Obrazy na stronie
PDF
ePub

ternelle béatitude, il expie dans l'humilité et la souffrance, par la pénitence et la mortification, les fautes de ses pères et ses propres fautes; que les agitations et les intérêts de la société ne viennent point le troubler au fond de sa retraite. Qu'il sauve son âme! c'est là sa grande affaire. La vie du moine, de l'anachorète, tel est, pour le chrétien mystique, le terme suprême de la perfection!

Sur le second de nos textes se fonde, au contraire, le christianisme pratique, ou plutôt PRAGMATIQUE, s'il nous est permis d'emprunter, comme l'Allemagne, à la Grèce ce mot qui fait faute à notre langue et que notre siècle réclame 1.

1. PRAGMATIQUE, du grec payμatixòs, dérivé lui-même du mot яpaya, chose, et primitivement de la racine pácow, je fais. Ipayμatıxòs indique : ce qui concerne les affaires ou les hommes d'affaires, quelquefois, ce qui est réel, véritable, conforme aux faits, ou à la réalité; parfois aussi πрауμаτixòs a le même sens que лрaxτixò, pratique, actif, efficace, etc. (Dict. grec.)

C'est, nous le croyons, vers le commencement de ce siècle que les Allemands ont introduit dans leur langue l'adjectif pragmatisch, dérivé de îpayμatıxòs, et qui en a le sens le plus ordinaire. Ce mot a été plus particulièrement appliqué à l'histoire : « eine pragmatische Geschichte, in der über die Ursachen und Folgen der erzählten Begebenheiten lehrreiche Aufschlüsse gegeben werden. » (Dict. allemandfrançais de Mozin, Stuttgardt, 1813.)

Par suite, les traducteurs ont déjà tenté d'introduire dans notre langue le mot pragmatique, avec le même sens.

« Histoire pragmatique se dit d'une histoire dans laquelle on présente les faits de manière à offrir des conclusions immédiatement applicables à la pratique des affaires. » (Dict. national de Bescherelle, Paris, 1852, au mot pragmatique.)

M. Reuss, dans son Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, dit, en parlant de l'Évangile de Jean : « Ce n'est pas une histoire pragmatique de la lutte des Juifs avec leur sauveur, mais le tableau de l'opposition du monde contre la lumière qui vient de Dieu, etc. » (Ire édition, t. II, § 5, ch. 11, p. 299.) En latin, pragmatici homines (Cicéron) désigne les hommes d'affaires, les hommes d'expérience; plus tard le pragmaticus fut un jurisconsulte. (Dict. latin.)

Dans la société chrétienne, telle qu'elle s'est constituée sous Constantin, avec le dualisme et l'antagonisme de l'Église et de l'État, le précepte: « Rendez à César ce qui est à César, et å Dieu ce qui est à Dieu, » a été le principe au nom duquel le pouvoir temporel a combattu et vaincu les prétentions du pouvoir spirituel; au nom duquel, par conséquent, s'est décidé, dans le monde chrétien, le triomphe des croyances sociales, et des intérêts pratiques, sur les croyances et les intérêts mystiques 1. Mais, si active et si puissante qu'ait été sous ce rapport l'influence de notre précepte, elle ne saurait cependant se com

Le pragmaticum était une constitution, un rescrit,. indiquant ce qu'il y avait à faire; de même pragmatica sanctio. De là le sens du mot pragmatique, soit comme adjectif, soit comme substantif, dans notre ancien langage diplomatique.

1. « La puissance est donnée aux princes sur la terre; aux prêtres elle est donnée aussi dans le ciel; à ceux-là sur les corps seulement; à ceux-ci même sur les âmes. Autant donc l'âme est au-dessus du corps, autant le sacerdoce est au-dessus de la royauté..... » (Innocent III, Ép. 18, Réponse du pape aux envoyés de Philippe.) « De même que Dieu auteur de l'univers a fait dans le firmament du ciel deux grands luminaires, le plus grand pour qu'il présidât au jour, le plus petit pour qu'il présidât à la nuit, de même, pour le firmament de l'Église universelle, Dieu a institué deux dignités, l'une destinée à présider au jour, c'est-à-dire à gouverner les âmes, l'autre destinée à présider à la nuit, c'est-à-dire à gouverner les corps d'une part l'autorité pontificale, de l'autre la puissance royale. » (Innocent III, L. I, Ép. 401, ad Acerbum.) — Voy. Gieseler, Kirchengeschichte, $54. (Principibus datur potestas in terris, sacerdotibus autem potestas tribuitur et in cœlis; illis solummodo super corpora, istis etiam super animas. Undè, quanto dignior est anima corpore, tanto dignius est sacerdotium, quam sit regnum... Sicut universitatis conditor Deus duo magna luminaria in firmamento cœli constituit, luminare majus, ut præesset diei, et luminare minus, ut nocti præesset, sic, ad firmamentum Ecclesiæ, quæ cœli nomine nuncupatur, duas magnas instituit dignitates, majorem, quæ, quasi diebus, animabus præésset, et minorem, quæ, quasi noctibus, præesset corporibus: quæ sunt pontificalis auctoritas, et regalis potestas.)

