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Cette sentence, en effet, outre qu'elle rappelle, dans sa forme, l'apophthegme de l'Ecclésiastique : Initium sapientiæ timor Domini', concorde au fond avec la parole de l'Apocalypse Memor esto itaque unde excideris, et age pœnitentiam... Sin autem venio tibi, et movebo candelabrum tuum de loco suo, nisi pœnitentiam egeris : «< Souviens-toi que tu es déchu, et fais pénitence. Sinon je viens à toi, et j'éteins ton flambeau. Ce qui n'est pas moins singulier, c'est que Tertullien, qui cite le même verset de mémoire dans son traité De pœnitentiâ, semble plutôt remémorer la phrase de Sénèque, tout en nommant saint Jean Non tacet Joannes pœnitentiam inite, dicens, jam enim salus nationibus appropinquabit. Il donne du reste un peu plus loin l'équivalent exact, et pour les termes et pour le sens, de la phrase de notre auteur: Ubi pœnitendum est, desinit miserum, quia factum est salutare : « Celui qui fait pénitence n'est plus à plaindre, car le salut commence pour lui. › Cette imitation de Sénèque par un Père de l'Eglise n'estelle point encore un hommage implicite rendu au christianisme de ses écrits?

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Mais tout n'est pas dit encore, et bientôt nous nous trouvons conduits directement à l'analogue de la confession, par ces paroles de notre païen Conscientiam suam (vir bonus) Diis aperit : « L'homme doit ouvrir sa conscience aux Dieux >>; et mieux encore par la réflexion suivante : Nemo invenitur qui se possit absolvere': « Nul n'est assez

Ecclesiastic. I, 16.

En citant ce rapport d'un passage de Sénèque avec l'Apocalypse, je n'entends pas dire qu'il ait puisé à ce dernier ouvrage qui, composé par saint Jean à la fin de sa vie, c'est-à-dire sous Domitien, n'a pu être connu du philosophe mort plusieurs années auparavant. Mais la

coïncidence remarquée est toujours une preuve du caractère orthodoxe des idées de Sénèque.

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Apocalyps. II, 5.

De pœnitentia, 2.
5 Ibid. 10.

6 De benef. VII, 1, sub fin.
"De irá, I, 14.

pur pour pouvoir s'absoudre lui-même. » Puis il recommande le choix d'une sorte de directeur de conscience, qui nous serve de modèle par sa vertu, et dont l'autorité nous impose un tel respect qu'elle influe sur la pureté de notre conduite jusque dans les actes les plus intimes: Aliquis vir bonus nobis eligendus est ac semper ante oculos habendus, ut sic, tanquam illo spectante, vivamus, et omnia, tanquam illo vidente, faciamus... Animus aliquem habeat quem vereatur, cujus auctoritate etiam secretum suum sanctius faciat. Opus est, inquam, aliquo ad quem mores nostri se ipsi exigant. Nisi ad regulam, prava non corriges1. Veut-on quelque chose de plus décisif Quantum bonum est ubi sunt præparata pectora, in quæ tutò secretum omne descendat! Quorum conscientiam minùs quàm tuam timeas! - Quid est, quare ulla verba coram amico retraham? « Quel bonheur que d'avoir à sa disposition un cœur ouvert, où l'on puisse en toute sûreté verser un secret, à qui nous dévoilions notre pensée avec moins de répugnance que nous n'en éprouvons à nous rendre compte à nous-même de l'état de notre âme ! Pourquoi userai-je de réticence envers un ami? » De pareilles indications touchant un sacrement qui, au temps de Sénèque, bien qu'institué en principe par une prescription générale du Christ, était à peine réglé dans sa forme, et ne devait guère encore exister, à l'état d'institution pratique, que d'après les conventions synodiques des premiers fidèles; de pareilles indications, disons-nous, feraient supposer l'initiation de notre écrivain aux arcanes de la religion, non-seulement par la lecture des Livres saints, mais aussi par l'audition de prédications ou de conférences doctrinales.

L'axiome cité tout à l'heure Nemo invenitur qui se possit absolvere, révèle en même temps l'adhésion de Sé

'Epist. XI.

* De tranq, animi, 1,

3 Ep. III.
Matth. XVIII, 18,

nèque à la théorie du péché originel proclamée par saint Paul. Mais il y adhère ailleurs bien plus expressément, ainsi qu'à la solidarité qui pèse par suite sur tous les hommes, et sur toutes les générations: Nulla alas vacavit à culpâ '. — Omnes reservamur ad mortem... In omnes constitutum est capitale supplicium, et quidem constitutione justissimá2 : « Il n'y a pas d'époque où l'homme ait été exempt de fautes. Nous sommes tous destinés à mourir... La peine de mort a été décrétée contre nous tous, et rien de plus juste que ce décret. » Saint Paul avait écrit: In Adam omnes moriuntur. Statutum est hominibus semel mori'. Stipendium peccati mors. Per inobedientiam unius hominis peccatores constituti sunt multi. Omnes peccaverunt, et egent gloriâ Dei': « Tous meurent en Adam. Un décret condamne l'homme à mourir. La mort est la

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solde du péché. Les hommes sont devenus pécheurs par la désobéissance d'un seul. Ils ont tous péché et ont besoin de la gloire de Dieu. »

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XIV.

