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discussions subtiles et quelquefois de controverses interminables. On peut se demander, par exemple, comment Dieu connaît les futurs iibres, ceux qui dépendent de la volonté et du choix de la créature, et, dans ce cas, comment concilier la prescience divine avec la liberté humaine. Comment Dieu peut-il connaître ces sortes de futurs sans faire violence à la volonté, sans la pousser fatalement vers une fin? Nous essaierons d'éclaircir ces doutes difficiles qui ont préoccupé tant de philosophes et de théologiens. Voici d'abord l'ensemble de la doctrine que nous devons développer, THÈSE. On ne peut douter que Dieu ait une science très parfaite et absolue. - Il suit de là que Dieu se connaît lui-même et par lui-même, qu'il se comprend parfaitement, que son intelligence est sa substance même, qu'elle n'est pas faite de raisonnement, qu'elle est la cause et non pas l'effet des choses. Il suit encore que l'objet principal de la science de Dieu c'est l'essence divine, et que l'objet secondaire est tout ce qui s'en distingue. Rien n'échappe donc au regard de Dieu. Il connaît très distinctement toutes les choses particulières; il connaît le néant et le mal, tous les possibles, toutes les propositions et leur valeur, tous les futurs libres. - Il suit enfin què la science de Dieu est invariable et absolument une en elle-même, bien. qu'elle comprenne une infinité d'idées, spéculatives et pratiques, qui sont les types et les règles des choses.

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1081. La science de Dieu est parfaite et absolue. — Qu'est-ce que la science, en effet ? C'est la connaissance de la vérité. Prise dans son acte même, c'est-à-dire dans sa perfection, la science est ce

regard de l'esprit sur toutes les vérités qui sont de son domaine plus il y a de science, plus il y a de lumière; et si la science est infinie, il n'y a plus de ténèbres, la lumière est sans ombre. Or telle est la science de Dieu,

1. En effet, n'est-il pas l'auteur intelligent de chaque chose et de la nature entière? N'est-ce pas lui qui a fixé à chaque être et à chaque espèce sa fin et la voie à parcourir? Il a construit, pour ainsi dire, et façonné chacune de ces merveilles vivantes ou inanimées dont l'ensemble compose l'univers : le minéral, que la chimie d'aujourd'hui compare à un édifice construit de la manière la plus géométrique; le brin d'herbe, que l'on n'a pas encore achevé d'étudier; l'insecte, qui nous émerveille par ses instincts et sa fécondité ; l'homme enfin, plus admirable encore. C'est Dieu qui non seulement a formé toutes choses, mais qui les a réunies dans un ensemble harmonieux, où l'opposition et le contraste font mieux ressortir encore l'ordre général et les justes proportions. Or il est évident que l'Auteur du monde doit être doué d'une intelligence prodigieuse, d'une science dont nous ne pouvons sonder l'étendue; car la moindre de ses œuvres tient en échec le génie humain et le dépassera éternellement.

Dira-t-on maintenant que le monde, quelque admirable qu'il soit dans ses détails et son ensemble, ne démontre pas que son Auteur ait une intelligence infinie, puisqu'il est fini lui-même dans ce que nous en connaissons? C'est l'objection de Kant. Mais on peut répondre qu'il n'est pas nécessaire que l'œuvre soit infinie en elle-même pour que la science et la sagesse qu'elle manifeste soient infinies: Dieu fait ce qui est fini avec une science et une sagesse infinie.

Au reste, sans insister sur cette considération, nous dirons qu'une science finie suppose toujours une science plus haute, jusqu'à ce qu'on arrive enfin à une science infinie, absolue, transcendante et subsistante; car nullescien ce finie ne se connaît elle-même absolument et ne s'éclaire de ses seules lumières : elle est donc éclairée d'en haut. Si le fini suppose toujours l'infini, la science finie supposera toujours une science infinie. Donc, en admettant que le monde tel qu'il est fût l'œuvre immédiate d'un esprit fini et d'une sagesse créée, il y aurait derrière cet auteur immédiat un auteur premier et absolument intelligent. Donc, en définitive, le spectacle du monde prouve la science infinie de Dieu.

