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CHAPITRE LXVII

DE LA PUISSANCE DE DIEU; DE LA CRÉATION ET DE LA CONSERVATION DES CHOSES; DU CONCOURS DIVIN

A l'intelligence et à la volonté succède la puissance, qui exécute les ordres de la seconde et les plans de la première. Elle ne saurait manquer à Dieu, puisqu'elle est une perfection simple, et l'une des plus remarquables de la créature. Seulement nous devons retrancher de cet attribut, comme nous l'avons fait pour les autres, toutes les imperfections qu'il rencontre dans l'homme, où nous l'étudions d'abord.

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1118. La puissance dans la créature et la puissance en Dieu. La puissance que nous trouvons dans la créature est de deux sortes, l'une active et l'autre passive. Or il est bien évident que nous ne pouvons attribuer à Dieu que la première. L'autre implique l'imperfection, une dépendance visà-vis d'un principe extérieur. Quant à la puissance active qui est en nous, elle est à la fois le principe actif de l'effet et le principe de l'action. Or il est évident que la puissance de Dieu doit être le principe actif de l'effet, mais qu'elle ne saurait être le principe de l'action, c'est-à-dire quelque chose de distinct de l'action, de déterminé et de perfectionné par l'action.

Dieu est tout acte, et sa puissance est un acte suprême, principe de tous les effets.

Sous le bénéfice de ces explications, il nous sera facile de démontrer la puissance de Dieu et d'en déterminer les caractères. Elle seule est vraiment créatrice. C'est à elle qu'il appartient de conserver les choses après les avoir créées, et de concourir à tous les actes de la créature. C'est ce que nous affirmons dans la thèse suivante.

THÈSE. Il y a en Dieu une puissance infinie ou la toute-puissance qui seule est vraiment créatrice. Elle conserve directement et positivement les choses, après les avoir créées et prête à toutes les actions de la créature un concours immédiat et nécessaire.

1119. Puissance infinie de Dieu. - Et d'abord il y a en Dieu une puissance infinie ou la toute-puissance. Nous venons de voir que le propre de la puissance, ce qu'il y a en elle de plus excellent et peut seul convenir à Dieu, c'est d'être le principe actif de l'effet. Or on ne peut nier que Dieu soit ce principe. N'est-il pas un acte pur, une activité sans mélange d'inertie? Il possède donc la puissance, et dans ce qu'elle a de meilleur, de plus élevé et de parfait.

Pour les mêmes raisons, cette puissance est infinie. La puissance, en effet, est d'autant plus grande qu'elle est plus active et que ses limites sont plus étendues. Or la puissance de Dieu est un acte pur, elle est tout agissante; son activité est donc sans limites; on ne conçoit pas que cette activité puisse s'accroître en elle-même; en d'autres termes, il n'est pas possible que Dieu soit plus puissant qu'il ne l'est. Sa puissance c'est son acte, c'est son être même; or celui-ci est

infini. Si la chaleur subsistait, elle serait infinie comme chaleur, elle pourrait tout réchauffer, tout enflammer. Or l'ètre divin subsiste, et sa puissance c'est son être; elle est donc sans limites.

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1120. Dieu a la toute-puissance. En quoi elle consiste. Pour tout dire, en un mot, Dieu est tout-puissant. Est-ce à dire qu'il peut réaliser même les contradictoires? Non. Est-ce à dire seulement qu'il peut réaliser tout ce qui est au pouvoir de la vertu divine? - Non. Cette seconde hypothèse est trop timide et la première est trop hardie. Dieu est tout-puissant, c'est-à-dire qu'il peut réaliser tout ce qui est absolument possible, tout ce qui ne répugne pas en soi, tout ce qui n'implique pas contradiction. Le contradictoire, c'est le néant absolu, c'est ce qui manque de vérité, et Dieu se détruirait lui-même plutôt que de le produire.

