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moins, il est vrai, à l'aide des faits connus, que par voie d'insinuation critique, la vraisemblance des rapports de Sénèque avec l'Apôtre. « Je ne sais, dit-il, s'il y a eu à la cour de Néron un homme plus avide de s'instruire et plus enclin que Sénèque à cette probité de conduite dont notre religion inspire le goût. Lorsque l'arrivée de saint Paul à Rome, et la sentence dont il allait être l'objet, occupaient toutes les bouches du bruit de son nom et de ses merveilles, il est probable que Sénèque, le premier dignitaire de l'empire, ne négligea pas l'occasion de se rencontrer avec lui, ou de cultiver sa société par écrit » : Nescio autem an quisquam in Neronis aulâ magis curiosus, ac probitati vitæ quam maximè inculcat religio nostra, addictior fuerit, quàm Seneca. Itaque cùm, Paulo Romam adducto, ejus res gestæ omnium ore narrarentur et sententia de eo in Cæsaris aulâ ferenda esset, probabile est Senecam inter proceres facilè principem cum eo conveniendi copiam non neglexisse, aut litteris cum eo collocutum 1.

Partir d'un point connu pour arriver à la découverte d'un autre point qui ne l'est pas, est, en histoire, un procédé non pas seulement fécond, mais sûr, pourvu que la raison

Fabricius et Brucker le décorent des épithètes clarissimus (Cod. apocryp., t. II, p. 855, not. p) et celeberrimus (Hist. crit. philos., p. 561, not. a). Il est connu par diverses éditions, entre lesquelles il faut distinguer celle du De viris illustribus de saint Jérôme, de Gennadius et autres. Cette édition, qui contient les notes de la Mire, d'Erasme, de Victorin et de Gravius, se trouve en outre enrichie des remarques de l'éditeur. Elle a paru à Helmstadt, en 1700, in-4°. L'édition de Cyprien a été refondue dans la Bibliotheca ecclesiastica de Fabricius, Hamb., 1718, in-fo.

'Salom. Cyprian. Not. in Hieronym. De script. eccles. c. 12.

Posterioris, dit Brucker (Hist. crit. philos. p. 561) sur le passage de Cyprien, nullam videmus necessitatem; prius verò munus Senecæ qui præerat, et varia eruditio facit probabile. Ainsi ce critique, bien qu'il ne reconnaisse pas avec Cyprien que le commerce par lettres entre saint Paul et Sénèque ait été la stricte conséquence de la position du philosophe comme ministre de l'empereur, admet cependant que ce poste et l'avidité d'instruction particulière à Sénèque ont dû lui ouvrir le chemin à la connaissance des idées chrétiennes : c'est déjà une concession au quasi-christianisme du stoïcien romain: Brucker la renouvellera bientôt plus explicitement.

vienne tempérer, par sa rigueur, les résultats d'un pareil travail. Il nous est donc permis de ne pas dédaigner, au milieu de nos recherches, ce système de déductions historiques, et nous essayerons d'y recourir à notre tour. Dès à présent il n'est pas indifférent d'en faire remarquer une première application dans ce peu de lignes de Cyprien, où l'on trouve déjà comme le prélude des développements hypothétiques auxquels se sont livrés plus tard Gelpke, de Maistre, Shell, M. Troplong, et l'abbé Greppo, touchant l'histoire des relations de Sénèque et de Paul à Rome.

XII.

Suite de l'histoire de la tradition Seneca-Pauline Le Père Alexandre. Tillemont. - Influence du protestantisme: Théodore de Bèze. - Heinsius.

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Cependant, sauf quelques rares exceptions, dont on vient d'indiquer les principales, à dater de l'avénement du protestantisme jusqu'à nos jours exclusivement, la série des professions de foi au double récit de saint Lin et de saint Jérôme semble s'interrompre, et nous ne rencontrons plus dans les âges subséquents cette unanimité de témoignages qui se pressaient tout à l'heure pour reconnaître l'amitié de saint Paul et de Sénèque. Au contraire, les soupçons s'élèvent de plusieurs côtés contre l'opinion reçue à ce sujet. Ainsi, en regard du père Alexandre', du judicieux

