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fournies des mariniers & des rameurs qui leur convenoient par rapport à leurs formes.

De Gadès il revint à Carthagene; & s'étant mis à la tête de fon armée, il paffa près d'Etoüiffe & s'avança vers Î'Hebre & les côtes maritimes. Ce fut Vision là qu'il apperçut en fonge, à ce qu'on d'Annibal. rapporte, un jeune homme d'une figure & d'une taille au-deffus de l'humaine, & qui fe difoit envoyé par Jupiter, pour conduire Annibal `en Italie. On ajoute qu'il lui ordonna de le fuivre, fans détourner la vûë de deffus lui pour la porter ailleurs. Qu'en effet il le fuivit d'abord avec un refpect mêlé d'un peu de frayeur, fans tourner les yeux d'aucun autre côté. Mais qu'enfuite ne pouvant réfifter à une curiofité fi naturelle aux hommes, furt tout dans les chofes défenduës, il tourna la tête pour voir quel pouvoit être l'objet dont on lui avoit interdit la vûë. Qu'alors il apperçut un ferpent d'une grandeur énorme, qui fe rouloit entre des arbriffeaux qu'il renverfoit à droit & à gauche avec un grand fraças. Qu'en même-temps le tonnere commença à gronder, accompagné d'un orage épouvantable, Qu'enfin ayant

demandé ce que fignifioit ce prodige, on lui répondit qu'il préfageoit la défolation de l'Italie. Mais qu'il continuât fa route, fans chercher un plus grand éclairciffement, fur un évenement que les deftins vouloient tenir caché.

Encouragé par cette vifion, il paffa l'Hebre avec fon armée partagée en trois corps, ayant pris la précaution d'envoyer des gens devant avec des préfents, pour s'affurer de l'affection des Gaulois, par le pays defquels il lui: falloit néceffairement paffer; & en même temps pour fonder le paffage des Alpes. Il paffa l'Hebre avec 90000 hommes d'infanterie & 12000 de cavalerie. Il foumit en chemin faifant les Ilergetes, les Bargufiens, les Aufetans, & les Lacetans, qui habitent au pié des monts Pyrenées. Il donna à Hannon le gouvernement de cette contrée, afin d'être le maître des défilés qui féparent l'Espagne d'avec la Gaule. Il lui laiffa pour garder ces. paffages & contenir les habitans du pays, 10000 fantaffins & 1000 cavaliers. Dès que l'armée fut entrée dans. les Pyrenées, & que ces peuples barbares connurent que c'étoit aux Ro

mains qu'Annibal alloit faire la guerre; trois mille Carpetans déferterent & reprirent la route de leurs pays, effrayés de la longueur du chemin & de la hauteur des Alpes, qu'ils fe repréfentoient comme infurmontables, encore plus que des périls de la guerre. Annibal vit bien qu'il ne gagneroit rien s'il entreprenoit de les retenir par la douceur & craignant d'aigrir encore les efprits féroces des autres, s'il employoit la force; il ufa de politique, & congedia outre ce nombre, plus de fept mille foldats à qui il s'étoit apperçû que cette guerre ne plaifoit pas davantage, feignant que c'étoit auffi par fon ordre que les Carpetans s'étoient retirés.

Mais craignant que s'il differoit da vantage, l'oifiveté ne fût pour fes foldats une occafion de fe mutiner, il entra dans les Pyrenées avec le refte de fes troupes, & alla camper auprès de la ville d'Illibere. Les Gaulois fçavoient bien que c'étoit à l'Italie qu'en vouloit Annibal. Mais apprenant en mêmetemps qu'il avoit foumis par la force plufieurs peuples d'Efpagne au delà des monts Pyrenées, & qu'il avoit laiffé de fortes garnifons dans leur

C. iiij.

pays

pour

les tenir en bride; la crainte de fe voir affervis comme eux, les fit courir aux armes & ils s'affemblerent en affez grand nombre auprès de Rufcinon. Annibal en étant averti, craignit le retardement qu'ils pouvoient apporter à fon paffage, beaucoup plus que la force de leurs armes. C'est ce qui l'obligea d'envoyer des députés aux petits Rois du pays pour leur demander une entrevûë. Il leur donna le choix, » ou de le venir trouver auprès d'Illi→ bere où il étoit campé, ou de fouf» frir que lui-même il s'approchât de » Rufcinon, afin que la proximité fa>> cilitât leurs entretiens. Que pour lui » il les recevroit avec beaucoup de » joye dans fon camp, & ne balance. » roit pas un moment à les aller trou>ver dans le leur, s'ils l'aimoient » mieux. Que les Gaulois devoient le >> regarder comme un hôte, & non » comme un ennemi; & qu'à moins » qu'ils ne l'y forçaffent, il ne tireroit point l'épée qu'il ne fut arrivé en » Italie. Voilà ce qu'il leur fit entendre par fes députés. Mais leurs princes. eux-mêmes étant venus fur le champ le trouver à Illibere, ils furent fi charmés de la bonne réception qu'il leur

כב

fit, & des préfents qu'ils reçûrent de lui, qu'ils laifferent à son armée toute la liberté dont elle avoit befoin pour traverfer leur pays, en paffant à côté de Rufcinon.

Pendant ce temps-là les Romains croyoient à peine qu'il eût paffé l'Hébre, quoique les députés des Marfeillois leur euffent donné avis de fa marche: mais les Boiens s'imaginant déja le voir en-deçà des Alpes, fe fouleve, rent d'abord, & engagerent les Infubriens dans la même revolte, irrités contre les Romains, bien moins à caufe des anciennes injures qu'ils prétendoient en avoir reçûës, que de celle qu'ils leur avoient faite tout récem ment, en établi ffant le long du Pô dans la Gaule Cifalpine, les colonies de Cremone & de Plaifance. Il prirent donc brufquement les armes ; & s'é-tant répandus dans ce même territoire, ils jetterent dans tout le pays tant de confternation & d'effroi, que non-feulement les gens de la campagne, mais même les Triumvirs C. Lutatius, Caius Servilius, & T. Annius, qu'on avoit envoyés de Rome pour partager ces campagnes, ne comptant pas affez fur les murailles de Plaifance, fe refu Goy

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