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INTRODUCTION

La foi chrétienne a pour base l'Évangile, c'est-à-dire l'histoire de la vie et de l'enseignement de Jésus-Christ. Or l'Évangile, considéré comme un en principe, se compose en fait de quatre documents différents, dont chacun séparément porte aussi le nom d'Évangile, et raconte d'une manière particulière la vie et les enseignements de Jésus, Évangiles selon Matthieu, selon Luc, selon Marc, et selon Jean.

D'après la tradition, telle que nous la trouvons recueillie chez les écrivains ecclésiastiques de la fin du ir siècle1, l'Évangile de Matthieu, le plus ancien de tous, aurait été écrit par l'apôtre de ce nom, à Jérusalem, en langue hébraïque, et pour l'usage de la communauté chrétienne de cette ville, toute composée d'Israélites convertis à la foi nouvelle 2.

1. Pour les documents relatifs à l'histoire des Évangiles, voyez l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, les diverses histoires ecclésiastiques, les diverses introductions à l'étude du Nouveau Testament, et en particulier de Wette, Lehrbuch des Neuen Testaments, § 97-112.

2. «Narcisse fut le quinzième évêque de Jérusalem, depuis le siége qu'elle avait soutenu sous le règne d'Adrien, et depuis que cette église avait été composée de Gentils convertis à la foi, au lieu que, dans son commencement, elle n'avait été composée que de Juifs. » (Euseb., Hist. eccles., Lib. V, xII.)

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C'est pourquoi l'Évangile de Matthieu porta d'abord et conserva longtemps le nom d'Évangile des Hébreux.

Marc, désigné comme l'auteur du second Évangile, était, dit-on, le personnage que l'apôtre Pierre mentionne comme son disciple, dans la première épître qui porte son nom, et que plusieurs identifient d'ailleurs avec Marc, disciple de Paul, qui suivit cet apôtre à Rome, et resta fidèlement auprès de lui pendant sa captivité. Suivant la tradition, l'Évangile de Marc avait été rédigé en grec, à Rome, à l'aide des renseignements que l'auteur avait recueillis de la bouche de l'apôtre Pierre; il avait été publié après la mort de l'apôtre, suivant les uns, de son vivant suivant les autres, soit avec son consentement tacite, soit même avec son autorisation expresse. Saint Jérôme va jusqu'à dire que l'Évangile de Marc est l'Évangile de Pierre lui-même. (Evangelium juxtà Marcum, qui auditor ejus et interpres fuit, hujus dicitur, De vir. illus.) En admettant qu'il ait été écrit vers l'époque présumée de la mort des apôtres saint Pierre et saint Paul, on trouve, pour l'intervalle écoulé entre la mort du Christ et la composition de l'Évangile selon Marc, un intervalle d'environ trente ans.

L'auteur du troisième Évangile nous apprend lui-même,

1. L'identité de l'Évangile selon Matthieu avec l'ancien Évangile des Hébreux, et de celui-ci avec les Évangiles des Nazaréens et des Ébionites, nous est attestée par saint Épiphane et saint Jérôme, dans la seconde moitié ou vers la fin du VIe siècle. (Voyez de Wette: Lehrbuch des Neuen Testaments, § 64-65.) Toutefois, il est certain que divers fragments cités par ces Pères ne se retrouvent pas dans notre texte de Matthieu. La seule manière d'expliquer cette anomalie, est de supposer, comme l'a fait Ebrard, que le texte primitif de l'Évangile des Hébreux s'était successivement alteré entre les mains des hérétiques qui en faisaient usage. (Ebrard, Kritik der Evangel. Geschichte, 2te Auflage, § 130.)

au début de son livre « qu'il l'a composé d'après les renseignements de ceux qui ont été, dès l'origine, les témoins des faits et les ministres de la parole. » Suivant la tradition, cet auteur serait Luc, disciple et compagnon de Paul que nous trouvons nommé dans plusieurs lettres de l'apôtre (Coloss. IV, 14; Philémon, 24; II Timothée, IV, 11). D'après cette dernière épître, Luc aurait accompagné Paul jusqu'à Rome, et l'aurait, ainsi que Marc, assisté pendant sa captivité. Suivant quelques auteurs, Luc, dans son Evangile, n'aurait fait que fixer par l'écriture l'Évangile oral de Paul, et on ne peut nier qu'il ne se trouve en effet dans le troisième Évangile, quant à l'esprit et même quant à la lettre, des points de ressemblance avec ce que nous possédons des écrits de l'apôtre. La tradition ne fournit d'ailleurs aucune donnée certaine sur l'époque de la composition de l'Evangile de Luc 1. Toutefois, elle l'a invariablement considéré comme postérieur à celui de Marc.

