avec cant de précipitation, que le lac: ni les montagnes ne pouvoient les arrêter. La frayeur les emportoit commedes aveugles à travers les rochers & les précipices, au milieu desquels on voyoit tomber pêle-mêle armes, hommes & chevaux. La plupart s'étant jertés dans le lac, s'éloignoient du bord tant qu'ils pouvoient avoir la tête au-dessus de l'eau. Quelques-uns conçurent le dessein témeraire de le passer à la nage. Mais désesperant bientôt de traverser un espace d'eaux fi immense, & manquant de force & de courage, ils furent ou engloutis dans ses gouffres; ou, lorsqu'ils tâchoient avec de grands efforts à regagner le rivage , tués par les cavaliers ennemis qui entroient dans le lac pour les attendre. Il y en eut environ fix mille, qui dès le commencement du combat, sortirent de ce défilé, après s'être bravement ouvert un paslage au milieu des ennemis, fans sçavoir rien de ce. qui se passoit derriere eux. Ils s'arrê. terent fur une éminence, d'où ils en. ten doient seulement le bruit des armes & les cris des combattants. sans pouvoir distinguer, à cause de l'obscurité de quel côté étoit l'avantage. Mais vers nibal envers le milieu du jour, le soleil ayant difli- 6000 prison. Telle fut la fameuse bataille de Tra. fimene, que les Romains mettent au nombre de leurs plus grandes calami. tés. Ils perdirent quinze mille hommes dans le combat même. La fuite en fauva dix mille , qui après s'être disa perlés dans la Toscane, revinrent à Rome par differents chemins. Il ne fuc tué que quinze cent hommes du côté des Carthaginois. Mais il y en eut de part & d'autre un grand nombre qui pulture honorable, il ne le trouva Effroi des point parmi les morts. Dès qu'on renouvelle de çut à Rome la nouvelle de cette décette défaitc. faite, tout le peuple courut dans la place publique avec beaucoup de & on invitoit les magistrats à s'y rendre, pour apprendre d'eux ce qui s'étoit passé. Enfin vers le soir, le préteur M. Pomponius parut en public; & fans chercher aucun détour pour adoucir une nouvelle fi funeste : Nous avons, dit-il, perdu une grande ba. " taille. Et quoiqu'il ne fut entré dans aucun détail sur les accidents de cette journée, chaque particulier ne laissoit pas d'en conter, étant de retour chez lui, diverses circonstances qu'il avoit apprises des autres , ou qu'il avoit inventées lui-même. On publioit que le consul avoit été tué avec la plus grande partie de fes troupes. Qu'il n'étoit resté qu'un petit nombre de foldats que la fuite avoit dispersés dans la Toscane, ou que le vainqueur avoit fait prisonniers. L'esprit de ceux dont les parents avoient fervi sous le consul Flaminius, étoit partagé en autant d'inquiétudes, qu'il y a de malheurs differens qui peuvent arriver à des vaibcus. Et personne ne sçavoit s'il devoir esperer ou craindre, jusqu'à ce qu'il fût informé du fort des siens. Le lendemain, & plusieurs jours après, on vit aux portes une multitude de citoyens, mais beaucoup plus de femmes que d'hommes, qui attendoient le retour firent éclater leur tristesse ou leur joie. venoit sain & sauf de l'armée : qu'une |