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en faisant observer que le concours antécédent n'exclut pas le concours simultané et que celui-ci continue le premier. On ajoute que si le concours simultané est nécessaire pour expliquer l'action immédiate de Dieu sur la créature, le concours antécédent ne l'est pas moins pour expliquer que toute l'action de la créature est attribuée à Dieu. Aussi les molinistes emploient-ils le mot d'influx plutôt que celui de concours, afin de signifier que l'action tout entière de la créature dépend de Dieu. Ils admettent donc l'antériorité de l'action de Dieu par rapport à l'action dela créature. Or cette antériorité n'est autre chose que le concours antécédent des thomistes.

Jusqu'ici on ne pourrait guère que souscrire à ces observations des thomistes et corriger ou compléter suivant leurs indications le système de leurs adversaires. Mais ils essaient d'établir l'opinion suivante. 1131. Opinion des thomistes. Toutes les causes secondes, disent-ils, même les causes libres, agissent en vertu d'une prémotion et d'une prédétermination physique. Car il faut que toutes les causes secondes soient subordonnées à la première. Or le concours simultané ne suffit pas à expliquer cette subordination; car le concours simultané est extrinsèque et comme parallèle à l'action de la créature, il s'y ajoute et ne la gouverne pas. Il faut donc admettre un concours antécédent ou une prédétermination.

Ensuite les causes secondes, particulièrement les causes libres, sont indéterminées. Il faut donc qu'elles reçoivent de la cause première la détermination, c'est-à-dire qu'elles soient prédéterminées.

En d'autres termes, rien ne passe de la puissance à l'acte sans y être déterminé; or la volonté libre est

en simple puissance d'agir, elle est indifférente, et l'on ne voit pas que rien puisse l'appliquer à l'action si ce n'est Dieu.

Si on leur objecte que c'en est fait alors de la liberté humaine, puisque l'homme agit toujours selon la prédétermination qu'il a reçue de Dieu, les thomistes répondent que l'homme agit infailliblement mais non pas nécessairement. Si l'homme agit nécessairement, ce n'est qu'autant qu'on le considère au moment même où il agit sous la prédétermination physique; mais cette nécessité (in sensu composito) n'exclut pas la liberté. De même que celui qui s'assied n'est pas libre de s'asseoir au moment même où il s'assied (in sensu composito), mais s'assied pourtant librement, si l'on a égard à la volonté d'où procède son action (in sensu diviso), ainsi en est-il pour tous les actes libres et prédéterminés de la créature.

1132. Réponse de leurs adversaires. Cette réponse ne satisfait point leurs adversaires, qui n'y voient qu'une vaine subtilité. Qu'importe, disentils, que l'action humaine paraisse libre comparée à la volonté humaine, si elle ne peut plus l'être sous une prédétermination divine? Il semble que les thomistes excèdent la mesure en cherchant à établir par de semblables raisons le souverain domaine de Dieu sur la créature. Au reste, ajoutent-ils, nous admettons tout ce qu'il y a de plausible dans les raisons alléguées. Dieu meut la créature libre, mais en même temps la créature se meut; Dieu applique, si l'on veut, les puissances libres de la créature à l'opération, mais en même temps la créature les applique elle-même. Mais si Dieu prédétermine la créature libre, comment pourra-t-elle se déterminer elle-même, et alors que

devient sa liberté? La liberté humaine consiste essentiellement dans une indétermination: une prédétermination quelconque la supprime. On peut et l'on doit admettre un influx, une excitation antérieure, une prémotion même, mais générale et flexible, si bien que la créature, en n'agissant que par la vertu que Dieu lui a donnée et lui conserve, se détermine cependant elle-même.

Quoi qu'il en soit, les uns et les autres se préoccupent de conserver la liberté humaine et de l'expliquer (1). Dieu offre à la créature libre, disent les uns, un concours indifférent, en vertu duquel la créature agit selon ses propres volontés. Si ce concours est de l'ordre surnaturel, c'est la grâce suffisante, qui peut devenir efficace avec la libre coopération de la créature. Dieu, disent les autres, prédétermine comme cause première toutes les causes secondes, et, dans l'ordre surnaturel, il dispense des grâces efficaces par elles-mêmes; mais les causes secondes n'en agissent pas moins chacune selon sa nature sous l'influx divin: les causes nécessaires agissent nécessairement, et les causes libres librement. Dieu n'est pas une cause qui agisse à la manière des causes secondes qui sont à son image, et la créature raisonnable ne perd point sa liberté propre en passant soussa main toute-puissante; la causalité de Dieu est sans proportion avec la nôtre, de même que sa science, sa sagesse, sa bonté sont sans proportion avec les qualités humaines correspondantes qui en sont les pâles expressions.

(1) Il n'en est pas de même de certains hérétiques, Luther et Calvin les premiers, qui sacrifient tout à fait la liberté humaine, en maintenant le dogme des peines éternelles, qu'ils rendent ainsi odieux et incompréhensible.

1133. Objection. - Parmi les objections que l'on élève contre le concours immédiat est celle-ci : Si Dieu concourt immédiatement à toutes les actions humaines, il est la cause du mal comme du bien, du péché comme de la vertu.

Rép. Dieu n'est pas la cause du mal : il n'est que la cause du bien. Le mal est une privation, et celle-ci vient toute de la cause seconde, nullement de la cause première. Seulement cette privation se rencontre dans un bien limité, et celui-ci vient de Dieu comme les autres, non pas en tant que limité indûment, mais en tant que bien.

Si l'on insiste en disant que Dieu devrait du moins ne pas coopérer aux actes coupables de sa créature, on répond que Dieu ne coopère qu'à ce qu'il y a de bien dans l'acte de la créature. D'ailleurs le concours divin ne doit pas être assimilé à une simple coopération. Et puis les devoirs de la cause première ne sont point ceux de la cause seconde. Que deviendrait l'ordre universel lui-même si la cause première était mise ainsi sous la dépendance de la cause seconde, et si les biens ultérieurs et généraux qu'elle poursuit étaient sans cesse et de mille manières empêchés par la malice de ses propres créatures ?

CHAPITRE LXVIII

DE LA PROVIDENCE ET DU GOUVERNEMENT DIVIN; DE LA VIE ET DE LA BEATITUDE DIVINES

Parmi les attributs divins, il en est qui paraissent correspondre spécialement aux vertus morales la prudence, la justice, la force, la tempérance. Nous avons parlé de la justice de Dieu et de sa miséricorde, que nous concevons comme une sorte de tempérance dans la justice même; nous avons parlé aussi de la force de Dieu ou de la toute-puissance et des œuvres qui s'y rapportent : il nous reste à parler maintenant de la Providence, dont la prudence humaine est la faible image. Nous terminerons cette étude des divins attributs par quelques considérations sur la vie divine et le bonheur divin.

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1134. La Providence de Dieu et la prudence humaine. La Providence (providere, prévoir, pourvoir) est comme la prudence de Dieu: c'est dire que le meilleur moyen de la connaître c'est d'étudier la prudence humaine et de la transporter de quelque manière en Dieu, en éliminant toute imperfection. Or la prudence humaine renferme deux éléments principaux la connaissance et l'exécution ou le gouvernement.

Et d'abord l'homme prudent n'ignore rien de ce

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