-

parer à celle que primitivement, et avec le sens qu'il eut au premier jour, il a exercée sur la formation et la constitution même du christianisme. Ceci est un point qui nous paraît n'avoir jamais été, jusqu'ici, suffisamment mis en lumière: qu'on nous permette donc quelques explications, nécessaires pour bien faire comprendre notre pensée.

A l'époque de la prédication de Jésus, la Judée, depuis déjà quelques années, était devenue une annexe de la province romaine de Syrie, et le peuple juif un tributaire de Rome. Fallait-il définitivement accepter cette condition, ou bien fallait-il s'y soustraire à quelque prix que ce fût? En d'autres termes, et en prenant la question à son point de vue le plus élevé, la loi nationale, la loi de Moïse, la loi de Dieu, devaitelle régner exclusivement sur Israël, et par suite, un jour, sur l'universalité des peuples? ou bien un partage était-il possible, et la loi de Moïse pouvait-elle, en quelque mesure, se concilier avec la loi étrangère? Le texte même de la Loi semblait repousser toute transaction: défense expresse était faite aux Israélites de prendre pour roi un étranger. Cependant une partie des Juifs, les plus riches, ceux qui avaient le plus besoin d'ordre et de tranquillité, étaient disposés à la soumission. Par contre, la secte bigote, mais patriote, des pharisiens, et les masses fanatiques, voulaient à tout prix l'indépendance. Récemment, après l'annexion prononcée et le premier dénombrement ordonné, on avait vu Judas de Galilée, en compagnie d'un pharisien, appeler le pays aux armes et provoquer une vaste insurrection. Il avait succombé, mais en laissant après

lui une secte redoutable, les zélateurs, qui pendant longtemps encore devaient disputer la Judée aux Romains, et ne disparaître qu'ensevelis sous les ruines de Jérusalem 1.

Tels étaient l'état des choses et la disposition des esprits, lorsque Jésus, en lutte avec les pharisiens, fut invité par eux à s'expliquer devant le peuple sur la question du tribut à payer à César. On connaît la réponse de Jésus. Se faisant montrer la pièce de monnaie, que l'on donne pour le tribut : « De qui, dit-il, sont cette image et cette inscription? - De César? Eh bien, rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ?! >>

En l'attirant sur ce terrain brûlant les ennemis de Jésus avaient espéré le perdre, le perdre vis-à-vis de César, ou visà-vis du peuple. Par la forme évasive de sa réponse, Jésus leur échappait; mais la forme seule était évasive; au fond la réponse était péremptoire. Toutes réserves faites au sujet de la loi nationale, c'était bien la soumission à César que Jésus recommandait, et l'argument symbolique à l'aide duquel il justifiait sa pensée nous en fait comprendre, mieux que n'aurait pu faire le plus long discours, toute la force et la portée. Invoquer la légende et l'effigie gravées sur le denier, c'était. en effet, rappeler aux Juifs, de la manière la plus saisissante, les raisons de fait qui leur commandaient la soumission à César d'une part, les leçons de leur histoire; leur indéperdance détruite, il y avait déjà six siècles, par le conquérant

:

1. Joseph. De Bell. Jud., L. II, vi, 1, 6.

2. Matthieu, XXII, 15-21.

chaldéen, et ne se relevant un moment depuis cette époque, au temps des Macchabées, que pour retomber bientôt après, ruinée bien plus encore par l'anarchie domestique que par les armes de Rome; d'une autre part, le caractère du nouveau maître qui s'offrait à eux, pouvant, s'ils résistaient, armer contre eux la plus grande partie du monde connu, leur donnant, s'ils se soumettaient, au dedans l'ordre et la paix, au dehors la libre et pacifique communication avec tous les peuples; aspirant d'ailleurs, par les armes et la législation, comme Israël par la foi, à l'empire universel, et dès lors nécessairement prédestiné au culte du Dieu UN; dès maintenant d'ailleurs justifiant par sa tolérance, envers Israël comme envers tous, sa prétention à l'universalité.

Tout cela est si manifeste, que Jésus ne craint point de traiter d'hypocrites ceux qui affectent d'en douter : « Hypocrites, pourquoi me tentez-vous 1? »

[ocr errors]

1

D'ailleurs, cette soumission que Jésus recommande envers César n'est point absolue; elle a ses réserves, sa limite. De même qu'il faut rendre à César ce qui est à César, il faut aussi rendre à Dieu ce qui est à Dieu, au Dieu d'Israël, bien entendu, au Dieu de la Loi, à CELUI QUI EST, à YAHVEH. Jésus maintient ici ce qu'il a déclaré dans le Discours sur la montagne, qu'il est venu non point abolir, mais accomplir la Lor, la loi sociale et religieuse d'Israël. Mais de même qu'il a

1. Matth., XXII, 18.

2. Voyez ci-dessous, Introduction, p. 35, et la Note I, à la suite de l'Introduction. 3. Matthieu, V, 17-20.

« PoprzedniaDalej »