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qu'à l'autre bord. Les éléphants ne craignoient rien tant qu'ils marchoient fur la premiere barque, comme fur un pont. Ils commençoient à s'agiter lorfque la feconde en étant féparée, les emportoit dans le courant. Alors fe preffant les uns les autres, & fe ramaf fant tous vers le milieu, pour éviter la vûë des eaux qui les effrayoit, ils caufoient beaucoup de tumulte, jufqu'à ce qu'enfin la crainte même du péril les obligeoit à fe tenir tranquiles. Quelques-uns même à force de fe trémouffer, tomberent dans la riviere. Mais réfiftant à l'impétuofité des flots par leur feule pefanteur, après avoir renverfé leurs gouverneurs, ils rega gnerent tous le bord, en trouvant à force de tâtonner, les endroits où ils pouvoient avoir pié.

Pendant que les éléphants paffoient. le Rhône, Annibal avoit envoyé soo Numides vers le camp des Romains pour examiner le nombre de leurs foldats, & découvrir leurs deffeins, s'il étoit poffible. Les 300 cavaliers que Scipion avoit détachés de l'embou chure de ce fleuve pour aller auffi à la découverte, rencontrerent cet efcadron:. & ces deux partis fe livrerent un com,

bat plus acharné & plus fanglant qu'on ne devoit l'attendre d'un fi petit nombre. Prefque tous furent bleffés. Le nombre des morts fut à peu près égal de part & d'autre. Et ce ne fut qu'après une réfiftance opiniâtre, que les Numides épuifés prirent la fuite, & abandonnerent aux Romains une victoire, qu'ils étoient peut-être fur le point de leur ceder eux-mêmes. Il refta fur la place du côté des victorieux 160 foldats, tant Romains que Gaulois. Les vaincus y en laifferent plus de 200. Cette action qui fut tout à la fois & le commencement de cette guerre & le préfage de l'évenement, fit juger que fi les Romains avoient à la fin l'avantage, au moins acheteroientils bien cher la victoire. Ceux qui échapperent du combat retournerent rendre compte à leurs généraux de ce qui s'étoit paffé. Scipion ne fçavoit quel parti prendre, fi ce n'eft de regler fes démarches fur celles de l'ennemi. Annibal de fon côté étoit en doute, s'il devoit aller jufqu'en Italie fans combattre, ou en venir aux mains avec le premier ennemi qu'il trouveroit en fon chemin. Il fut tiré de cette incertitude par Mágalus roi des Boiens, &

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chef d'une ambaffade qui lui fut envoyée par cette nation. Car après lui avoir promis qu'il lui ferviroit de guide; & que lui & les fiens partageroient tout le péril avec les Carthaginois; il lui confeilla de ne point donner bataille, jufqu'à ce qu'il fut arrivé en Italie, afin d'attaquer cette province avec toutes les forces. Ses foldats craignoient à la vérité l'ennemi, n'ayant pas encore oublié les fuccès de la premiere guerre. Mais la longueur du chemin, & le paffage des Alpes, dont la renommée leur avoit donné une idée terrible, les effrayoit encore davantage.

Annibal, fur l'avis des Gaulois, s'étant déterminé à fuivre fa route jufqu'en Italie, affembla fes foldats. Et comme il avoit apperçu en eux quelque refroidiffement, il employa pour relever leur courage abbattu, tantôt les reproches, tantôt les éloges. Annibal raf» Qu'ayant jufqu'à ce jour affronté dats effrayés. » avec eux les plus grands périls, il » avoit de la peine à comprendre, d'où » venoit la terreur qui s'étoit tout d'un » coup emparée de leurs efprits. Que » depuis tant d'années qu'ils fervoient » fous fon pere, fous Afdrubal, &

fure fes fol.

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fous lui-même, ils avoient toujours « été fuivis de la victoire. Que tout « récemment ils avoient refufé de for- ». tir de l'Espagne, qu'ils n'euffent « foumis à la puiffance des Carthagi- «e nois toutes les terres & les nations « qui font enfermées entre les deux «< mers. Qu'enfuite indignés de ce que « les Romains demandoient qu'on li- « vrât à leur fureur & à leur vengeance ce tous ceux qui avoit participé à la « réduction de Sagonte, ils avoient «< paffé l'Hébre dans le deffein de dé- « livrer l'univers de leur tyrannie, & « d'effacer jufqu'au nom d'un peuple. fi orgueilleux. Qu'alors aucun d'eux « n'avoit trouvé le chemin trop long, quoiqu'ils fe propofaffent de paffer du couchant à l'orient. Que mainte- « nant qu'ils avoient fait la plus gran- « de partie du chemin, qu'ils avoient « paffé les Pyrenées au milieu des na- « tions les plus féroces; qu'ils avoient traversé le Rhône, & domté les flots impétueux d'un fleuve fi rapide à la « vûë de tant de milliers de Gaulois, « qui leur en avoient inutilement dif- & puté le paffage; maintenant qu'ils « étoient campés au pié des Alpes, « dont le côté oppofé à celui qu'ils «

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» avoient en face, faifoit partie de • l'Italie; ils manquoient de force &

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de courage, lorfqu'ils étoient fur le » point d'entrer dans le pays ennemi. "Quelle image s'étoient-ils formée des Alpes? Qu'il convenoit que ces montagnes étoient fort élevées. Mais quand elles furpafferoient en hauteur les Pyrenées, il n'y avoit affurément point de terres qui touchaf» fent le ciel, & qui fuffent infurmon» tables au genre humain. Ce qu'il y » avoit de certain, c'eft qué les Alpes » étoient habitées, qu'elles étoient cultivées, qu'elles nourriffoient des hommes & d'autres animaux à qui » elles avoient donné la naiffance. Que les ambaffadeurs mêmes des » Gaulois qu'ils voyoient devant leurs » yeux, n'avoient point d'ailes quand » ils les avoient paffées pour les venir » trouver. S'ils prétendoient qu'un pe» tit nombre de gens pouvoit bien s'y "ouvrir un chemin ; mais qu'elles » étoient infurmontables à des armées entieres; il leur répondroit que les » ancêtres de ces mêmes Gaulois, avant de s'établir en Italie, où ils étoient étrangers, les avoient fou» vent paffées en toute fûreté, avec

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