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» pes, ni vivres, ni argent? Combien » y a t'il qu'il tourne autour des murs » de Geraunium, & défend ce mife»rable château de l'Apouille, comme

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fi c'étoient les murailles de Cartha»ge? Mais pour ne pas vous propofer » mon exemple feul, voyez comme » les derniers confuls, Attilius & Ser» vilius, ont éludé tous fes efforts, en » fe tenant fur la défenfive. C'est le feul » moyen, Paul Emile, que vous ayez » de fauver la république. Ce qu'il y "a de fâcheux, c'eft que vous éprou» verez plus de difficultés, quand vous » voudrez le mettre en ufage, de la » part de vos citoyens, que de celle de » vos ennemis. Les Romains vou» dront la même chofe que les Carthaginois: & Varron fera dans les mê» mes fentiments qu'Annibal. Il fau"dra que vous réfiftiez feul à deux géneraux & vous en viendrez à »bout, fi vous fçavez méprifer les dif»cours & les opinions des hommes; » fi vous ne vous laiffez ni éblouir par »la vaine gloire de votre collegue, ni » effrayer par les calomnies dont on » tâchera en vain de vous noircir. On » dit ordinairement que la verité peut bien être attaquée, mais qu'elle no

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fuccombe jamais. Pour acquerir une « gloire folide, il eft quelquefois à pro- «< pos de la méprifer. Ils donneront à « votre prudence, à votre circonfpection & à votre experience dans le mé. « tier de la guerre, les noms injurieux «< de timidité, de lenteur, & même « d'ignorance. Mais ne vous en met- « tez pas en peine. Il vaut bien mieux « que vous foyez appréhendé par un « ennemi fage & bon connoiffeur, que « loué par des citoyens infenfés & mal- « habiles. Annibal n'aura que du mé- « pris pour vous, fi vous faites des en- « treprises folles & témeraires. Si vous ❝ agiffez avec prudence, il vous crain- « dra. Après tout, mon fentiment « n'eft pas que vous reftiez toujours ↔ dans l'inaction; mais que toutes vos « démarches foient reglées par la rai- « fon. Soyez toujours le maître des « évenemens. Soyez toujours armé," mais toujours fur vos gardes. S'il fe«< préfente quelque occafion d'entre- « prendre avec fureté, ne la manquez «< pas: mais n'en donnez jamais à l'en- « nemi de vous furprendre. Quand vous ne marcherez point avec préci- « pitation, vous verrez clair, & tous « vos pas feront affurés. L'empreffe

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trifle & de

gure.

»ment eft toujours accompagné da » veuglement & de péril.

Le conful lui répondit d'un air trifte, & avec un noir preffentiment de

Réponse de l'avenir, que fes avis étoient bons & Paul Emile, » falutaires, mais qu'il n'étoit pas aimauvais aufé de les mettre en pratique. Si un maître de la cavalerie avoit témoigné fi peu de foumiffion & de ref »pect à fon dictateur, quelle autorité » pourroit avoir un conful, pour con»tenir un collegue féditieux & téme

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raire Qu'au fortir de fon premier » confulat, peu s'en étoit fallu qu'il » ne fût facrifié à la haine du peuple. Qu'il fouhaitoit que tout réuffit » heureusement. Mais que s'il arrivoit » quelque malheur, il aimoit mieux périr par les traits de fes ennemis » que par les fuffrages de fes citoyens.. Après cet entretien, Paul Emile partit pour l'armée, accompagné des premiers d'entre les patriciens; tandis qu'un cortege plus remarquable par fon grand nombre que par fa dignité, fuivoit le conful plebeien fon idole. Lorfqu'ils furent arrivés l'un & l'autre. dans le camp, & qu'on eut mêlé les nouvelles legions avec les vieilles, on partagea, felon la coutume, l'armée

en deux corps, qui devoient camper féparément. Le plus petit étoit près d'Annibal. Le grand étoit compofé du plus grand nombre, & de la meilleure partie des troupes. Et fur ce que M. Attilius, l'un des confuls de l'année précedente, allegua fon extrême vieilJeffe pour se difpenfer de fervir, on lui permit de retourner à Rome. Geminus Servilius, fon collegue, demeura dans le petit camp pour y commander une légion Romaine, & deux mille alliés, tant infanterie que cavalerie. Quoiqu'Annibal vit les troupes des Romains augmentées de moitié, il ne Jaiffa pas de reffentir une extrême joye de l'arrivée des nouveaux confuls. Car non-feulement il ne lui reftoit rien de ce qu'il avoit amaffé de vivres & de fourrages par les ravages précedents mais il ne fçavoit plus où en prendre à l'avenir. Les habitants de la campagne ne fe trouvant pas en fûreté dans teurs maifons, avoient tranfporté tous leurs grains dans les villes; en forte qu'il ne reftoit pas à Annibal, comme on l'a fçû depuis, des vivres pour dix jours; & que les troupes auxiliaires des Efpagnols étoient fur le point de l'abandonner, fi on s'étoit tenu encore

quelque temps fur la défenfive, & qu'on eût attendu la maturité de l'occafion.

Au refte, la fortune augmenta encore la témerité & la violence naturelle du conful, par un leger avantage qu'elle lui procura fur les fourageurs d'Annibal, dans un combat tumultuaire, qui fut un effet du zele & de l'ardeur des foldats, plutôt que de la conduite & du deffein des géneraux, qui ne leur avoient pas commandé d'aller aux ennemis. Il demeura fur la place dix-fept cent hommes du côté d'Annibal, & du côté des confuls, cent tout au plus, tant citoyens qu'alliés. Paul Emile, qui avoit ce jour-là le commandement, craignant quelque embufcade, fit retirer les fiens, qui pourfuivoient l'ennemi avec trop de chaleur. Varron eut beau crier contre lui, & lui reprocher qu'il laissoit échapper l'ennemi de leurs mains, & qu'il ne tenoit qu'à lui qu'on ne terminât la guerre dès ce moment. Annibal ne fut pas trop fâché de ce petit fuccès des ennemis. Il le regarda comme une amorce propre à faire tomber dans fes filets le plus fougueux des capitaines Romains, & les nouveaux

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