'Noël Alexandre, savant historien, de l'ordre de Saint-Dominique, naquit à Rouen, en 1639. Il professa pendant douze ans la philosophie et la théologie. Le calme de la vie littéraire et cénobitique qu'il avait embrassée fut troublé, pour lui, par les persécutions auxquelles il fut en butte à cause de ses opinions religieuses. C'est ainsi qu'il fut exilé à Châtellerault pour avoir souscrit le fameux cas de conscience, et en 1723

privé de la pension qu'il touchait sur le clergé, pour avoir fait acte d'opposition à la bulle Unigenitus. Son histoire ecclésiastique fut à son tour proscrite par Iunocent XI, comme soutenant trop ardemment les intérêts de l'Eglise gallicane à l'occasion des démêlés qui eurent lieu alors entre la cour de France et la cour de Rome, et comme combattant l'ultramontanisme. Néanmoins cette histoire, par son importance, maiutint le père

Tillemont', et d'un petit nombre d'autres qui se montrent encore favorables à notre tradition, les attaques d'abord à

Alexandre dans l'estime du pape Benoît XIII. Il a publié quelques autres travaux sur des questions religieuses. Cet écrivain mourut à Paris, en 1724.

Le père Alexandre a consacré tout un paragraphe à la liaison de Sénèque avec saint Paul et à l'examen de leurs lettres. Il repousse, sans hésitation, l'authenticité des lettres actuelles, mais il croit qu'il a pu en exister de réelles, et qu'elles sont perdues. Il se fonde dans cette croyance sur les témoignages de saint Jérôme et de saint Augustin: Licet epistolas ad Senecam et Senecæ ad Paulum quæ nunc extant et quas refert Sixtus noster Senensis Lib. II Bibliothecæ sanctæ, genuinas esse non contendam, imò suspectas habeam cum viris eruditis, quòd nec Pauli nec Senecæ stylum referant, quòdque illa in quâ de Neroniano urbis incendio ad Paulum scribit Seneca, manifesta arguatur falsitatis, ut Baronius tom. I. Annalium, ad ann. Christi 66 annotavit; licet passio Pauli Lino adscripta non me moveat ut quasdam epistolas à Seneca datas ad Paulum et alias à Paulo scriptas exis

la liaison de saint Paul et de Sénèque: « On dit que pendant qu'il (Paul) était à Rome, il eut une grande liaison par lettres avec Sénèque. Mais les lettres que l'on en moutre aujourd'hui sont rejetées de tout le monde » (Mém. etc. t. I, p. 303, S. Paul, art. XLIII). Dans son Histoire des Empereurs, le même Tillemont dit de Sénèque qu'on peut le lire avec fruit, et rougir de voir que des chrétiens soient bien éloignés de l'idée que les païens mêmes avaient de la vertu... qu'il faut senlement être assez éclairé pour discerner les faussetés qu'il mêle avec les vérités les plus certaines, etc. Un peu plus loin, il ajoute à propos du silence observé par le philosophe à l'égard des chrétiens, « qu'il est comme impossible qu'il ne les ait pas connus. » Enfin, venant à s'expliquer sur sa correspondance avec saint Paul, «< outre que la chose en elle-même, dit Tillemont, est assez difficile à croire, si ces lettres dont Jérôme et Augustin parlent, et que saint Jérôme paraît avoir lues, sont celles que nous avons encore au

timem, quia acta illa passionis Pauli_jourd'hui, tout le monde est mainnon ignoro nomine Lini conficta esse: tamen inficiari non ausim Senecam quasdam ad S. Paulum epistolas dedisse et Paulum vicissim quasdam scripsisse ad Senecam. Id ut asseram, adducor authoritate SS. Doctorum Hieronymi et Augustini, cui majorem opponet hac in parte nemo (Natal. Alexander, Hist. ecclessiast. Paris, 1699, in-fo, tom. III, p. 42. Sæc. I, cap. XII, art. 5).

1 Dans ses Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, Tillemont s'exprime ainsi en peu de mots sur

tenant persuadé que ce sont des lettres supposées, etc. » (Hist. des Empereurs, in-4o, Paris, 1700, l. I, p. 340, 341, Néron, art. XXXV). Ces citations font voir que le critique de Port-Royal accède plutôt à la tradition des rapports de Sénèque avec les premiers chrétiens et avec saint Paul, qu'il n'y est opposé. Ses objections ne portent que sur l'authenticité des lettres Seneca-Paulines

Il a été donné, page 191, note 2, une courte notice sur la vie de Tillemont,

peine hasardées et toujours restreintes uniquement à la suspicion des lettres qui nous ont conservé de cette tradition une grossière mise en scène, conspirent désormais à l'envi contre la probabilité même des rapports de l'Apôtre avec le philosophe; et c'est la réforme qui donne le signal de ces attaques. Théodore de Bèze, l'ami de Calvin, traite la légende qui nous occupe d'impudente fiction : Quæ verò de Seneca feruntur, sanè nimiùm impudenter sunt conficta'. Soixante ans après Bèze, le luthérien Daniel Heinsius affecte la même incrédulité, et soutient déjà que l'on n'a imaginé de ranger Sénèque au nombre des chrétiens convertis par saint Paul, que pour asseoir sur l'interprétation faite, en ce sens, d'un verset de l'Apôtre, la base des épîtres supposées entre les deux célèbres contemporains".

