Déjà j'entends des mers mugir les flots troublés : Le feu vengeur s'allume, et le son des trompettes Le grand rideau se tire, et ce Dieu vient en maître. Le genre humain tremblant, sans appui, sans refuge, L'impie avec horreur voudrait les repousser. Il n'est plus temps. Il voit la gloire qui l'opprime; Et loin des voluptés où fut livré son cœur Poëme de la Religion, de Racine. REMARQUES. Voilà un morceau de poésie qu'on peut appeler fini, tant il renferme de beautés. Ce sont là de grandes images, s'il en fut jamais. Quel tableau! Quelle force d'expressions! il est vrai que le sujet par lui-même ne pouvait que jeter le poëte dans un enthousiasme des plus vifs; mais on peut dire qu'il rend parfaitement l'idée que les livres saints nous donnent de ce grand jour. Remarquez ces figures: Déjà j'entends des mers mugir les flots troubles. Déjà je vois pálir les astres ébranlés, etc. Cette expression, ce Dieu si long-temps invisible, ne doit-elle pas frapper l'esprit et le cœur? N'est-ce pas comme s'il disait: Ce Dieu, après lequel les justes ont tant soupiré, se montre à eux, ils le voient enfin, le temps de la foi est fini. Il n'y a point de véritables chrétiens qui ne se sentent émus et touchés à la récitation d'un pareil morceau, surtout à l'endroit qui regarde les élus, parce qu'il leur rappelle vivement le temps de leur délivrance et la fin des maux qu'ils éprouvent dans cette vie. On ne doit pas oublier cette expression où le poëte, parlant de l'impie, dit: Il voit la gloire qui l'opprime; c'est une application très-juste de ce passage de l'Écriture: Scrutator majestatis opprimetur à gloriâ, et qui convient parfaitement à ces esprits téméraires qui veulent pénétrer dans les décrets éternels, et sonder la profondeur des jugemens de Dieu. Sur le même sujet. Le poëte fait ici une paraphrase du psaume 96, Dominus regnavit, exultet terra, et il y ajoute des traits qui ont rapport au jugement dernier. Peuples, élevez vos concerts: Poussez des cris de joie et des chants de victoire : Qui vient faire éclater son triomphe et sa gloire. La justice et la vérité Servent de fondement à son trône terrible : Aux regards des humains le rend inaccessible. Les éclairs, les feux dévorans Font luire devant lui la flamme étincelante : · Tombent de toutes parts sous sa foudre brûlante. Pleine d'horreur et de respect, Les monts fendus à son aspect, De ses jugemens redoutés La trompette céleste a porté le message; En ces horribles mots sa voix s'ouvre un passage: Soyez à jamais confondus, Adorateurs impurs des profanes idoles, Invoquez de vos mains les ouvrages frivoles. Ministres de mes volontés, Anges, servez contre eux ma fureur vengeresse. C'est moi qui du plus haut des cieux, Par ma présence raffermis, Méprisez du méchant la haine et l'artifice : L'ennemi de vos ennemis A détourné sur eux les traits de leur malice. Venez donc, venez en ce jour Signaler de vos cœurs l'humble reconnaissance, Sanctifiez en moi votre réjouissance. Rousseau. Gémissement des filles de Jérusalem pendant la captivité de Babylone. Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire? Jusqu'aux enfers maintenant abaissée, Si dans mes chants ta douleur retracée Jusqu'au dernier soupir n'occupe ma pensée. Par cent miracles signalées, Du doux pays de nos aïeux Racine, Tragédie d'Esther. Le même poëte, dans les vers suivans, a rendu le sens de la prophétie d'Isaïe sur la grandeur future de l'Eglise, et la propagation du christianisme. Quelle Jérusalem nouvelle Sort du fond du désert brillante de clarté (1), Jérusalem renaît plus charmante et plus belle. Ces enfans qu'en son sein elle n'a point portés? Cieux, répandez votre rosée, Et que la terre enfante son Sauveur. SUR LA FOI CATHOLIQUE. A l'occasion de l'abjuration que fit Henri IV, roi de France, lorsqu'il embrassa la foi de l'Église catholique, Voltaire parle en ces termes, dans un poëme où il raconte cet événement : Henri, dont le grand coeur était formé pour elle (2), (1) Surge, illuminare, Jerusalem, quia venit lumen tuum, et gloria Domini super te orta est... Leva in circuitu oculos tuos et vide... Filii tui de longè venient... Ambulabunt gentes in lumine tuo et Reges in splendore ortûs tui. Is., cap. 60... Et inimici ejus terram lingent. Ps. 71... Rorate, celi, desuper, et nubes pluant justum. Is. 45. (2) L'Église. Libre, mais sous un chef, adorant en tout lieu Et lui découvre un Dieu sous un pain qui n'est plus. Henriade de Voltaire. REMARQUES. On peut dire que cette définition de l'Église est exacte, et que ce qui en fait le prix c'est de renfermer beaucoup de choses dans l'espace de huit vers. On voit que l'Église ici-bas essuie des combats; on y apprend son unité et la réunion de ses membres sous un seul chef. Peut-on mieux exprimer l'adorable sacrifice de nos autels? Le Christ, de nos péchés victime renaissante; et le sacrement de l'Eucharistie : De ses élus chéris nourriture vivante. Que cette idée est noble! Il entre au nom du Dieu qui fait régner les rois. Per me reges regnant, dit la Sagesse dans les livres saints. Profession de foi de Polyeucte. Je n'adore qu'un Dieu maître de l'univers, Veut pour nous en victime être offert chaque jour. Corneille, Tragédie de Polyeucie. Le même Polyeucte ayant été mis en prison, parce qu'il était chrétien, et près d'aller à la mort, fait les réflexions suivantes dans un monologue. Source délicieuse en misères féconde, |