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Il n'était point couvert de ces tristes lambeaux
Qu'une ombre désolée emporte des tombeaux.
Il n'était point percé de ces coups pleins de gloire
Qui, retranchant sa vie, assurent sa mémoire.
Il semblait triomphant, et tel que sur son char
Victorieux dans Rome entre notre César.
Après un peu d'effroi que m'a donné sa vue:
« Porte à qui tu voudras la faveur qui m'est due,
» Ingrate, m'a-t-il dit ; et ce jour expiré,
» Pleure à loisir l'époux que tu m'as préféré. »
A ces mots j'ai frémi, mon ame s'est troublée :
Ensuite des chrétiens une impie assemblée,
Pour avancer l'effet de ce discours fatal,
A jeté Polyeucte aux pieds de son rival.
Soudain à son secours j'ai réclamé mon père.
Hélas, c'est de tout point ce qui me désespère.
J'ai vu mon père même, un poignard à la main,
Entrer le bras levé pour lui percer le sein.
Là ma douleur trop forte a brouillé ces images :
Le
sang de Polyeucte a satisfait leurs rages.

Je ne sais ni comment, ni quand ils l'ont tué,
Mais je sais qu'à sa mort tous ont contribué.
Voilà quel est mon songe.

Le récit suivant peint vivement l'indignation dont est saisie une personne zélée pour sa religion, et qui vient de voir profaner l'objet de son culte et de son respect. C'est la confidente de Pauline qui vient lui raconter de quelle manière Polyeucte et son ami Néarque ont profané les autels dans un sacrifice public, en se déclarant ouvertement chrétiens.

Cette scène se passe entre deux femmes élevées dans le paganisme. La confidente qui fait le récit représente admirablement le caractère d'une femme prévenue pour sa religion et dévouée au culte des dieux, que dans son erreur elle croit, et qu'elle respecte de tout son cœur.

PAULINE.

Hé bien! ma Stratonice, Comment s'est terminé ce pompeux sacrifice ? Ces rivaux généreux au temple se sont vus?

Ah! Pauline.

STRATONICE.

PAULINE.

Mes yeux ont-ils été déçus?

J'en vois sur ton visage une mauvaise marque.
Se sont-ils querellés?

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Ce serait peu de chose.

Tout votre songe est vrai, Polyeucte n'est plus...

Il est mort?

PAULINE.

STRATONICE.

Non, il vit. Mais, ô pleurs superflus,

Ce courage si grand, cette ame si divine
N'est plus digne du jour, ni digne de Pauline.
Ce n'est plus cet époux si charmant à vos yeux,
C'est l'ennemi commun de l'état et des dieux...

PAULINE.

Pourrais-je donc savoir ce qu'ils ont fait au temple?

STRATONICE.

C'est une impiété qui n'eut jamais d'exemple.
Je ne puis y penser sans frémir à l'instant,
Et crains de faire un crime en vous la racontant.
Apprenez en deux mots leur horrible insolence :
Le prêtre avait à peine obtenu du silence,
Et devers l'orient assuré son aspect,

Qu'ils ont fait éclater leur manque de respect.
A chaque occasion de la cérémonie

A l'envi l'un et l'autre étalait sa manie,
Des mystères sacrés hautement se moquait,
Et traitait de mépris les dieux qu'on invoquait.
Tout le peuple en murmure, et Félix s'en offense.
Mais tous deux s'emportant à plus d'irrévérence,
Quoi! lui dit Polyeucte, en élevant sa voix,

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>> Adorez-vous des dieux ou de pierre ou de bois? »
Ici dispensez-moi du récit des blasphêmes
Qu'ils ont vomis tous deux contre Jupiter même :
L'adultère et l'inceste en étaient les plus doux.
« Écoutez, a-t-il dit, vous peuple, écoutez tous.
» Le Dieu de Polyeucte et celui de Néarque,
>> De la terre et du ciel est l'absolu monarque;
» Seul être indépendant, seul maître du destin,
> Seul monarque éternel et souveraine fin.

» C'est ce Dieu des chrétiens qu'il faut qu'on remercie
» Des victoires qu'il donne à l'empereur Décie :

» Lui seul tient en sa main le succès des combats :

» Il le peut élever, il le peut mettre à bas.