Pour bien connaître et bien définir la toute-puissance, il faut donc connaître et définir le possible. Qu'est-ce que le possible? Sans doute le possible relatif, c'est ce que telle créature peut faire, et le possible absolu, c'est ce qui est au pouvoir de Dieu. Cette définition d'Occam est vraie; mais elle n'est qu'indirecte et secondaire et partant insuffisante : il faut chercher une définition essentielle. Car, si le possible ne se définit que par la puissance, par quoi définirat-on la puissance? - Par le possible? - Alors c'est un cercle vicieux et nous tombons dans la tautologie de tout à l'heure, qui consiste à dire que Dieu est tout-puissant parce qu'il peut faire tout ce qui est au pouvoir divin, c'est à-dire parce qu'il peut faire tout ce qu'il peut faire. Donc il faut dire que le possible absolu c'est avant tout et en dernière analyse ce qui

est intelligible, ce qui est vrai, ce qui se conçoit et peut se vérifier. Et ainsi la Toute-Puissance de Dieu est déclarée par la vérité et l'intelligence divines. (V. métaphysique, chap. XXII.)

Or il est évident que Dieu peut faire tout ce qui est intelligible, tout ce qu'il connaît, tout ce qui se conçoit, tout ce qui n'implique pas contradiction, tout ce qui n'est pas néant absolu. Car sa puissance est égale à sa vérité, à sa science, à son être, dont elle ne se distingue pas en réalité. Dieu est donc tout-puissant.

On ne saurait opposer ici qu'il ne peut pas changer le passé et faire que ce qui a été n'ait pas été ; car il ne peut le contradictoire, il ne peut détruire sa propre vérité et avec elle sa toute-puissance. Mais il peut créer une infinité de choses qui ne sont pas. Car la créature peut imiter de mille manières nouvelles la perfection divine. Celle-ci est inépuisable dans ses manifestations; d'où il suit que la toute-puissance ne l'est pas moins dans son efficacité. Dieu pourrait donc créer un monde plus parfait que celui-ci ; car il n'y a pas de limites à l'indéfini, à la perfection possible des mondes, on peut toujours concevoir un monde supérieur à l'autre. Cependant Dieu ne pouvait créer le monde avec plus ni avec moins de sagesse et d'intelligence. (V. la critique de l'optimisme, chap. xxxii, n. 588, etc.)

1121. Seule la Puissance de Dieu est créatrice. Ce qui distingue la puissance de Dieu de celle des créatures, c'est qu'elle atteint ses œuvres dans leur premier fond même. Dieu seul est capable de créer. Dieu seul aussi peut conserver dans l'existence les êtres réels et prêter à toutes leurs opéra

tions ce concours supérieur et constant qui leur est indispensable. Nous n'avons pas à redire ici sur la création elle-même, sa nature, sa possibilité intrinsèque, ce que nous avons dit ailleurs (chap. xxxш). Nous insisterons seulement sur cette vérité, savoir que la création est propre à Dieu : nul être fini ne peut suppléer ici la Puissance divine ni même lui servir d'instrument.

En effet, nous ne voyons pas que les forces et les agents finis, qui produisent cependant tant de merveilles sous nos yeux dans la nature, soient capables de créer quoi que ce soit. Rien ne se crée et rien ne se perd: c'est là un fait devenu incontestable dans la science. Créer et anéantir dépassent les forces de la nature. Les forces aveugles et immenses qui emportent dans un mouvement sans fin le ciel et la terre sont incapables de créer un atome, et tout le génie humain ne peut ajouter un seul rayon de lumière et de chaleur à ceux qui lui sont donnés et dont il excelle à se servir.

On peut objecter, il est vrai, que ce n'est là qu'un fait, et que dans certaines circonstances la nature pourrait peut-être devenir créatrice. Mais, sans compter que la constance du fait est une marque fort peu équivoque de l'impuissance de la nature, cette création est métaphysiquement impossible. Créer, en effet, c'est produire tout l'être, c'est donner la matière et la forme; le créateur est donc absolument indépendant dans son œuvre créatrice, il ne relève que de lui-même et son œuvre n'appartient qu'à lui. Mais ces conditions ne peuvent se vérifier que de Dieu. Lui seul donc est créateur.

On peut dire encore qu'entre le néant et l'exis

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