2o D'ailleurs, comment douter de cette science, lorsque nous savons que Dieu possède absolument toutes les perfections? Parmi celles-ci la science ou la perfection de l'intelligence est la première à beaucoup d'égards. Elle mesure en quelque sorte toutes les autres on ne peut aimer qu'autant que l'on connaît; on n'est maître de son action et l'auteur de ses œuvres que dans la mesure où l'on agit avec connaissance; le cœur ou la volonté suit toujours de quelque manière l'intelligence ou s'en fait précéder. En somme, si l'homme peut valoir beaucoup moins que son esprit, il ne peut valoir plus : il faut toujours qu'il ait connu et compris de quelque manière le bien qu'il a le mérite d'aimer et de pratiquer. D'où il suit que la première perfection est celle de l'intelligence, et que si nous devons attribuer à Dieu des perfections absolues, c'est par l'intelligence qu'il faut commencer. Or Dieu est parfait à tous égards. Donc sa science, toute la première, est parfaite et absolue.

3o A ces deux raisons il faut en joindre une troisième, d'un caractère plus subtil. Elle est la seule que donne saint Thomas dans la Somme théologique. La voici. Dieu est le plus immatériel des êtres; on doit même dire que son immatérialité est absolue. Or la connaissance est proportionnée au degré d'immatérialité. L'intelligence de Dieu est donc absolue.

L'immatérialité de Dieu, disons-nous, est absolue; car non seulement il n'a point de matière proprement dite, mais encore il n'a rien de potentiel, il est tout acte. D'autre part, il est évident que la connaissance est d'autant plus élevée que l'immatérialité augmente. Car plus une chose se dégage ou se distingue de la matière, plus elle est susceptible de recevoir les formes des êtres extérieurs, de se les assimiler, de se conformer à ce qui l'entoure et partant de connaître. C'est ainsi que l'animal est déjà susceptible de connaissance; car le sens lui permet de recevoir les formes, les images d'une multitude d'objets. L'homme l'est bien davantage, lui dont l'intelligence, infiniment plus subtile que le sens, reçoit des formes abstraites, spirituelles; il connaît tout de quelque manière, car, suivant le mot d'Aristote, il peut se conformer à tout par la connaissance. Que sera-ce maintenant des esprits purs, bien plus dégagés encore de la matière que l'âme humaine? Que sera-ce surtout de l'Esprit par excellence, qui est un acte pur, c'est-à-dire de Dieu? Il exprime tout d'une manière parfaite et supérieure et avec une parfaite indépendance: c'est-àdire que sa science est parfaite et que cette science est lui-même.

1082. Objections. -Toutes les objections que l'on peut élever contre l'infinité de la science divine

sont fondées sur la confusion de la science divine avec la science humaine. Pour les résoudre il faut se souvenir que la science divine est absolue, qu'elle n'éprouve aucune intermittence, aucune des imperfections de la nôtre; elle est toute pure et se laisse connaître par la science humaine sans se laisser définir autrement que par des analogies (1).

1o On objecte par exemple que la science est une habitude, c'est-à-dire quelque chose de potentiel. qui tient le milieu entre la faculté et l'acte, c'est-àdire entre la faculté de connaître ou l'intelligence et l'acte de connaître ou d'intelligence; or Dieu n'a rien de potentiel, d'imparfait, d'inachevé, mais il est tout acte.

Rép. Il suit seulement de là que la science de Dieu n'est pas une habitude comme la science humaine, mais qu'elle est une connaissance active, une pure intelligence.

2o On objecte encore que la science a pour cause la connaissance des principes: elle est donc causée; or rien de causé n'est en Dieu.

Rép. La science humaine est causée la conpar naissance des principes; mais la science qui est en Dieu n'est pas distincte de la connaissance des prin

(1) C'est ce qu'enseigne saint Augustin dans ce beau passage : « Cum dempsero de humana scientia mutabilitatem, et transitus quosdam a cogitatione in cogitationem... Cum hæc cuncta detraxero, et reliquero solam vivacitatem certæ, atque inconcussæ veritatis, una, atque æterna contemplatione cuncta lustrantis; imo non reliquero, non enim hoc habet humana scientia, sed pro viribus cogitavero, insinuatur mihi utcumque scientia Dei. » (De diversis Qq. ad Simplicianum, 1. II, q. 2. n. 3.)

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