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fant le plus novice, à l'école, aurait été moins ridicule, s'il eût tenu ce livre, tant il brisait le sens des phrases et estropiait les mots. Il me rendit mon livre au milieu des éclats de rire : « Tu le vois, me dit-il, mes yeux sont « malades, fatigués par des veilles continuelles; à peine « puis-je lire les premières lettres. Aussitôt que mes yeux « seront remis, reviens, et je te lirai le livre tout entier. « Je souhaite un prompt rétablissement à tes yeux, « répondis-je; mais les yeux ne sont ici pour rien, dans <«<le passage que tu as lu. Prandium caninum, que si«gnifie-t-il, je te prie? » L'illustre fourbe se lève aussitôt, comme effrayé par la difficulté de ma question, et s'écrie en s'en allant : « Ce n'est pas peu de chose que cela. Je n'enseigne pas cela gratis '. »

Sous les empereurs byzantins, les boutiques de libraires étaient encore un lieu de réunion. Agathias, au livre II de l'Histoire de Justinien, parle d'un certain médecin nommé Uranie, qui se trouvait souvent dans les boutiques de libraires. « Là, dit-il, il agitait avec des personnes qui n'avaient aucune teinture des sciences des questions pleines de témérité et d'insolence sur le sujet de l'essence et des attributs de Dieu... Ils s'assemblaient le soir, après avoir donné la plus grande partie de la journée à la débauche. »>

Outre les magasins de livres, dans les librairies proprement dites, il y avait encore, chez les Romains, des étalages sous les portiques et dans d'autres lieux publics, étalages fort semblables à ceux que nous voyons à Paris sous les galeries de l'Odéon et du Palais-Royal, sur les quais et dans quelques rues. Les amateurs de li

L. XIII, c. 30, traduction de la collection Dubochet.

vres fréquentaient fort ces boutiques en plein vent, où ils trouvaient souvent à faire d'excellents marchés.

Étant débarqué à Brindes, à mon retour de Grèce en Italie, dit Aulu-Gelle, je me promenais, au sortir du navire, sur ce port fameux, lorsque j'aperçus un étalage de livres à vendre. Aussitôt, avec l'avidité d'un amateur, je courus les examiner. C'était une collection de livres grecs, remplis de fables, de prodiges, de récits étranges et incroyables; les auteurs étaient d'anciens écrivains, dont le nom n'est pas d'une médiocre autorité : Aristée, de Proconnèse; Isigone, de Nicée; Ctésias, Onésicrite, Polystéphanus, Hégésias. Ces livres, fort délabrés et tout couverts d'une antique poussière, avaient une triste apparence. Toutefois, je les marchandai. La modicité inattendue du prix me décida aussitôt à en faire emplette; et, ayant payé la somme légère qu'on me demandait, j'emportai un grand nombre de volumes, que je parcourus pendant les deux nuits suivantes 1. »

De quel prix serait aujourd'hui pour nous l'étalage du plus misérable de ces bouquinistes !

Les récitations publiques, dont nous avons parlé assez longuement dans les CURIOSITÉS LITTÉRAIRES 2, précédaient habituellement chez les Romains la publication d'un livre. Cette publication avait lieu en général par le moyen des libraires qui faisaient transcrire à leurs frais les ouvrages destinés au public. Cependant les auteurs, lorsqu'ils étaient assez riches pour avoir des esclaves lettrés, éditaient aussi quelquefois leurs propres ouvrages. Pline le Jeune, parlant d'un riche vaniteux nommé

Nuits attiques, l. ix, c. 4.

Voyez p. 349 et suiv.

Régulus, qui venait de perdre un fils: « Ces jours passés, dit-il, il lut dans une nombreuse assemblée un livre sur la vie de son fils et de son fils enfant; en outre il a fait transcrire cet ouvrage à mille exemplaires qu'il a répandus dans toute l'Italie et dans les provinces de l'empire. » Cicéron faisait transcrire, par ses propres copistes, ses ouvrages, qu'il ne livrait à son éditeur, Atticus, qu'après avoir fait réviser soigneusement ces premières copies.

