Obrazy na stronie
PDF
ePub

Passons aux épîtres de ce grand Apôtre, dont il est plus singulièrement utile de déterminer l'ordre chronologique, à cause des rapports si intimes et si fréquents qui se font remarquer entre ces épîtres et les écrits de Sénèque.

XXI.

Chronologie des épîtres de saint Paul. - Classement général et division desdites épîtres. - Première série.

L'Eglise, en classant les épîtres de saint Paul, n'a point eu égard à l'ordre suivant lequel elles avaient été écrites. Comme l'a remarqué Grotius 1, elles ont été rangées d'après la hiérarchie de nationalité, ou l'importance individuelle des correspondants auxquels ces épîtres sont adressées. On s'explique ainsi comment celle aux Romains a dû primer celles aux Corinthiens; puis les épîtres aux Corinthiens qui représentent l'Achaïe tout entière, être classées avant celle aux Galates; celle-ci avant celles aux Philippiens, aux Co

In ep. ad. Rom. Crit. sacr. tom. VII, col. 616. - In II Thess. cap. II, Crit. sacr. tom. VIII, col. 355.

Hugues Grotius ou de Groot, né en 1583, se partagea entre les lettres, le droit public, les affaires de l'État et les discussions religieuses qui jouaient, dans son siècle, le premier rôle. Le dévouement de Grotius au protestantisme attira sur lui des persécutions cruelles, et il fut condamné, à cause de la part active qu'il prit dans la polémique dogmatique, à l'emprisonnement et à la confiscation de ses biens. Ce fut pendant le temps de sa prison qu'il composa les commentaires sur l'Écriture sainte cités ici. Mais bien longtemps auparavant Grotius avait déjà marqué sa place dans les lettres et dans

les sciences, par un grand nombre de travaux qui prouvent son érudition et la haute portée de son esprit. Rendu à la liberté par un stratagème de sa femme, qu'a imité, de nos jours, Mme de Lavalette, il vint en France, où le roi lui accorda une pension. C'est alors qu'il fit paraître son fameux traité De jure belli et pacis, ouvrage qui est resté classique.

Attiré à la cour de la reine Christine par son ministre Oxenstiern, Grotius fut nommé ambassadeur de Suède en France et il résida dans ce dernier pays en ladite qualité depuis 1635 jusqu'à 1645, époque à laquelle il demanda son rappel. Il mourut en route, tandis qu'il regagnait la Suède.

lossiens, etc. Après les épîtres qui portent un nom de peuple ou de ville, viennent les épîtres destinées à un seul personnage; et ici encore celles à Timothée, le premier disciple de l'Apôtre, ont le pas sur celle à Tite qui n'avait que la seconde place dans les affections de son maître. Par la même raison, l'épître à Philémon, moins importante d'ailleurs dans son objet, devait venir en dernier lieu. Il n'y a que l'épître aux Hébreux, rejetée à la fin du recueil, qui n'ait pas été soumise à la règle indiquée. Les doutes longtemps soulevés sur l'authenticité de cette épître, doutes qui se sont maintenus durant plusieurs siècles, siècles, rendent raison de la place qu'elle occupe. Ce classement ne nous est donc d'aucun secours pour l'objet qui nous intéresse, et il faut demander ailleurs les indications dont nous avons besoin pour fixer les dates de ces divers documents.

Les épîtres de saint Paul peuvent se diviser, quant à leur âge, en deux sections distinctes l'une comprenant celles qui étaient écrites avant sa première arrivée à Rome; l'autre, celles qui ont été écrites depuis.

Les épîtres antérieures au séjour de saint Paul à Rome sont au nombre de huit, savoir : les deux épîtres aux Thessaloniciens, celle aux Galates, les deux aux Corinthiens, la première à Timothée, l'épître à Tite, et celle aux Romains.

1

La justification de cet ordre en général doit précéder l'examen des dates précises à assigner à chacune des huit épîtres. Or, il y a un fait qui nous est ici d'une grande utilité, et que l'esprit attentif et sagace de saint Jean Chrysostôme n'a pas négligé à propos de la même question. Pendant qu'il demeurait à Ephèse, saint Paul avait imaginé de faire une collecte parmi les Eglises de Macédoine et d'Achaïe, en faveur des frères pauvres de Jérusalem. L'idée de cette collecte, émise pour la première fois dans l'épître Ire

1 Præfat. in ep. ad Rom. Ed. Montfaucon, tom. IX, p. 426.

[ocr errors]

aux Corinthiens', se poursuit dans l'épître II aux mêmes. L'Apôtre y rend compte des résultats obtenus. Il avait proposé d'abord d'envoyer le produit de la quête à sa destination par des députés choisis à cet effet; il avait même laissé entrevoir que, s'il le fallait, il accompagnerait les délégués. Mais le projet à cet égard était encore indécis. L'épître aux Romains annonce que les choses sont plus avancées, et qu'il a pris le parti d'aller en personne porter à Jérusalem les offrandes recueillies". Dans sa correspondance avec les Thessaloniciens, il ne recommande point cette œuvre de bienfaisance, et cependant, ajoute Chrysostôme, il eût eu une occasion naturelle de leur faire cette recommandation, lorsqu'il leur prêche la charité®. Il faut donc que la pensée de la collecte en question ne fût pas encore née alors dans l'esprit de l'Apôtre. Ainsi, la première épître aux Thessaloniciens, et par suite la seconde aux mêmes, qui, comme on va le voir, ne fait qu'une avec celle-ci, précèdent les trois dont on vient de parler. Nous pouvons en dire autant de l'épître aux Galates dont le silence touchant la quête aurait droit de nous surprendre, puisque c'est en Galatie que Paul avait commencé à organiser ladite quête 7. Mais ce silence indique assez qu'il n'avait point encore mis son idée à exécution lors de cette dernière épître. Donc, sur huit épîtres, en voici déjà six

[blocks in formation]

classées dans un ordre presque forcé la première épître aux Thessaloniciens, la seconde aux mêmes, celle aux Galates, la première aux Corinthiens, la seconde aux mêmes Corinthiens, et l'épître aux Romains, qui précède de trèsprès celles écrites de Rome, selon l'observation de Chrysostôme'. Restent l'épître à Tite et la première à Timothée, que nous avons rattachées à la première série, et dont le classement se déterminera en même temps que leur date.

