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Déjà j'entends des mers mugir les flots troublés :
Déjà je vois pâlir les astres ébranlés.

Le feu vengeur s'allume, et le son des trompettes
Va réveiller les morts dans leurs sombres retraites.
Ce jour est le dernier des jours de l'univers.
Dieu cite devant lui tous les peuples divers;
Et pour en séparer les saints, son héritage,
De sa religion vient consommer l'ouvrage.
La terre, le soleil, le temps, tout va périr,
Et de l'éternité les portes vont s'ouvrir.
Elles s'ouvrent. Ce Dieu si long-temps invisible,
S'avance précédé de sa gloire terrible:
Entouré du tonnerre, au milieu des éclairs,
Son trône étincelant s'élève dans les airs.

Le grand rideau se tire, et ce Dieu vient en maître.
Malheureux qui pour lors commence à le connaître !
Ses anges ont partout fait entendre leurs voix ;
Et sortant de la poudre une seconde fois,

Le genre humain tremblant, sans appui, sans refuge,
Ne voit plus de grandeur que celle de son juge.
Ébloui des rayons dont il se sent percer,

L'impie avec horreur voudrait les

repousser.

Il n'est plus temps. Il voit la gloire qui l'opprime;
Il tombe enseveli dans l'éternel abime...

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Et loin des voluptés où fut livré son cœur
Ne trouve devant lui que la rage et l'horreur.
Le vrai chrétien lui seul ne voit rien qui l'étonne;
Et sur ce tribunal que la foudre environne
Il voit le même Dieu qu'il a cru, sans le voir,
L'objet de son amour, la fin de son espoir.
Mais il n'a plus besoin de foi ni d'espérance :
Un éternel amour en est la récompense.

Poëme de la Religion, de Racine.

REMARQUES.

Voilà un morceau de poésie qu'on peut appeler fini, tant il renferme de beautés. Ce sont là de grandes images, s'il en fut jamais. Quel tableau! Quelle force d'expressions! il est vrai que le sujet par lui-même ne pouvait que jeter le poëte dans un enthousiasme des plus vifs; mais on peut dire qu'il rend parfaitement l'idée que les livres saints nous donnent de ce grand jour. Remarquez ces figures: Déjà j'entends des mers mugir

les flots troubles. Déjà je vois pálir les astres ébranlés, etc. Cette expression, ce Dieu si long-temps invisible, ne doit-elle pas frapper l'esprit et le cœur? N'est-ce pas comme s'il disait: Ce Dieu, après lequel les justes ont tant soupiré, se montre à eux, ils le voient enfin, le temps de la foi est fini. Il n'y a point de véritables chrétiens qui ne se sentent émus et touchés à la récitation d'un pareil morceau, surtout à l'endroit qui regarde les élus, parce qu'il leur rappelle vivement le temps de leur délivrance et la fin des maux qu'ils éprouvent dans cette vie. On ne doit pas oublier cette expression où le poëte, parlant de l'impie, dit: Il voit la gloire qui l'opprime; c'est une application très-juste de ce passage de l'Écriture: Scrutator majestatis opprimetur à gloriâ, et qui convient parfaitement à ces esprits téméraires qui veulent pénétrer dans les décrets éternels, et sonder la profondeur des jugemens de Dieu.

Sur le même sujet.

Le poëte fait ici une paraphrase du psaume 96, Dominus regnavit, exultet terra, et il y ajoute des traits qui ont rapport au jugement dernier.

Peuples, élevez vos concerts:

Poussez des cris de joie et des chants de victoire :
Voici le roi de l'univers,

Qui vient faire éclater son triomphe et sa gloire.

La justice et la vérité

Servent de fondement à son trône terrible :
Une profonde obscurité

Aux regards des humains le rend inaccessible.

Les éclairs, les feux dévorans

Font luire devant lui la flamme étincelante : ·
Et ses ennemis expirans

Tombent de toutes parts sous sa foudre brûlante.

Pleine d'horreur et de respect,
La terre a tressailli sous ses voûtes brisées :

Les monts fendus à son aspect,
S'écroulent dans le sein des ondes embrasées.

De ses jugemens redoutés

La trompette céleste a porté le message;
Et dans les airs épouvantés

En ces horribles mots sa voix s'ouvre un passage:

Soyez à jamais confondus,

Adorateurs impurs des profanes idoles,
Vous qui par des vœux défendus

Invoquez de vos mains les ouvrages frivoles.

Ministres de mes volontés,

Anges, servez contre eux ma fureur vengeresse.
Vous, mortels que j'ai rachetés,
Redoublez à ma voix vos concerts d'allégresse.

C'est moi qui du plus haut des cieux,
Du monde que j'ai fait, règle les destinées;
C'est moi qui brise ces faux dieux,
Misérables jouets des vents et des années.