Suite de la théologie chrétienne de Sénèque.

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Des anges.

De l'ange gardien.

Du Purgatoire et du Paradis. De la résurrection universelle. Idée de l'autre vie. État des àmes dans le séjour céleste. Espérance, seconde vertu théologale. Définition collective de l'espérance et de la foi.

Serait-il enfin par trop téméraire d'avancer que le philosophe romain a eu aussi quelque notion du purgatoire, idée traditionnelle pour l'Eglise plutôt qu'elle n'est explicitement évangélique? Il y a du moins matière à conjecturer cette croyance de sa part, dans la locution expurgari dont il se sert pour caractériser la phase intermédiaire des âmes entre la vie terrestre et le séjour des cieux. Une pareille

'Epist. XCVII.

Quæst. nat. II, 59. "I Cor. XV, 22.

Hebr. IX, 27.

5 Rom. VI, 23.
6 Rom. V, 19.
"Rom. III, 23.

locution jointe à la détermination même du système de peines réservées à l'homme après la mort, et de la conséquence de ces peines expiatoires, trahit en effet une origine plus particulière que la théorie vague et assez confuse des expiations successives qu'on rencontre communément chez les anciens poëtes et dans les anciennes philosophies. Voici sa pensée à cet égard: Paulùmque supra nos commoratus, dum expurgatur et inhærentia vitia situmque omnis mortalis ævi excutit; deinde ad excelsa sublatus inter felices currit animas, excipitque illum cœtus sacer1, etc. : « Et, après avoir séjourné quelque temps dans une sphère supérieure à la nôtre, jusqu'à ce qu'il ait expié les taches inhérentes à sa vie et les faiblesses de l'humanité, son esprit, prenant son vol vers de plus hautes régions, franchira le séjour des âmes heureuses, où il sera accueilli par l'assemblée sainte, etc. »

Puis ce cœtus sacer n'est-il pas lui-même une image peu déguisée du concert des anges et des saints du paradis chrétien?

Pour ce qui est des anges, ils occupent positivement leur place dans la théologie de Sénèque. Ses Exhortations, livre aujourd'hui perdu, parlaient de « la création par Dieu d'un certain nombre de génies ou dieux inférieurs préposés à l'administration de l'univers », ministros regni sui Deos genuit, création qu'il pouvait avoir empruntée au Timée*,

1 Ad Marciam, 25.

2 Platon (Op., t. I, p. 113, Phædo; - p. 525-526, Gorgias; - tom. II, p. 615, De rep. X) croit aussi à l'expiation des fautes après la vie; seulement, dans son système, la conséquence de cette expiation n'est point une félicité irrévocable. « Il paraît supposer, dit M. H. Martin (Etudes sur le Timée, tom. II, p. 279, note CCVII), que les récompenses et les peines les

plus habituelles consistent à rester quelque temps dans les régions célestes ou dans les enfers, puis à entrer dans une vie meilleure ou plus mauvaise. » Sénèque, au contraire, admet avec le dogme chrétien l'éternité du bonheur de l'autre vie: Magna et æterna pax (Ad Marciam, 19). 5 Apud Lact. Div. inst. I, 5, 7.

Plat. op. t. III, p. 40-41.-Proclus, Comm, in loc. cit. -Le mot anges est

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mais dont il faut tenir note néanmoins, puisque Lactance qui la rapporte la trouve en harmonie plus particulière avec les idées religieuses de son temps'. Sénèque a reconnu en outre une autre espèce d'ange: Sepone in præsentiâ quæ quibusdam placent : unicuique nostrûm pædagogum dari Deum, non quidem ordinarium, sed inferioris notæ, etc. : « Ne perds pas de vue une opinion goûtée par certains sages, qui attribue à chacun de nous, pour nous conduire, une divinité, non pas dans le sens ordinaire du nom, mais un de ces dieux inférieurs, etc. » Voilà, ce semble, l'ange gardien tel que le conçoit le catholicisme, suivant le modèle qu'on en trouve au chapitre XII des Actes. Parmi les sages qui goûtent une semblable opinion », comprenait-il donc, outre Socrate et les stoïciens. qui l'ont professée anciennement, les docteurs de la nouvelle religion, ses contemporains? Nous nous sentons encouragé à répondre affirmativement, par la rencontre que nous faisons dans la lettre XX d'un terme purement ecclésiastique, du mot angelus déjà relevé par les critiques qui l'ont comparé, dans la situation spéciale où il est employé (angelus Epicuri3), à l'ange de Satan dont a parlé l'Apôtre dans un verset précité. Nous avions, au reste, déjà cru entrevoir ailleurs l'idée de l'ange gardien chez Sénèque.

employé par Philon (De somniis, Op. Paris, 1640, in- fo, p. 586. De gigantibus, Op., p. 286, et alibi) pour signifier « les ministres de la puissance divine.»Le mot et l'idée sont l'un et l'antre empruntés, dans cette acception, aux croyances de l'Eglise ce qui n'a rien d'étonnant de la part d'un auteur familiarisé, comme l'était Philon, avec le dogme chrétien, et du moins, personne ne le conteste, profondément imbu de l'esprit aussi bien que de la lettre des anciens Livres saints qu'il commente. Au sur

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