Enfin, le quatrième Évangile avait été composé, longtemps après les trois premiers, par l'apôtre Jean, fils de Zébédée, devenu évêque d'Éphèse, plus de soixante ans après la mort du Christ, et quand cet apôtre avait déjà dépassé l'âge de quatre-vingt-dix ans.

Que la foi chrétienne, essentiellement une, puisse ressortir simultanément de ces quatre documents divers: cela n'est pas impossible sans doute, mais encore faut-il pour cela certaines conditions toutes particulières. Différents par la forme, il faut que ces documents soient concordants au fond;

1. De Wette: Lehrbuch etc., § 101.

ou bien, s'il est entre eux quelques différences essentielles, il faut que par ces différences mêmes ils se complètent, en sorte que la vérité, éparse dans chacun d'eux, résulte de leur ensemble.

En est-il ainsi des quatre Évangiles? Avant d'examiner cette question, constatons d'abord que l'Eglise n'y fait aucune réponse officielle. L'adoption collective des quatre Évangiles canoniques n'a jamais été de sa part l'objet d'aucune décision expresse, d'aucune délibération formelle. Elle semble avoir été la conséquence d'une sorte de consentement tacite des diverses communautés chrétiennes, alors que vers le milieu du Ir siècle, ces communautés établirent entre elles des relations régulières et permanentes, et que l'Église universelle, préparée par saint Paul, commença de s'organiser 1.

Considérés comme l'œuvre de deux apôtres et de deux disciples d'apôtres, les quatre Évangiles canoniques représentaient aux yeux des fidèles la tradition primitive. Or l'Église, ou pour parler plus exactement, les hommes éminents qui présidèrent à sa formation, au milieu des difficultés de toute sorte qui les assiégeaient, et des hérésies sans nombre qui surgissaient autour d'eux, n'avaient pas tardé à comprendre qu'ils feraient inévitablement fausse route, et seraient entraînés à l'abîme, s'ils ne se tenaient strictement attachés aux enseignements laissés par les apôtres et par leurs premiers disciples, dépositaires de l'idée génératrice d'où l'Église chrétienne était sortie. « Ce qu'il

1. De Wette Lehrbuch, etc., § 76.

importe de savoir, dit Tertullien, c'est ce que les apôtres ont prêché, c'est-à-dire ce que le Christ leur a révélé. Et je dis que ceci ne saurait être prouvé autrement que par les églises que les apôtres eux-mêmes ont fondées, en leur prêchant, soit de vive voix, soit ensuite par lettres. Dès lors, toute doctrine qui s'accorde avec la foi de ces églises mères, apostoliques et primitives, doit être réputée la vérité1. »

C'est ainsi que l'Église se trouva conduite à accepter les quatre Évangiles, comme également authentiques, comme également sacrés, comme également émanés de ce qu'elle appelait l'inspiration du Saint-Esprit, comme dotés enfin d'une égale autorité. Partant, l'Église dut systématiquement s'interdire tout examen, toute discussion de ces livres sacrés. C'était, nous le répétons, une conséquence nécessaire du principe posé par elle relativement aux monuments de la tradition apostolique; et d'ailleurs, il faut bien le dire, l'Eglise dut se trouver confirmée dans ce système d'abstention par les résultats auxquels conduisait tout d'abord le plus simple examen des textes évangéliques, résultats qui, nous le verrons bientôt, n'étaient pas favorables à la doctrine orthodoxe touchant le caractère et l'authencité de ces textes.

Cependant, à côté de l'Église se trouvaient deux puissances qui n'avaient pas les mêmes raisons qu'elle, de sacrifier à un intérêt dogmatique les droits de la raison et la faculté d'examen. C'était, d'une part, la masse même des fidèles qui, si disposée qu'elle fût à l'obéissance, ne pouvait

1. Tertull. De Præser. hæret., c. 21 (Voy. Gieseler, Kirchengesch. T. I, § 51.)

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