Entrons donc maintenant dans l'examen spécial des dates de chaque épître.

Épitres aux Thessaloniciens.

C'est un usage strictement observé par saint Paul, de placer en tête de ses épîtres le nom de Timothée à côté du sien, toutes les fois que ce disciple se trouvait avec lui au moment où il écrivait. Quelques auteurs ont cru que Timothée avait coopéré à la rédaction de ces épîtres. Mais l'opinion la plus commune est que l'Apôtre ne fut nullement aidé. Seulement, dans l'excès de sa modestie', Paul avait pensé que son nom aurait plus d'autorité s'il était joint à un autre nom connu parmi les fidèles.

Les deux épîtres aux Thessaloniciens, que nous avons classées au premier rang, témoignent de l'assistance, nonseulement de ce disciple, mais aussi de Silas, auquel saint

Cappel voit une mention très-formelle de la collecte dans un passage de l'épître aux Galates.

Loc. supr. cit.

Il semblerait résulter du texte de Chrysostôme que l'épitre aux Romains est « la première de celles écrites a Rome » ἀπὸ Ρώμης γραφείσων. Mais il y a là nécessairement quelque erreur, et il faut entendre,

comme je l'ai fait, la phrase en ce sens que l'épître aux Romains aurait été écrite, sans intermédiaire, avant celles qui datent de Rome. On lit en effet quelques lignes plus bas : « Il n'était pas encore arrivé à Rome lorsqu'il écrivit cette épître. »

2 Sixt. Senens. Bibl. sanct. voce Timotheus.

Paul, à la différence de saint Luc, donne le nom de Silvanus. Il y a d'autres exemples de cette divergence entre les Actes et les Epîtres à l'égard de l'orthographe des noms propres. Pour n'en citer qu'un seul, la femme d'Aquila, que l'Apôtre nomme Prisca, est constamment appelée Priscilla' par l'Evangéliste. Quoi qu'il en soit, le nom de Silas accolé à celui de Timothée devient un point de repère chronologique, car il implique l'idée du premier voyage que

1 Silas est le plus ancien disciple de saint Paul. Il est même moins son disciple que son compagnon et son ami, car on voit par les Actes qu'avant de s'être réuni à Paul, Silas avait déjà une célébrité acquise parini les frères de Jérusalem, et qu'il fut choisi comme un des hommes importants, comme un des prophètes de la cité sainte, pour aller porter à Antioche, avec Judas Barsabas, la réponse que Paul et Barnabé étaient venus, au nom des frères d'Antioche et de Syrie, provoquer de la part des apôtres sur la question de savoir s'il était désormais nécessaire d'observer la loi de Moïse (Act. XV). On conçoit qu'à raison de ces précédents, Paul ait tenu à inscrire en tête des épîtres qu'il écrivit en présence de Silas, le nom d'un collaborateur déjà investi d'une mission de confiance par l'Eglise métropolitaine.

Lorsqu'ils eurent remis à sa destination la lettre dont ils avaient été chargés par les apôtres, Judas Barsabas retourna à Jérusalem; mais Silas crut devoir, en vertu sans doute des pleins pouvoirs dont il était muni, demeurer à Antioche où il se trouva avec Paul et Barnabé qui y étaient revenus de Jérusalem en même temps que les deux envoyés. C'est alors que Paul et Barnabé s'é

tant remis en route chacun de leur côté afin de poursuivre leurs prédications, Paul s'adjoignit Silas pour compagnon de voyage et parcourut avec lui la Syrie, la Cilicie, et delà la Macédoine (Act. XV, XVI, XVII). Au delà de cette dernière mission qui lui est commune avec saint Paul, on ne sait plus rien de certain sur Silas. Le ménologe grec de Basile (ed. Albani, Urbin. 1727, tom. III, p. 186) le commémore au nombre des saints apôtres, avec Crescent, Epænète, Andronique et Silvain qui semble ainsi un personnage distinct de Silas. Hippolyte (ed. Fabric. Hamb. in-fo, 1716, append. p. 42) et Dorothée (Synopsis Biblioth. SS. patr. de la Bigne, t. VII, col. 150) font la même distinction. Suivant eux, Silas aurait été évêque de Corinthe, et Silvain, évêque de Thessalonique. Mais il vaut mieux en croire Théodoret (Præfat. in Pauli Epist. Op. tom. III, p. 3) et Estius (In II Cor. I, p. 431) qui pensent que Silas et Silvain ne sont qu'un seul et même nom. Saint Jérôme soutient (Ep. 144, Op. tom. III, p. 123) que Silvanus est une faute dans le texte de saint Paul et qu'il faut lire Silas.

2 On trouve du reste aussi Priscilla écrit par saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens, XVI, 19.

« PoprzedniaDalej »