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PRÉFACE.

L'étude du droit canon, par suite des luttes et des persécutions qu'eut à soutenir, sur la fin du siècle dernier, l'illustre Église de France, a été fort négligée dans presque toutes les maisons d'éducation ecclésiastique. Beaucoup de prêtres en sont sortis sans avoir la moindre notion de cette science, bien que les conciles et les constitutions des Souverains Pontifes prescrivent aux clercs la connaissance du droit canon, comme celle de la théologie, avec laquelle elle a des rapports si intimes et si nécessaires qu'on a cru devoir l'appeler théologie pratique, législative ou administrative, theologia practica, theologia rectrix (1); car, si la théologie traite du dogme et de la morale dans la religion, le droit canon nous fait connaître la discipline de l'Église et les lois qui régissent cette divine société. Puis, n'est-ce pas dans les saints canons, dans ces décisions si solennelles et si sages de l'Église, que l'on trouve les véritables et solides principes de la théologie dogmatique et morale? N'est-ce pas en se conformant à leur esprit que l'on évite de suivre des opinions contraires à la simplicité de l'Évangile et à la saine doc

trine des Pères ?

Issu de la théologie, dit avec raison un canoniste allemand (2), le droit canon lui donne la main et marche constamment à ses côtés. En effet, la théologie embrasse dans son enseignement

(1) Doujat, Prænotiones, pag. 6; Devoti, Commentarium in jus canonicum universale, tom. 1, pag. 303.

(2) Le docteur Phillips, Principes généraux du droit ecclésiastique, tom. 1, pag. 16.

deux objets distincts; le dogme et les actes qui en découlent. Réglementateur de tout ce qui a rapport à l'organisation administrative de l'Église et à l'éducation du peuple chrétien, le droit canon associe son action à celle de la théologie, dans le cercle de la seconde de ses attributions. Ces deux sciences ont donc entre elles les rapports les plus intimes; quiconque se voue à l'étude de l'une, ne saurait se dispenser de celle de l'autre. Tout ce qui touche aux rites, aux fonctions sacrées, aux bénéfices, à la juridiction ecclésiastique, à la hiérarchie, aux sacrements, etc., se trouve déposé dans le trésor précieux des saints canons; formulés en grand nombre dans le langage même des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, ces augustes décrets jettent une vive lumière sur une foule de passages de la sainte Écriture; ayant pour objet principal la direction des fidèles dans la voie du salut éternel, ils sont pour le théologien un flambeau lumineux, et un guide fidèle dans la conduite des âmes qui lui sont confiées. Ajoutez à cela que ces saints décrets renferment la solution d'une multitude de cas de conscience et de questions. difficiles, et vous concluerez sans hésiter que le prêtre ne peut qu'à son grand détriment, et au préjudice des fidèles, rester étranger à la connaissance du droit canon. Scient sacerdotes Scripturas sacras et canones, et omne opus eorum in prædicatione et doctrinâ consistat (1).

L'importance, la nécessité pour le prêtre de connaître les saintes lois de l'Église a toujours paru si certain, excepté dans ces derniers temps, qu'il n'y a point d'étude, après celle de la sainte Écriture, qui ait été si fortement recommandée que celle des canons. Le Pape Sirice, écrivant à l'évêque Himère, lui disait, qu'aucun prêtre ne peut ignorer les prescriptions du Siége apostolique, ni les décisions vénérables des canons : Statuta Sedis apostolicæ, vel canonum venerabilia definita nulli sacerdotum ignorare sit liberum (2).

(1) Quatrième concile de Tolède, canon 26. (2) Apud Coust., col. 637.

Par son union intime avec la doctrine de l'Église, par le rôle qu'il joue dans la réglementation de sa puissance gouvernementale, par les nombreux points de contact qu'il a nécessairement avec la dispensation des choses saintes, et en particulier des sacrements, le droit canon s'impose impérieusement aux études les plus consciencieuses du prêtre comme une partie essentielle de sa vocation, et comme moyen assuré de passer d'un pas ferme, des régions de la théorie, dans celle de la vie extérieure et positive.

D'ailleurs, le clerc, dépositaire du pouvoir dans l'Église, suivant le degré hiérarchique qu'il y possède, peut-il ignorer la nature, l'étendue et l'exercice de ce pouvoir, la constitution même de l'Église, sa suprématie, son culte, sa discipline, en un mot, les institutions de la société religieuse qu'il est appelé à gouverner? Peut-il se borner à un aperçu pratique de ce qui existe, sans en puiser la raison dans l'étude des lois canoniques anciennes et nouvelles? Élite de la milice chrétienne, ne doit-il pas être en état de repousser toutes les attaques dirigées contre elle, et la plupart ne portent-elles pas sur sa hiérarchie et sur les diverses branches de son droit qu'on veut lui contester, comme si ce droit pouvait émaner d'autre puissance que de la sienne? Le pape Célestin, écrivant aux évêques de la Calabre et de l'Apulie, avait donc bien raison de dire que le prêtre ne peut ignorer les canons, et qu'il ne doit rien faire de contraire aux saintes règles de l'Église. Nulli sacerdotum liceat canones ignorare, nec quicquam facere, quod Patrum possit regulis obviare (1).

