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avons reçû de lui; ne manquez pas « de faluer comme vos patrons, « ceux dont les armes & les bras vien- « nent de vous fauver la vie & la liber- «< té. Et fi nous n'avons pû nous fignaler aujourd'hui par notre bonne for- « tune, fignalons-nous au moins par « notre bon efprit, & par notre recon- <<< noiffance.

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Auffi tôt il fe mit à leur tête, & marcha droit au camp du dictateur. Fabius, & les fiens, furent surpris de le voir avancer de leur côté, ne fçachant pas la caufe de ce mouvement. Lorfque Minucius fut arrivé, il fit pofer fes étendarts auprès du tribunal du dictateur; & fe préfentant le premier à lui, il le falua avec beaucoup de refpect, en lui donnant les noms de pere & de maître; pendant que fes foldats rendoient à ceux de Fabius tous les honneurs que les clients doivent à leurs patrons. Alors prenant la parole : Grand dictateur, dit-il, je ne fuis. « redevable que de ma vie à ceux qui « m'ont donné la naiffance, & auf- ce quels je viens de vous égaler autant « que j'ai pû, par les termes dont je « me fuis fervi en vous parlant. Mais ce je vous dois, à vous, & ma vie, & «

Minucius

rentre fous du di&ateur, avec tous les foldats,

l'obéiflance

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celle de tous mes officiers & de tous ,, mes foldats. Ainfi je caffe tout le premier le décret par lequel j'ai été élevé à un rang, que je regarde comme un fardeau pour moi, plutôt que comme un honneur. Je ren,,tre fous votre autorité, & fous vos aufpices. Je vous rends ces drapeaux » & ces legions, perfuadé que je fais une action utile & glorieufe pour ,, vous, pour moi, & pour les deux ,, armées, dont l'une doit fon falut à l'autre. Je vous fupplie d'oublier ,, tout ce qui s'eft paffé, & de me ,, permettre d'exercer, fous vos ordres,

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la charge de maître de la cavalerie, ,, & de conferver à ceux-ci le rang ,, qu'ils tiennent dans les troupes. Après ce difcours, les foldats des deux armées s'embrafferent. Les gens de Fabius reçurent ceux de Minucius dans leurs tentes avec beaucoup de bienveillance & d'amitié : & ce jour qui avoit prefque été funefte à la république, fe paffa dans les applaudiffe ments & dans la joye. Dès que la nouvelle de cette reconciliation eut été portée à Rome, & confirmée par les lettres des généraux & des foldats des deux armées, il n'y eût perfonne qui

que

n'élevât jufqu'au ciel la générofité du dictateur. Annibal & les Carthaginois Feftimerent encore davantage qu'aupa ravant: & ils commencerent dès-lors à s'appercevoir qu'ils faifoient la guerre en Italie, & contre les Romains. Car pendant les deux années qui avoient précédé, ils avoient eu un tel mépris pour ceux qui commandoient les troupes de la république, auffi-bien pour les troupes mêmes, qu'à peine pouvoient-ils s'imaginer, qu'ils fuffent en guerre contre la même nation, dont leurs peres leur avoient laiffé une idée fi terrible. On ajoute qu'Annibal, en fe retirant dans fon camp, dit, que cette nuée qui avoit coutume de 66 paroître fur le haut des montagnes, étoit enfin tombée avec beaucoup " de fracas & d'orage.

Pendant que ces chofes fe paffoient en Italie, le conful Cn. Servilius Geminus, après avoir côtoyé avec une flotte de cent vingt galeres, les ifles de Sardaigne & de Corfe, & reçu des êtages des habitants de l'une & de l'autre, paffa en Afrique. Mais avant de faire aucune defcente dans le contiment, il ravagea l'ifle de Meninge. Et ceux de Cercine lui ayant donné dix

talents d'argent, pour racheter leurs terres du pillage & de l'incendie, il débarqua fes troupes fur les côtes d'Afrique. Auffi-tôt il s'avança pour ravager le pays. Mais fes foldats, mêlés avec les matelots, s'étant répandus de tous côtés avec autant de licence & de fécurité, que s'ils s'étoient trouvés dans quelque ifle déferte, ils tomberent dans une embufcade. La partie n'etoit pas égale. Ils couroient en défordre dans une terre étrangere; au lieu que ceux à qui ils avoient affaire con noiffoient le pays, & marchoient bien ferrés. C'eft pourquoi ils furent repouffés jufques dans leurs vaiffeaux avec beaucoup de confternation, après avoir laiffé un grand nombre de leurs gens fur la place. Le conful perdit dans cette occafion plus de mille hommes, & entr'autres le quefteur Sempronius Blæfus; ce qui l'obligea de s'éloigner de ces rivages remplis d'ennemis, & de repaffer en Sicile. Lorfqu'il fut arrivé à Lilybée, il laiffa fa flotte au préteur T. Otacilius,qui chargea P. Sura, fon lieutenant, de la remener à Rome. Pour lui, il traversa toute la Sicile à pié, & paffa enfuite en Italie, par le détroit de Mefline.

Ce fut là qu'il reçut de Fabius des lettres, par lefquelles il le rappelloit, après avoir paffé près de fix mois dans la dictature, pour venir prendre, avec fon collegue M. Attilius, le commandement de l'armée. Prefque tous les auteurs écrivent, que ce fut en qualité de dictateur que Fabius fit la guerre contre Annibal. Celius affure même qu'il fut d'abord élevé à cette dignité par le peuple. Mais Celius, & tous les autres Ecrivains, ne font pas réflexion, que perfonne n'étoit en droit de créer un dictateur, que le conful Cn. Servilius, qui étoit alors dans la Gaule, fort éloigné de Rome: & que ce qui fit qu'on prit le parti de le faire nommer prodictateur par le peuple c'eft que dans la confternation où étoit la république, on ne pouvoit pas attendre que le conful revint de fi loin. Que dans la fuite les belles actions qu'il fit, & la haute réputation qu'il acquit pendant qu'il eut le commande. ment des armées, furent cause que la pofterité, pour donner à ce grand homime une qualité plus éminente, changea infenfiblement le nom de prodictateur en celui de dictateur.

Les confuls Attilius & Servilius s'é

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