La moralité consiste donc à être homme, c'est-à-dire raisonnable, à donner aux actes humains toute leur plénitude, à faire qu'ils soient humains dans la plus haute acception de ce mot.

On comprendra maintenant des assertions telles que celles-ci qui se rencontrent sous la plume des scolastiques L'acte humain est bon parce qu'il est pleinement humain ; il est mauvais, au contraire, parce qu'il

mana sit regula voluntatis humanæ, ex qua ejus bonitas mensuretur, habet ex lege æterna, quæ est ratio divina; unde dicitur (Psal. iv, 6): Multi dicunt : Quis ostendit nobis bona? Signatum est super nos lumen vultûs tui, Domine; quasi diceret : « Lumen rationis, quod in nobis est, in tantum potest nobis ostendere bona, et nostram voluntatem regulare, in quantum est lumen vultûs tui, id est a vultu tuo derivatum. >>

(1) Nous ne dirions donc pas simplement avec M. Bouillier que « l'homme est le contenu de la loi ou du bien qu'il doit accomplir; que non seulement il a sa loi en lui, mais qu'il est sa loi à lui-même » (La Vraie Conscience, p. 266). L'homme n'est pas plus sa loi que sa vérité.

n'est humain qu'imparfaitement. La moralité des actes humains, c'est leur conformité à la droite raison. On voit aussi que le bien moral et le mal qui lui est opposé se définissent comme le bien et le mal physiques. Le bien est ce à quoi rien ne manque : bonum ex integrâ causâ; le mal, au contraire, consiste dans quelque privation de bien : malum ex quocumque defectu. Le mal moral, comme le mal physique, est une négation, non pas certes une pure négation, mais la négation d'une réalité due, c'est une privation, c'est un acte imparfait, inachevé, et qui partant manque son but.

1175. Objections.

Voici quelques-unes des objections qui nous sont opposées: 1° On ne conçoit pas la moralité des actes humains sans leur conformité à une loi, c'est-à-dire à la volonté d'un législateur. C'est donc de la volonté de celui-ci que dépend la moralité des actes.

Rép. - Pufendorf confond ici la loi positive avec la loi éternelle. On ne conçoit pas la moralité des actes humains sans leur conformité à quelque loi, et finalement à la loi éternelle de Dieu, dont la loi de la conscience est l'écho; mais on conçoit très bien la moralité de certains actes indépendamment de toute loi positive.

2o Mais cette loi éternelle n'est-ce pas un principe extrinsèque à Dieu, coéternel avec lui, et auquel Dieu et l'homme doivent également se conformer?

Rep. Cette loi éternelle c'est l'intelligence même de Dieu, elle ne lui est donc pas extrinsèque : elle règle tout, les choses divines comme les choses humaines, elle soumet l'homme et sans diviser ni abaisser Dieu.

3o Il n'y a pas de mal moral intrinsèque, absolu, mais tout mal moral est tel parce qu'il est défendu par quelque loi positive. Et la preuve en est par exemple que Dieu commanda à Abraham de lui immoler son fils Isaac; aux Hébreux, d'emporter les dépouilles de l'Egypte, etc.

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Rép. Nous maintenons qu'il y a des actes mauvais indépendamment de toute loi positive; la raison, en même temps que la loi éternelle, qui est son principe, les condamne absolument : ainsi en est-il de l'idolâtrie, de la haine de Dieu et de l'homme de bien. Mais on conçoit qu'à la suite de ces actes absolument mauvais il en est qui puissent devenir licites dans certaines circonstances données : telle est, par exemple, la polygamie; tel paraît être un certain esclavage, dans lequel la dignité morale et essentielle de l'homme serait respectée. La mort elle-même n'est rien moins qu'un mal absolu, et il est permis de l'infliger à un ennemi dans la guerre et au criminel justement condamné pendant la paix. Les autres biens, comme les richesses, ne méritent pas plus de respect que la vie. On conçoit donc très bien que Dieu ait pu ordonner aux Hébreux persécutés d'emporter les biens de leurs oppresseurs. On conçoit aussi qu'il ait pu ordonner à Abraham d'immoler son propre fils, puisqu'il est le maître de la vie et de la mort et qu'il peut toujours rendre au centuple ce qu'il exige.

1176. La moralité et le sens moral. — Il suit de ce que nous avons établi que ce n'est pas précisément au sens moral, mais bien à la raison, qu'il appartient de juger en définitive de la moralité des actes humains.

Expliquons d'abord ce que nos adversaires enten

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