Par ma présence raffermis, Méprisez du méchant la haine et l'artifice : L'ennemi de vos ennemis

A détourné sur eux les traits de leur malice.

Venez donc, venez en ce jour

Signaler de vos cœurs l'humble reconnaissance,
Et par un respect plein d'amour,

Sanctifiez en moi votre réjouissance.

Rousseau.

Gémissement des filles de Jérusalem pendant la captivité de Babylone.

Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire?
Tout l'univers admirait ta splendeur :
Tu n'es plus que poussière, et de cette grandeur
Il ne nous reste plus que la triste mémoire.
Sion, jusques au ciel élevée autrefois,

Jusqu'aux enfers maintenant abaissée,
Puissé-je demeurer sans voix,

Si dans mes chants ta douleur retracée

Jusqu'au dernier soupir n'occupe ma pensée.
O rives du Jourdain! ô champs aimés des cieux!
Sacrés monts, fertiles vallées,

Par cent miracles signalées,

Du doux pays de nos aïeux
Serons-nous toujours exilées?

Racine, Tragédie d'Esther.

Le même poëte, dans les vers suivans, a rendu le sens de la prophétie d'Isaïe sur la grandeur future de l'Eglise, et la propagation du christianisme.

Quelle Jérusalem nouvelle

Sort du fond du désert brillante de clarté (1),
Et porte sur son front une marque immortelle ?
Peuples de la terre, chantez;

Jérusalem renaît plus charmante et plus belle.
D'où lui viennent de tous côtés

Ces enfans qu'en son sein elle n'a point portés?
Lève, Jérusalem, lève ta tête altière;
Regarde tous ces rois de ta gloire étonnés.
Les rois des nations, devant toi prosternés,
De tes pieds baisent la poussière;
Les peuples à l'envi marchent à ta lumière.
Heureux qui pour Sion d'une sainte ferveur
Sentira son âme embrasée!

Cieux, répandez votre rosée,

Et que la terre enfante son Sauveur.

SUR LA FOI CATHOLIQUE.

A l'occasion de l'abjuration que fit Henri IV, roi de France, lorsqu'il embrassa la foi de l'Église catholique, Voltaire parle en ces termes, dans un poëme où il raconte cet événement :

Henri, dont le grand coeur était formé pour elle (2),
Voit, connaît, aime enfin sa lumière immortelle;
Il abjure avec foi ces dogmes séducteurs,
Ingénieux enfans de cent nouveaux docteurs.
Il reconnaît l'église ici-bas combattue,
L'église toujours une et partout étendue,

(1) Surge, illuminare, Jerusalem, quia venit lumen tuum, et gloria Domini super te orta est... Leva in circuitu oculos tuos et vide... Filii tui de longè venient... Ambulabunt gentes in lumine tuo et Reges in splendore ortûs tui. Is., cap. 60... Et inimici ejus terram lingent. Ps. 71... Rorate, celi, desuper, et nubes pluant justum. Is. 45.

(2) L'Église.

Libre, mais sous un chef, adorant en tout lieu
Dans le bonheur des saints la grandeur de son Dieu.
Le Christ, de nos péchés victime renaissante,
De ses élus chéris nourriture vivante,
Descend sur les autels à ses yeux éperdus,

Et lui découvre un Dieu sous un pain qui n'est plus.
Son cœur obéissant se soumet, s'abandonne...
Les remparts ébranlés s'entr'ouvrent à sa voix.
Il entre au nom du Dieu qui fait régner les rois.

Henriade de Voltaire.

REMARQUES.

On peut dire que cette définition de l'Église est exacte, et que ce qui en fait le prix c'est de renfermer beaucoup de choses dans l'espace de huit vers. On voit que l'Église ici-bas essuie des combats; on y apprend son unité et la réunion de ses membres sous un seul chef. Peut-on mieux exprimer l'adorable sacrifice de nos autels? Le Christ, de nos péchés victime renaissante; et le sacrement de l'Eucharistie : De ses élus chéris nourriture vivante. Que cette idée est noble! Il entre au nom du Dieu qui fait régner les rois. Per me reges regnant, dit la Sagesse dans les livres saints.

Profession de foi de Polyeucte.

Je n'adore qu'un Dieu maître de l'univers,
Sous qui tremblent le ciel, la terre et les enfers;
Un Dieu qui, nous aimant d'une amour infinie,
Voulut mourir pour nous avec ignominie;
Et qui, par un effort de cet excès d'amour,

Veut pour nous en victime être offert chaque jour.

Corneille, Tragédie de Polyeucie.

Le même Polyeucte ayant été mis en prison, parce qu'il était chrétien, et près d'aller à la mort, fait les réflexions suivantes dans un monologue.

Source délicieuse en misères féconde,
Que voulez-vous de moi, flatteuses voluptés!

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