En même temps que la croyance au quasi-christianisme

1 Novi Testamenti interpret, cum annot. Bezæ, ed. H. Steph. 1565, in-fo, t. II, p. 420, in epist. Pauli ad Philipp. IV, 22.

Théodore de Bèze, natif de Vézelay, fut, par l'influence de Calvin, son maître et son ami, chargé des fonctions de professeur et de recteur de l'Académie de Genève. Protestant zélé, il prit une part active aux débats et même aux guerres de religion qui marquèrent et ensanglantèrent son siècle. C'est lui qui contribua le plus à la conversion au calvinisme de Henri IV, alors roi de Navarre, avec lequel il eut une conférence à Nérac, dans ce but. Théodore de Bèze mourut en 1605, à un age avancé. Il a laissé un grand nombre d'ouvrages de controverse religieuse.

2 C'est en interprétant les mots fratres de domo Cæsaris du verset 22, cb. IV, de l'épître aux Philippiens, que Bèze et Heinsius émettent l'o

pinion rappelée ici. Je cite le passage de ce dernier : Qui autem illi fratres de domo Cæsaris? Philippenses, ni fallor, qui in aula erant Cosaris, et ad hos refertur, neque enim verosimile est aulicos fuisse Romanos... Eorum certè qui aliter jam censerent, tanti interpretatio non erat, ut inter eos Seneca reponeretur, cujus supposititiæ ad Paulum epistolæ hác occasione conscripta sunt, ob quas in catalogum sanctorum à B. Hieronymo relatus est, ne de Augustino dicam, nec Sarrisberiensem cui desipere videntur qui non venerantur eum quem apostolicam familiaritatem meruisse constat, ne alios etiam antiquiores commemorem. Mihi minimùm, ut dicam, nusquam Paulum Seneca, multò minùs Senecam spirare usquam videtur Paulus.

Il a déjà été parlé d'Heinsius, page 291, note 4.

du sage romain se voyait ébranlée au nom de la réforme et de l'esprit d'insubordination en matière de foi, le protestantisme littéraire, né du protestantisme religieux, appliquait le scalpel du libre examen, tant sur la forme que sur le fond de la pensée des lettres Seneca-Paulines, et répudiait, à son point de vue, la liaison réciproque qui les aurait dictées. Mais, si elles n'ont pas eu de peine à discréditer une correspondance évidemment mensongère, nous en convenons dès à présent, ces dénégations sceptiques ou sarcastiques dont Voltaire est comme le dernier organe, ne sont certes point parvenues à altérer notre tradition dans son principe. Aussi la voyons-nous, par une réaction que provoquent d'ordinaire les idées extrêmes, refleurir avec éclat, de notre temps, et reconquérir auprès des esprits éclairés et dégagés de partialité, un crédit d'autant mieux fondé qu'il a pour point d'appui, on vient de l'indiquer et on le constatera bientôt mieux encore, l'assentiment de l'histoire, ou tout au moins de la critique historique.

Toutefois, un examen préalable doit aider et préparer nos recherches à cet égard: après l'exposé des déclarations favorables qui fortifient la croyance aux relations personnelles de Sénèque avec l'Apôtre, il est juste de ne pas nous en tenir aux quelques lignes qui précèdent, sur les oppositions qu'elle a soulevées, et de rendre aussi compte au lecteur des principales opinions qui la combattent.

XIII.

Suite de l'histoire de la tradition Seneca-Pauline. Contradicteurs : Leonello de Ferrare. — Érasme. — Baronius. — Reynaud. — Frassen. · Du Perron.

Estius. Possevin. - Modius. Rivet. Labbe. - Schild.

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Horn

Le plus ancien détracteur de la tradition Seneca-Pauline paraît être Leonello', marquis de Ferrare et de Modène,

'Leonello, fils naturel de Niccolò ou Nicolas III, marquis de Ferrare,

lui succéda dans ses droits à la couronne de ce marquisat, par privilége

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