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le moins possible à l'exercice de mon corps. » Tout ordinaire qu'elle est, il n'est pas hors de propos de relever cette réflexion comme ayant son type à peu près exact dans un verset de l'Apôtre : Corporalis exercitatio ad modicum utilis est, pietas autem ad omnia 1. « L'exercice du corps n'a qu'une médiocre utilité; la piété est utile à tout. » Même corrélation pour ce qui suit : l'ami de Lucilius lui renouvelle ses recommandations sur le détachement des sens: Corpori tantùm indulge quantùm bonæ valetudini satis est. Cibus famem sedet, potus sitim extinguat, vestis arceat frigus3. <«<< Donne au corps tout juste ce que sa santé réclame, les vivres pour apaiser la faim, la boisson pour étancher la soif, des vêtements contre le froid ; » l'ami de Timothée lui écrit d'après Salomon: Habentes autem alimenta et quibus tegamur, his contenti simus; et un peu auparavant : Est autem quæstus magnus pietas cum sufficientia. « Si nous avons de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, n'en demandons pas davantage; c'est une grande richesse piété qui se suffit avec peu. »>

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Enfin, on est tenté d'affirmer que Sénèque se souvient du précepte de l'Evangile « Si ton œil est pour toi une occasion de péché, arrache-le; si ta main te cause du scandale, coupe-la. » Si oculus tuus dexter scandalizat te, erue eum... si dextra tua scandalizat te, abscide eam et projice abs te, à la manière dont il nous conseille d'éviter les occasions de rechute dans nos faiblesses: Ut animum tuum possis continere, priùs corporis tui fugam siste..... sine dediscere oculos, sine aures assuescere sanioribus verbis... qui deponere vult desideria rerum quarum cupiditate flagravit, et oculos et aures ab his quæ reliquit, avertat. « Pour pou

1 I Tim. IV, 8.

2 Epist. VIII.

3 Proverb. XXVII, 26.

I Tim. VI, 8.

Ibid. 6.

G Matth. V, 29, 30.

7 Epist. LXIX.

voir contenir ton cœur, prends garde avant tout que ton corps ne t'échappe... ton œil doit quitter ses habitudes, ton oreille s'ouvrir à des discours plus salutaires... que celui qui tient à se défaire de ses anciennes ardeurs, détache entièrement ses yeux et ses oreilles de l'objet de sa passion. >> Une autre fois, renchérissant sur la parole divine, il veut qu'on sacrifie à la crainte du péché non plus seulement la main ou l'œil, agents du scandale, mais le cœur d'où il provient «< Repousse, dit-il, toutes les passions qui te déchirent le cœur; si tu ne pouvais t'en défaire autrement, il faudrait t'arracher le cœur même, pour les extirper. >> Projice quæcumque cor tuum laniant; quæ si aliter extrahi nequirent, cor ipsum cum illis revellendum erat. Il conclut en pressant Lucilius « de veiller sans cesse et de tendre son esprit sans relâche, afin d'obtenir un résultat complet. »> Ad perfectum adducit assidua vigilia et intentio. Ainsi à peu près l'Apôtre termine sa seconde épître à Timothée par la recommandation de ne négliger « ni veille ni effort dans l'accomplissement de ses devoirs. » Tu verò vigila, in omnibus labora. «Veillez et priez, dit le Christ en pareille circonstance, de peur que la tentation ne vous entraîne. L'esprit est prompt, la chair est faible. » Vigilate el orate, ut non intretis in tentationem. Spiritus quidem promptus est, caro autem infirma3.

Sénèque fait l'éloge de la chasteté, cette vertu essentiellement chrétienne : « Apprends-moi, dit-il, ce que c'est que la chasteté, et combien il y a à gagner avec elle. » Doce me quid sit pudicitia et quantum in eâ bonum”. Il la range tout à côté de la liberté, dans la catégorie des biens « dont on peut à la rigueur se passer pour vivre, mais qui sont cependant si essentiels qu'il vaut mieux mourir que d'y renoncer. » Proxima ab his sunt, sine quibus possumus

'Epist. LI. Ep. LXIX.

