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forces pour prendre leur place, ne fut pas mieux traité qu'eux dans une nouvelle fortie que firent les mêmes cohortes. Enfin Annibal lui-même s'étant venu camper devant les murailles de Cafilin, employa toutes fes troupes, & fit les derniers efforts contre une ville fi peu confiderable, & qùi n'étoit défenduë que par une garnifon très-médiocre. Cependant tandis qu'il la preffe & qu'il la tient inveftie de toutes parts, les traits qu'on lançoit du haut des tours, & de deffus les murs, firent périr un grand nombre de fes meilleurs foldats. Un jour que les affiégés, fans être attaqués par les Carthaginois, avoient d'eux mêmes fait une fortie fur eux, Annibal fit avancer fes éléphants, & leur ferma pref que le retour de la ville. Ils n'y rentrerent qu'avec beaucoup de peine, & en défordre, après avoir laiffé fur la place un nombre de foldats très-confiderable, par rapport à la foibleffe de la garnifon. Elle auroit fait une plus grande perte, fi la nuit n'eût mis fin au combat. Le lendemain, tous les foldats à la fois coururent à l'affaut avec une ardeur incroyable, fur tout après qu'Annibal eut promis une couronne

à celui qui feroit le premier monté fur la muraille; & que s'étant mis à leur tête, il eut reproché à des guerriers, qui avoient pris Sagonthe, la lenteur avec laquelle ils attaquoient un petit château fitué au milieu d'une plaine; & que s'adreffant à chacun en particulier, & à tous en général, il leur eut rappellé le fouvenir des batailles de Trebie, de Trafimene & de Cannes. Ils commencerent auffi tôt à faire avancer leurs mantelets, & à creufer des mines, afin de ne rien omettre de tout ce que la force ou l'adrefle fçait mettre en ufage pour réduire une ville. Les affiégés, de leur côté, oppo ferent aux mantelets des Carthaginois, leurs remparts & leurs fortifications, & creuferent eux-mêmes des mines pour couper celles des ennemis; en un mot, firent, tant ouvertement qu'en fecret, tout ce qui pouvoit rendre inutils les efforts des affiégeants : jufqu'à ce qu'enfin Annibal eut honte de perfifter fi long-temps dans une entreprise qui lui réuffiffoit fi mal. Ainfi il fortifia fon camp ; & y ayant laiffé quelques troupes, pour ne pas paroître l'abandonner entierement, il fe retira à Capouë pour y paffer

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Quartier d'hyver de Capouë fu

mée d'An

nibal.

l'hyver. Pendant la plus grande partie de cette faifon, il y tint fes foldats à couvert dans les maifons de la ville. Ce fut là que cette armée, qui avoit réfifté fi long-temps aux travaux les nefte à l'ar- plus pénibles, & que les périls les plus affreux n'avoient jamais pû abbattre, fut entierement vaincue par l'abondance & les délices, dans lefquelles elle fe plongea avec d'autant plus d'avidité, qu'elle n'y étoit point accoutumée. Le fommeil & le repos, le vin & la bonne chere, la débauche & le libertinage, aufquels ils fe livroient tous les jours, & dont ils goutoient de plus en plus la douceur, amollirent tellement leurs corps & leurs courages, que s'ils fe foutinrent encore quelque temps, ce fut plutôt par l'éclat de leurs victoires paffées, que par leurs forces préfentes. C'eft ce qui a fait dire aux connoiffeurs, qu'en cela Annibal fit une faute beaucoup plus grande, que quand, après la bataille de Cannes, il n'alla. pas droit à Rome. Car cette négligence pouvoit paroître avoir feulement differé fa victoire au lieu que le féjour de Capouë ôta abfolument à fes foldats la vigueur dont ils avoient befoin pour vaincre. C'est pourquoi,

quand il les tira de là, il les trouva fi differents d'eux-mêmes, qu'il ne lui fut pas poffible de leur faire observer la moindre partie de l'ancienne difci pline. Ils en fortirent la plupart avec des femmes de mauvaise vie ; & dès qu'il fallut camper, ou foutenir les fatigues des veilles, des marches, & des autres travaux militaires, comme des foldats nouvellement levés, ils manquoient de force & de courage; & depuis ce temps-là, pendant toute la campagne, la plupart abandonnoient leurs drapeaux fans permiffion, & les déferteurs n'avoient point d'autre azyle. que Capoue contre la févérité de leurs généraux.

Dès que la rigueur du froid com mença à s'adoucir, Annibal tira fes troupes des quartiers d'hyver, & revint à Cafilin, dont les habitants, auffi bien que les foldats de la garnifon, étoient réduits à une ex trême difette. Car quoique les attaques euffent ceffé pendant l'hyver, cependant, comme la ville avoit toujours été bloquée, on n'avoit pas pû y pas pû y faire entrer des vivres. Tib. Sempronius commandoit les Romains en l'absence du dictateur, que les affaires de la religion avoient rap

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pellé à Rome. Marcellus avoit grande envie d'aller fecourir les affiégés; mais il étoit retenu d'un côté par les eaux du Vulturne, qui s'étoient extrêmement groffies; & de l'autre, par les prieres de ceux de Nole & d'Acerra, qui craignoient d'être attaqués par les Campaniens, dès que les Romains fe feroient éloignés. Gracchus étoit à portée d'agir: mais comme le dictateur lui avoit défendu de rien entreprendre jufqu'à fon retour, il n'ofoit faire aucun mouvement en faveur de ceux de Cafilin, quoiqu'il apprît qu'ils fouffroient des maux capables de vain-. cre la conftance la plus heroïque. Car il fçavoit que quelques-uns s'étoient précipités, pour fe délivrer de la faim qui les preffoit, & que d'autres fe tenoient debout & fans armes fur les murailles, préfentant leurs corps à nud aux traits des ennemis. Il ne voyoit qu'avec une peine extrême l'extrémité à laquelle étoient réduits fes alliés. mais il n'étoit pas poffible de faire entrer ouvertement des vivres dans la ville fans livrer combat: & c'est ce qu'il n'ofoit prendre fur lui contre la défenfe du dictateur. D'un autre côté, il ne voyoit aucun moyen de leur en en

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