Uu livre se publiait souvent à l'insu de son auteur, et il devait être facile à un plagiaire de s'approprier des opuscules anonymes. « Quelques-uns de vos vers, écrit Pline le Jeune à Octave (liv. 11, lettre x), échappés malgré vous, ont déjà paru. Si vous ne prenez soin de les rappeler et de les rassembler, ces vagabonds sans aveu trouveront maître... Vous n'allez dire, à votre ordinaire : « C'est l'affaire de mes amis. » Je souhaite de tout mon cœur que vous ayez des amis assez fidèles, assez savants, assez laborieux pour vouloir se charger de cette entreprise et pour la pouvoir soutenir; mais croyez-vous qu'il y ait beaucoup de sagesse à se promettre des autres ce que l'on se refuse à soi-même? »

Trois siècles plus tard, saint Jérôme se plaignait qu'il ne pouvait écrire le moindre ouvrage sans que ses amis ou ses envieux s'empressassent de le publier.

Voici une lettre assez intéressante adressée par Quintilien à son libraire :

« Vous n'avez pas laissé passer un jour sans renouveler vos instances, je dirai presque vos reproches, pour me déterminer à publier le traité que j'avais adressé à mon ami Marcellus sur l'Institution de l'orateur. A vrai dire, mon travail ne me semblait pas encore assez mûr, n'y

ayant consacré, comme vous le savez, qu'un peu plus de deux ans, et étant distrait par tant d'autres soins; encore ce temps fut-il employé moins à le rédiger qu'à faire les recherches presque infinies qu'il exigeait et à lire une foule innombrable d'auteurs. Ensuite, d'après le conseil d'Horace, qui, dans son Art poétique, recommande aux écrivains de ne point trop se presser, et « de les garder neuf ans en portefeuille, » je laissai reposer le mien et refroidir mon amour d'auteur, afin d'être en état de le revoir avec plus de sévérité et de le juger avec l'impartialité d'un lecteur. Toutefois, s'il est aussi impatiemment attendu que vous le dites, livrons la voile au vent et faisons des vœux pour un heureux voyage. Au reste, je compte beaucoup sur vos soins consciencieux pour qu'il parvienne au public avec toute la correction possible 1.>>

Les anciens publiaient leurs ouvrages ou quand ils étaient entièrement terminés, ou seulement par parties. Les li braires, pour exciter la curiosité du public lors de l'apparition d'un livre nouveau, en faisaient écrire le titre en grosses lettres sur les devantures de leurs boutiques, sur les colonnes et les murailles destinées aux affiches. Il est probable, en outre, qu'ils distribuaient des prospectus où étaient indiqués tous les détails relatifs à la vente du livre. La troisième épigramme du premier livre de Martial était peut-être destinée à figurer sur un de ces prospectus. Elle a pour titre : Au lecteur, sur le lieu où se vendent les livres de l'auteur.

« Toi qui désires avoir mes livres partout avec toi, et veux en faire les compagnons de ton lointain voyage,

Traduction de la collection Dubochet. Cette lettre est placée en tête du premier livre de l'Institution oratoire.

achète ceux que le parchemin resserre entre deux courtes tablettes. Laisse aux bibliothèques les gros volumes. Une main suffit pour tenir mon livre. Cependant, pour que tu saches où l'on me vend et que tu n'ailles pas courir toute la ville, je vais te servir de guide. Va trouver Secundus, l'affranchi du docte Lucensis, derrière le temple de la Paix et le marché de Pallas. >>

Il parait que les libraires de l'antiquité avaient, comme les copistes du moyen âge et les libraires modernes, l'babitude de mettre leur nom aux livres qu'ils publiaient, et il en est résulté souvent que, dans les anciens manuscrits, le nom du libraire a été pris pour celui de l'auteur. Ainsi, suivant Eckhard, les Vies des grands capitaines, que l'on regarde généralement comme étant l'œuvre de Cornélius Nepos, ont été pendant longtemps attribuées à un libraire du temps de Théodose, Æmilius Probus, sous le nom duquel on les a même imprimées.

Les libraires de l'antiquité achetaient-ils aux auteurs le droit de publier et de vendre leurs ouvrages? Cette question, sur laquelle nous reviendrons plus tard, est restée à peu près indécise; mais, en tous cas, les libraires dans l'antiquité avaient un grand avantage sur les libraires modernes c'est qu'ils pouvaient ne faire faire d'abord qu'un petit nombre d'exemplaires de l'ouvrage qu'ils éditaient, et se borner ensuite à remplacer par de nouvelles copies celles qu'ils avaient vendues. De cette manière ils pouvaient n'avoir à redouter que fort peu de chances de pertes. Quand même il leur serait resté en magasin des exemplaires qu'ils n'auraient pu vendre, rien ne leur était plus facile que d'en enlever l'écriture et de faire servir de nouveau le papyrus ou le parchemin. Ils ne perdaient alors que la main-d'œuvre du copiste.

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