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» Sa bonté, son pouvoir, sa justice est immense:
» C'est lui seul qui punit, lui seul qui récompense.
» Vous adorez en vain des monstres impuissans.
Se jetant à ces mots sur le vin et l'encens,
Après en avoir mis les saints vases par terre,
Sans crainte de Félix, sans crainte du tonnerre,
D'une fureur pareille ils courent à l'autel.
Cieux! a-t-on vu jamais, a-t-on rien vu de tel?
Du plus puissant des dieux nous voyons la statue
Par une main impie à leurs pieds abattue;
Les mystères troublés, le temple profané,
La fuite et les clameurs d'un peuple mutiné,
Qui craint d'être accablé sous le courroux céleste;
Félix... Mais le voici qui vous dira le reste.

Polyeucte, de Corneille.

Récit de la mort d'Hippolyte.

Thésée, roi d'Athènes, et père d'Hippolyte, avait épousé en secondes noçes Phèdre, fille de Minos et de Pasiphaé comme il craignait que son fils ne regardât pas de bon oeil sa belle-mère et les enfans qu'il en aurait, il l'envoya chez son aïeule Pytthée à Trézène. Phèdre y vit Hippolyte dans un voyage où elle accompagna Thésée. Là elle conçut une violente passion pour ce jeune prince, et elle osa la lui déclarer : mais comme elle vit qu'elle ne lui inspirait que de l'horreur, sa fureur jalouse la porta à l'accuser auprès de Thésée d'avoir voulu attenter à son honneur. Ce malheureux roi la crut, et dans un mouvement de colère, il pria Neptune de venger ce crime prétendu. Le dieu l'exauça. C'est Théramène, qui avait été gouverneur d'Hippolyte, qui raconte à Thésée la mort de son fils, et c'est le sujet de la narration suivante, qui est si célèbre. Tout le monde convient qu'elle est magnifique; on a trouvé même que si elle péchait par quelque endroit, c'est qu'elle est trop fleuri, étant dans la bouche d'un homme saisi de douleur, et qui raconte à un père la mort de son fils. Mais ce n'est pas dans ce point de vue qu'il faut l'examiner ici.

A peine nous sortions des portes de Trézène,
Il était sur son char. Ses gardes affligés
Imitaient son silence autour de lui rangés.
Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes.

Sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes ...
Un effroyable cri sorti du fond des flots,
Des airs en ce moment a troublé le repos
Cependant sur le dos de la plaine liquide
S'élève à gros bouillons une montagne humile.
L'onde approche, se brise et vomit à nos yeux,
Parmi des flots d'écume un monstre furieux.
Son front large est armé de cornes menaçantes.
Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes.
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueax..
Tout fuit; et sans s'armer d'un courage inutile,

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Dans le temple voisin chacun cherche un asile.
Hippolyte lui seul, digne fils d'un héros,
Arrête ses coursiers, saisit ses javelots,

Pousse au monstre, et, d'un dard lancé d'une main sûre,
Il lui fait dans le flanc une large blessure.

De rage et de douleur le monstre bondissant,
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant,
Se roule, et leur présente une gueule enflammée
Qui les couvre de feu, de sang et de fumée.
La frayeur les emporte; et sourds à cette fois,
Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix...
A travers les rochers la peur les précipite.
L'essieu crie et se rompt: l'intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout son char fracassé.

Dans les rênes, lui-même il tombe embarrassé...
Il veut les rappeler, et sa voix les effraie.

Trainé par ses chevaux, son corps n'est qu'une plaie,
De nos crix douloureux la plaine retentit:
Leur fougue impétueuse enfin se ralentit...
J'arrive, je l'appelle; et me tendant la main,
Il ouvre un œil mourant qu'il referme soudain.
Le ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie,
Prends soin après ma mort de la triste Aricie (1).
Cher ami, si mon père, un jour désabusé,
Plaint le malheur d'un fils faussement accusé,
Pour apaiser mon sang et mon ombre plaintive,
Dis-lui qu'avec douceur il traite sa captive;
Qu'il lui rende... A ce mot, ce héros expiré
N'a laissé dans mes bras qu'un corps défiguré :
Triste objet où des dieux triomphe la colère,
que méconnaîtrait l'œil même de son père.

Et

Phèdre, de Racine.

Narration célèbre de la mort de Pompée.

C'est un officier de Cléopâtre, sœur de Ptolomée, roi d'Égypte, qui fait ce récit à cette princesse.

Madame, j'ai couru par votre ordre au rivage;
J'ai vu la trahison, j'ai vu toute sa rage.

Du plus grand des mortels j'ai vu trancher le sort,
J'ai vu dans son malheur la gloire de sa mort.

(1) Aricle était une princesse du sang royal d'Athènes. Elle était aimée d'ilippolyte, qui se proposait de l'épouser.

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