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reconnoîtroient plus les mœurs qu'ils ont dépeintes dans leurs piéces, & dont ils prendroient les perfonnages pour des gens d'un autre monde que celui qu'ils ont habité de leur vivant. Je parle de ces romans doucereux, qui pleuvent, pour ainsi dire, de toutes parts, dont les avantures font prefque toujours les mêmes, fous differents noms, & où on ne trouve que des leçons de pufillanimité, de foibleffe, & fouvent de li bertinage & d'impiété: ouvrages auffi infortunés pour l'invention. & pour la conduite, quoiqu'ils ne manquent pas quelquefois de ftile, que contraires à la vérité, à - l'honnêteté publique, & à la religion.

Quelque mauvais en tous fens que foient ces écrits, ils ne laiffent pas de trouver des acheteurs. Les perfonnes oifives de l'un & de l'autre fexe, fe repaiffent de ces

aliments vuides & empoisonnés, pour lefquels ils négligent une nourriture plus folide & plus falutaire. Par là, le goût des bonnes chofes s'altere peu à peu, l'efprit fe gâte, & le cœur fe cor

rompt.

Mon deffein n'est pas d'étendre indifferemment à tout le monde cette espece de contagion. Les perfonnes qui ont non-feulement de la piété, mais feulement de la raifon, fçavent s'en préferver, & laiffent ces lectures à ceux dont le difcernement eft auffi équivo◄ que que la religion & les mœurs.

Et rien ne prouve davantage combien il feroit aisé de ramener les hommes à l'étude des bons li vres, que le fuccès étonnant des écrits hiftoriques de M. R. qui font aujourd'hui dans toutes les bibliothéques, & entre les mains de tout le monde, & ne font moins eftimés chez les peuples

pas

voifins, où ils font étrangers, qu'en France, où ils ont pris naiffance. Par quel enchantement at'il mérité une approbation fi univerfelle? Ce n'eft pas affurément parce qu'il flatte les paffions de fes lecteurs. La feule raifon d'un fi grand fuccès, c'eft qu'on y voit par tout dominer le vrai encore plus que le beau ; que par tout il joint au plaifir que caufent les faits & les évenements bien circonftanciez, des réflexions judicieufes, par lefquelles il inspire le refpect de la religion & des loix, & apprend d'une façon douce & infinuante, les devoirs de l'honnête homme & du Chrétien, dans tous les états de la vie. Ce font là les ouvrages qui, comme dit Horace, réuniffent tous les fuffrages en leur faveur, enrichiffent les Libraires, paffent les mers, & acquierent à leurs Auteurs une réputation immortelle.

Omne tulit punctum qui mifcuit utilé dulci...

Hic meret æra liber fofiis; hic & mare tranfit,

Et longum noto fcriptori prorogat ævum.

Mais laiffons cette fortie & cette digreffion, pour dire un mot des regles qu'il me femble qu'on doit fuivre dans la traduction, quoique d'autres en ayent déja parlé avant moi. Car j'ai remarqué dans prefque toutes les traductions de Latin en François que j'ai lûës, deux défauts oppofés. Les uns pour s'attacher trop fervilement aux expressions & aux tons de leur original, donnent dans un latinifme qui ne convient nullement au génie de notre langue, & font prefque toujours étrangers, pour ainfi dire, dans leur propre pays. Tels ont été à peu près Vigenere & Duryer, les plus connus des traducteurs de T. Live; outre que le premier n'eft prefque plus intelligible, l'autre étoit capable de

mieux faire, fi travaillant pour le befoin, plus que pour l'honneur, il n'eût pas renverfé l'ordre du fat citò, fi fat benè, de Quintilien. D'autres, au contraire, fe donnent trop de licence, s'écartent dans leurs propres idées, & fans s'en appercevoir, alterent la pensée de leur modele, ou quelquefois ne la rendent point du tout. Tel a été entr'autres D., long-temps *eftimé par-delà fon mérite, comme on l'a reconnu depuis. Il y a un milieu à prendre entre ces extrêmités. Il n'eft jamais permis de s'éloigner de l'efprit de fon au teur; mais on eft fouvent forcé de quitter les tours pour en prendre qui foient plus conformes au François. Il faut quelquefois fondre de longues phrafes, en forte qu'il n'y refte prefque plus rien de la tournure & de l'arrangement du Latin, quoiqu'on y conferve tout le fond de la penfée. Il y a des Occasions où on ne peut fe difpen

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