Mais si la connaissance du droit canon est si nécessaire, si indispensable même à tous les membres du clergé, devons-nous blâmer les prélats qui ont gouverné l'Église de France depuis le commencement de ce siècle, prélats d'ailleurs si vénérables, la plupart, par leur science, leur courage et toutes leurs vertus apostoliques, de n'en avoir point compris l'étude dans l'enseignement de leurs séminaires? A Dieu ne plaise : nous ne pouvons

(1) Canon 4, distinction 36 du Décret.

ici que déplorer le malheur des temps. La persécution de 1793 avait hélas, comme chacun sait, moissonné largement dans les rangs du clergé un nombre considérable de prêtres avaient péri victimes du fanatisme révolutionnaire; et quand, après dix ans de luttes et de combats, la paix fut rendue à l'Église, bien des paroisses se trouvèrent veuves de leurs pasteurs, qui avaient courageusement versé leur sang pour la foi ou succombé glorieusement dans l'exil et les travaux d'un rude et périlleux ministère. La sollicitude des évêques dut donc s'empresser d'abord de combler les vides immenses que la persécution avait faits dans le sanctuaire. De là, la triste nécessité de ne donner à ceux de leurs lévites qu'ils élevaient à la dignité sacerdotale, que la science théologique strictement nécessaire pour administrer les sacrements et annoncer la parole sainte. Le bien de la religion et le salut des âmes demandait alors qu'il en fût ainsi : car les fidèles, privés depuis longtemps de tout culte religieux, sollicitaient de toutes parts et avec instance des pasteurs; il fallait bien que les évêques répondissent au pieux empressement de leurs diocésains, en abrégeant, quoique à regret, le temps des études ecclésiastiques.

Aujourd'hui, grâces à l'infinie bonté de Dieu, qui n'a pas abandonné notre Église de France, il en est tout autrement : le clergé devenu plus nombreux, les évêques ont pu laisser plusieurs de ses membres suivre leur attrait pour les études fortes, et approfondir les diverses branches de la science ecclésiastique de généreux efforts, qui ont été plus ou moins couronnés de succès, ont été tentés pour donner à celle du droit canonique en particulier, son ancienne splendeur et toute son importance. On sent généralement maintenant le besoin de se livrer à l'étude d'une science dont l'ignorance a été la cause que la papauté a été jusqu'ici presque toujours calomniée, le moyen-âge mal compris, les bienfaits de l'Église méconnus. Le clergé français, aussi remarquable par ses talents que par ses vertus, quoiqu'en puissent dire certains détracteurs, ne pouvait rester longtemps

sans reprendre la place que, pendant tant de siècles, il avait si noblement et si glorieusement occupée. Aussi voit-on encore de nos jours, et parmi les membres si distingués de l'épiscopat, et parmi les ecclésiastiques du second ordre, plusieurs habiles canonistes que les universités étrangères les plus célèbres et les plus savantes pourraient nous envier. Nous n'en chercherons pas la preuve dans les écrits publiés sur cette matière dans ces dernières années, nous en avons surtout pour garants les actes et les décrets de nos derniers conciles provinciaux, et notamment celui de Bordeaux, qu'à Rome on a trouvé si remarquable. La rédaction des actes de ces conciles dénote évidemment dans leurs auteurs des hommes versés dans la science du droit canonique.

A l'époque de la première édition de cet ouvrage, nous nous contentions d'espérer de voir cette science remise en honneur et enseignée dans nos séminaires à l'égal de la théologie dont elle est le complément nécessaire, sinon indispensable. Notre espoir, nous sommes heureux et fier de le constater, n'a pas tardé à se réaliser, de sorte qu'actuellement il n'existe peut-être pas un séminaire en France qui n'ait une chaire de droit canon et où des cours de cette science d'une si grave et si majeure importance, ne soient régulièrement organisés. Nous répéterons donc encore ce que nous disions alors : « Aujourd'hui qu'on se fait tant et de si fausses idées en matière de culte et de religion, qu'on dénature l'histoire, faute de bien connaître les lois qui régissent l'Église, que divers gouvernements font si bon marché des lois ecclésiastiques, il faut que le prêtre, dont il est écrit que les lèvres garderont la science, s'applique plus que jamais à bien connaître la législation sainte de l'Église dont il est le ministre. »

L'on comprend actuellement partout l'indispensable nécessité de recourir à l'étude du droit canonique, depuis trop longtemps négligée. « On commence à sentir de toutes parts, remarque avec nous le R. P. Guéranger, abbé de Solesmes (1), la

α

(1) Institutions liturgiques, Tom. I, pag. xx1 de la Préface.

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