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une multitude innombrable de fem- cc. mes & d'enfants, avec qui ils alloient <<< chercher de nouvelles demeures. «< Pouvoit-on dire qu'il y eût rien « d'inacceffible pour des foldats qui ne « portoient que leurs armes? Si pour « prendre Sagonte ils avoient effuyé «< toute forte de travaux, & s'étoient <<< expofés à toute forte de périls pen- «< dant huit mois; quel obftacle de- «< voit les arrêter, lorfqu'il étoit que. «< ftion de prendre Rome la maîtreffe <<< de l'univers ? Les Gaulois avoient <<< bien pû prendre cette ville : & les << Carthaginois défefperoient d'en ap- «< procher. Qu'ils cédaffent donc en « courage & en résolution à une nation « qu'ils avoient tant de fois vaincuë « depuis peu de jours; ou qu'ils con- << tinuaffent de marcher, jusqu'à ce ce qu'ils fuffent campés entre le Tibre « & les murailles de Rome.

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Voyant que fon difcours les avoit raffurés, il leur ordonna de prendre de la nourriture & du repos, afin d'être en état de continuer leur chemin. Dès le jour fuivant, il quitta les bords du Rhône, & entra bien avant dans les terres de la Gaule; non que ce fût le plus court chemin pour arriver au pié Tom. I.

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des Alpes: mais parce qu'il comptoit que plus il s'éloigneroit de la mer, moins il feroit expofé à rencontrer les Romains, avec qui il ne vouloit pas en venir aux mains, qu'il ne fût arrivé en Italie. En quatre jours de marche il arriva en un lieu qu'on appelle l'Ifle. On donne ce nom à certaine étendue de pays, que * la Saone & le Rhône enferment entre eux, lorsqu'ils fe font réunis, après avoir coulé quelque temps féparés, au fortir des Alpes, où ils prennent leur fource, à quelque diftance l'un de l'autre. Les Allobroges n'en font pas éloignés. Cette nation qui ne le cede à aucun peuple de Gaule, ni en réputation, ni en puiffance, étoit alors partagée en deux factions. Deux freres on difputoient la fouveraineté. L'aîné des deux nommé Brancus, après avoir été quelque temps fur le trône, en avoit été chaffé par fon cadet, qui y avoit moins de droit, mais qui avoit plus de force que lui, étant foutenu par la jeuneffe du pays, qui s'étoit foulevée, & avoit pris les armes en fa faveur. Le hazard amena fort à propos Annibal, pour être le juge & l'arbitre de ce démêlé. Lorfqu'il eut On croit que c'eft plutôt l'Isere.

pris connoiffance de l'affaire, il rendit le royaume à l'aîné, conformément à l'intention du fénat & des principaux. Pour reconnoître ce bienfait, ce prince lui fournit abondamment des vivres & des vêtements, dont il avoit un extrême befoin, pour fe mettre à couvert contre le froid infupportable qui fe fait fentir dans les Alpes. Après avoir rendu la paix aux Allobroges, il ne prit pas le plus droit chemin pour fe rendre au pied des Alpes; mais tournant fur la gauche, il entra dans le pays des Tricaftins. De là paflant fur les confins des Vocontiens, il alla chez les Tricoriens fans trouver aucun embarras jufqu'à la Durance. Cette Paffage de riviere qui defcend auffi des Alpes, eft la plus difficile de toute la Gaule à traverfer. Car quoiqu'elle roule une grande quantité d'eau, cependant elle ne porte pas batteau: parce que n'étant point affez refferrée dans fes rives,, elle change fouvent de lit, & s'en forme quelquefois plufieurs en. mêmetemps: ce qui fait qu'on y trouve à tout moment de nouveaux gués & de nouveaux gouffres, & que l'infanterie même a beaucoup de peine à la paffer; outre que les pierres graveleufes qu'elle

la Durance,

Pub. Corn.

che Annibal.

entraîne avec les eaux, ne laiffent aucune place où on puiffe pofer fûrement le pié: & étant pour lors extrêmement groffie par les pluyes qui étoient tombées en abondance, elle caufa beaucoup de défordre parmi les troupes d'Annibal, qui s'embarraffoient encore elles-mêmes par leur empreffement & par leurs cris.

Il y avoit trois jours qu'Annibal Scipion cher avoit quitté les bords du Rhône, lorfque Scipion s'en approcha avec fon armée partagée en trois corps, dans le deffein de lui livrer bataille. Mais voyant qu'il étoit décampé de ce lieu, & qu'il ne lui étoit pas aifé d'atteindre un ennemi qui avoit tant d'avance fur lui, il rentra dans fes vaiffeaux, perfuadé d'ailleurs qu'il étoit plus fûr & en même temps plus facile pour lui, de le combattre à la defcente des Alpes, où il étoit affuré de le rencontrer. Mais pour ne point laiffer l'Espagne, que le fort lui avoit donnée pour département, privée du fecours qu'elle attendoit de Rome, il envoya fon frere Corn. Scipion, avec la plus grande partie de fon armée; & le chargea non-feulement de défendre les anciens alliés des Romains, & d'en atti

rer de nouveaux dans leur parti, mais encore de faire tous les efforts pour chaffer de cette province Afdrubal, que fon frere Annibal y avoit laiffé pour la conferver aux Carthaginois. Pour lui, avec le peu de troupes qu'il garda, il retourna à Gênes, dans le deffein de défendre l'Italie avec l'armée qui étoit restée sur le Pô.

Paffage des Annibal eft

Alpes, où

Annibal ayant paffé la Durance, fe rendit par terre au pié des Alpes, fans être aucunement troublé par les Gaulois de cette contrée. Mais quoique la renommée accoutumée à groffir les objets, eut déja fait aux Carthaginois, expofé à de comme on l'a dit, une image affreufe grands périls, de ces lieux; cependant lorfqu'ils envisagerent de près ces montagnes, dont le fommet touche prefque aux cieux, les neiges dont elles font couvertes en tout temps, les rochers inacceffibles qui fervent de retraite aux habitants hideux eux-mêmes à voir, & confervant à peine la figure d'hommes, les troupeaux de toute efpece transis & glacés; tous les corps enfin, tant animés qu'infenfibles, également pénétrés par le froid exceflif qu'y caufent des glaces éternelles ; ils fentirent tout de nouveau leurs courages s'abbattre

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