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finage de la mer, deux fources qui leur fourniffoient non feulement ce qui étoit néceffaire à la vie, mais encore tout ce qui pouvoit flatter les fens, & amollir le cœur & le courage. Mais depuis ce temps, la vile complaifance des grands, & la licence outrée de la multitude, fit que perfonne ne mit plus de bornes à fa dépenfe, ni de frein à fes paffions. On fe mocquoit impunément des loix, des magiftrats & du fénat. Et pour comble de malheurs, après la bataille de Cannes, ce peuple porta l'infolence jufqu'à méprifer les Romains, dont il avoit jufques-là refpecté l'autorité. La feule confideration qui les empêcha de quitter sur le champ leur parti, pour s'attacher aux Carthaginois, c'eft qu'il y avoit à Capouë plufieurs familles, des plus confiderables & des plus puiffantes de la ville, qui s'étoient unies, par des mariages, avec celles de Rome; & que les Romains avoient choifi parmi les troupes que les Campaniens leur fourniffoient pour la guerre, trois cent cas valiers des plus illuftres, & les avoient envoyés dans la Sicile, pour garder les villes de leur parti.

Mais ce ne fut qu'avec beaucoup de

Les Campa

niens envo⚫

faite à Can

nes,

peine que leurs peres & meres, & leurs plus proches parents obtinrent qu'on envoyât des ambaffadeurs au conful Romain, au fujet de la défaite de Cannes. Ils le trouverent encore à yent des am- Venoufe, avec un petit nombre de bafladeurs à foldats à demi armés, dans un état Varron, qui leur découvre très-propre à donner de la compaffion arop la perte à de bons & de fideles alliés, mais qui ne lui attira, de la part d'un peuple auffi arrogant & auffi perfide que celui de Capoue, qu'un mépris., que le conful augmenta encore lui-même, en leur parlant avec trop de fincerité & de franchise, de la perte que les Romains avoient faite à Cannes. Car après que les députés lui eurent témoigné que le fénat & le peuple de Capouë prenoient toute la part poffible au malheur qui étoit arrivé aux Romains, & qu'ils lui eurent offert de la part de leur république, tous les fecours dont ils avoient befoin pour la ,, guerre: Quand vous nous promet

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tez de nous fecourir, leur répon,, dit-il, vous nous faites le compli,,ment ordinaire en de pareilles con,, jonctures: mais ce n'eft pas affez ,, pour l'état présent de notre fortune. Car que nous eft-il refté à Cannes,

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pour demander à nos alliés qu'ils fuppléent à ce qui nous manque, "

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comme fi nous avions encore une « partie de ce qui nous eft néceffaire? « Nous fournirez-vous de l'infante- « rie, comme fi nous avions de la ca- « valerie? Est-ce de l'argent que vous « nous envoyerez, comme fi c'étoit la feule chofe dont nous euffions befoin? La fortune ne nous a pas « laiffé le moindre acceffoire, bien loin que nous ayons le principal. Legions, cavalerie, armes & dra- « peaux, hommes & chevaux, argent & vivres, nous avons tout perdu, ou fur le champ de bataille, ou le lendemain, à la prife des deux « camps. Ainfi, Meffieurs, il n'eft « pas question de nous aider dans la «. guerre, mais prefque de l'entreprene dre & de la foutenir à notre place. Souvenez-vous du fervice que nous « avons autrefois rendu à vos ancêtres, « lorfque renfermés comme ils étoient dans leurs murailles, & prêts à fuc- « comber aux attaques, non-feule- « ment d'un ennemi auffi puiffant que le Samnite, mais même d'un peuple auffi foible que le Sidicinien, nous les prîmes fous notre protec

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tion, & combattîmes pour eux auprès de Saticule: & comme depuis ce temps-là nous avons foutenu pen"dant cent ans contre les Samnites

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la guerre que nous avions entreprise " pour l'amour de vous, & dans la"quelle nous avons fouvent été mal» heureux avant de remporter enfin la » victoire. Ajoutez à ce bienfait, que » dans l'alliance que nous avons faite " avec vous, nous vous avons traités

d'égaux, forfque nous pouvions » vous avoir pour fujets; que nous 22 vous avons rendu votre liberté & » vos loix; &, ce qui étoit très-con"fiderable avant la bataille de Can»nes, avons donné à la plupart de » vos citoyens le droit de bourgeoifie " à Rome, en les égalant par là avec "nous. C'eft pourquoi il faut, Cam

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paniens, que vous partagiez avec "nous la perte que nous venons de "faire, comme vous avez partagé no

tre patrie. Si nous avions pour en >> nemis les Samnites, ou les Toscans, ace feroit au moins une confolation

de voir que l'empire, en paffant de. »nos mains en celles des uns ou des autres, ne fortiroit cependant pas de a l'Italie. Mais nous avons affaire à

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un Carthaginois, qui s'eft fait fui- « vre jufqu'ici des extrémités de la terre, des bords de l'Ocean, & des c colomnes d'Hercule, par des fol- « dats qui ne font pas même originaires d'Afrique, qui ne connoiffent « ni les loix qui gouvernent les autres «< nations, ni les fentiments de la na- « ture & de l'humanité, ni les condi- « tions des traités & des alliances, ni « le langage néceffaire à entretenir la « fociété parmi les hommes. Ces fòl- « dats déja cruels & fauvages par eux- « mêmes, le font devenus encore da- « vantage par la difcipline dans laquelle leur général les fait vivre, en « leur apprenant à fe faire des ponts e & des digues avec des corps morts, « &, ce qui fait horreur à dire, à af- « fouvir leur faim & leur foif de la chair & du fang des humains. On e ne fçauroit les toucher, ni prefque les voir fans fe fouiller. Voudriezvous les avoir pour maîtres ? Vou- « driez-vous, étant nés dans l'Italie, e. aller prendre la loi dans l'Afrique & « à Carthage ? Souffririez-vous que « l'Italie devint une province des Nu mides & des Maures? Il fera glo e rieux pour vous, Campaniens, d'a

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