3 Matth. XXVI, 41.
Epist. LXXXVIII.

quidem vivere, sed ut mors potior sit, tanquam libertas et pudicitia'. Les anciens ont peu compris la continence et la réserve dans les rapports sexuels. La lubricité de leurs habitudes domestiques n'a même que médiocrement ému leurs moralistes. C'est peut-être ce qui explique le rôle presque effacé de la femme, au déclin des sociétés grecque et romaine, ce rôle ayant dû s'abaisser à mesure qu'elle commandait moins le respect. Comment, en un pareil milieu, le ministre d'une cour dissolue où le laisser-aller des mœurs antiques avait dégénéré en crapuleuse licence, nous apparaît-il réhabilitant la vertu du sexe, si ce n'est sous l'influence de la morale nouvelle ? On ne doute plus surtout de cette influence, quand on le voit flétrir « l'impureté comme le plus grand mal de son siècle», maximum sæculi malum, impudicitia, et affecter un moment le dédain de l'amour, même légitime, presque à l'égal du grand Apôtre : Amor..... fœdum minimèque conveniens animo sospiti vitium, turbat consilia, altos et generosos spiritus frangit, magnis cogitationibus ad humillimas detrahit 3. « L'amour est une passion abjecte, qui ne convient nullement à un esprit sain; il nous trouble dans nos desseins, déprime les grands et généreux élans, nous fait descendre des pensées les plus sublimes aux soins les plus vils. » Il y a, en effet, un rapport intime entre cette peinture et les préférences de saint Paul pour le célibat: Qui sine uxore est, sollicitus est quæ Domini sunt, quomodo placeat Deo. Qui autem cum uxore est, sollicitus est quæ sunt mundi, quomodo placeat uxori“. « Celui qui n'est pas marié ne songe qu'aux choses du Seigneur, afin de plaire à Dieu; celui qui est marié songe à plaire à sa femme; ce qui l'entraîne dans les sollicitudes du siècle. »

1 De benef. I, 11.

Ad Helv. 16.

Senec. De matrimonio, apud Hieron, adversùs Jovinian. I.

I Cor. VII, 32, 33.

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Notre sage ne fait pas une moins rude guerre à l'avarice et à la cupidité. L'Apôtre avait appelé cette passion « la racine de tous les maux » : Radix omnium malorum 1. Sénèque la regarde comme « la principale matière des misères humaines » Maxima ærumnarum humanarum materia2. « Nous jugerions sainement, ajoute-t-il, et nous bornerions nos désirs, si chacun de nous se rendait bien compte de sa nature... Rien ne porte à la modération en toutes choses comme la pensée de la brièveté de la vie, et de l'incertitude des biens de ce monde. Au lieu de convoiter ces pompes éphémères, que ne te retournes-tu vers les véritables richesses?» Sani erimus et modica concupiscemus, si unusquisque se numeret. Nihil æquè tibi profuerit ad temperantiam omnium rerum quàm frequens cogitatio brevis avi et hujus incerti 3. Quid miraris? quid stupes? pompa est... el dum placent, transeunt. Ad veras te potiùs converte divitias". Nous allons relire la même réflexion et presque les mêmes termes dans l'Epître Ire à Timothée: Divitibus hujus sæculi præcipe non sublimè sapere, neque sperare in incerto divitiarum, sed... divites fieri in bonis operibus. « Que les riches du siècle ne s'enorgueillissent pas; qu'ils se défient de l'incertitude des biens qu'ils possèdent... qu'ils cherchent plutôt à devenir riches en bonnes œuvres. » Sur cette dernière pensée, les variantes abondent chez notre ingénieux écrivain : In animo, non in patrimonio divitiæ®. << Nos richesses sont dans notre esprit, non dans notre pa4 Ep. CX, sub finem.

I Tim. VI, 10. • De tranq. animi, 8. Ep. CXIV, in fine.

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trimoine. >> Repræsentat opes sapientia'. « La sagesse tient lieu des richesses »; variantes qui nous ramènent à l'axiome sacré, déjà cité : Est autem quæstus magnus pielas cum sufficientiá'. « Celui-là est bien riche qui vit dans la vertu, sans rien désirer. » — « Savez-vous, écrit-il ailleurs, pourquoi la vertu n'a besoin de rien? c'est qu'elle se contente de ce qu'elle a, et qu'elle n'envie pas ce qui lui manque. » Quæris quare virtus nullo egeat? præsentibus gaudet, non concupiscit absentia. On peut reconnaître encore là, quelque peu amplifié, un verset de l'Epître aux Hébreux Sint mores sine avaritia contenti præsentibus*. << Gardez-vous de l'avarice, contentez-vous de ce que vous avez. » Il est d'avis qu'il n'y a rien de plus difficile que de ne pas se laisser corrompre par le contact des richesses. Multum est non corrumpi divitiarum contubernio. JésusChrist avait dit : « Il est plus aisé de faire passer un chameau par le trou d'une aiguille, que de faire entrer un riche dans le royaume des cieux » Facilius est camelum per foramen acús transire, quàm divitem intrare in regnum cœlorum.

Cet autre apophthegme sacré : Beati pauperes, quia vestrum est regnum Dei'. « Heureux les pauvres, parce que le royaume du Ciel est à eux, lui fournit une règle qu'il indique à Lucilius, pour mesurer les progrès qu'aura faits celui-ci dans la vertu: Bonum tunc habebis tuum, cùm intelliges infelicissimos esse felices. « Ton but sera atteint, lorsque tu auras reconnu que les heureux de la terre sont éminemment malheureux. » << Regardez les prétendus heureux, s'écrie-t-il dans le même sens, regardez-les, non du côté qu'ils montrent, mais du côté qu'ils cachent; ils sont

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