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dirent à Plaifance, en fuivant à la piste ceux qui y étoient arrivés les premiers. Il s'en trouva à qui la crainte de tomber entre les mains des ennemis donna la hardieffe de fe jetter dans le fleuve ; & l'ayant traverfé, ils retournerent dans le camp. Une pluye mêlée de neige, jointe à la rigueur infupportable du froid, fit périr un grand nombre d'hommes & de chevaux, & prefque tous les éléphants. La riviere arrêta la pourfuite des vainqueurs, qui revinrent dans leur camp fi tranfis & fi glacés, qu'ils reffentirent beaucoup moins la joye que donne la victoire. C'est pourquoi dès la nuit fuivante ceux qui étoient reftés à la garde du camp, & ceux qui s'étoient fauvés de la bataille, pafferent le fleuve Trebie, fans que les ennemis s'en apperçûffent, à caufe d'une violente pluye qui tomboit avec grand bruit. Peut-être même qu'épuifés de travail, & la plupart couverts de bleffures, ils feignirent de ne s'en pas appercevoir. En forte que fe tenant en repos, ils donnerent à Scipion le temps de fe retirer à Plaisance avec fes troupes, d'où il fe rendit à Cremone en paffant le Pô, afin de ne point accabler une feule colonie des

quartiers d'hyver de deux armées.

La nouvelle de cette défaite caufa tant d'effroi dans la ville, que les citoyens croyoient à chaque inftant voir arriver l'armée victorieufe devant leurs murailles, fans avoir aucune reffource pour les défendre. Ils difoient qu'après la défaite de Scipion, auprès du Tefin, ils avoient rappellé Sempronius. de Sicile, & lui avoient ordonné de venir au fecours de fon collégue. Mais après la défaite des deux confuls & des deux armées confulaires, quels autres chefs, quelles autres légions pou voient-ils oppofer à l'ennemi vainqueur ? Dans le temps qu'ils faifoient de fi triftes réflexions, Sempronius arriva à Rome, ayant paffé hardiment à travers les cavaliers ennemis, épars de tous côtés dans la campagne pour faire du butin, par un effet de fon bonheur plutôt que de fa prudence, puifqu'il ne pouvoit raisonnablement efperer de leur cacher fa retraite, ou de leur résister, s'il tomboit entre leurs mains. Il tint les affemblées confulaires : c'étoit ce qui preffoit alors davantage. Et après y avoir fait nommer Cn. Servilius pour la premiere fois, & C. Flaminius pour la feconde, il re

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tourna dans fes quartiers d'hyver. Mais les Romais n'y étoient pas même en fureté, les Numides portant par tout le ravage & la défolation. D'ailleurs les Celtiberiens & les Lufitaniens, encore plus à craindre que les Numides, pénétroient dans tous les lieux où la cavalerie ne pouvoit paffer. Ainfi les vivres leur étoient coupés de toutes parts, excepté ce qui leur venoit par des barques qui remontoient le Pô. Les Romains avoient auprès de Plaifance une place remplie de provifions, défendue par de bonnes fortifications, & par une garnifon affez confidérable Annibal, dans l'efpérance de s'emparer de ce fort, partit avec une partie de fa cavalerie & de fes foldats armés à la légere. Il l'attaqua de nuit. Mais quelque précaution qu'il eût prife pour tenir fa marche fecrette, afin d'emporter plus facilement la place, il ne put tromper la vigilance des fentinelles. La garnifon fut avertie de fon arrivée ; & tout d'un coup pouffa de fi grands cris, qu'ils furent entendus jufqu'à Plaifance. Ainfi le conful arriva dès le point du jour avec fa cavalerie, après avoir ordonné aux légions de le fuivre rangées en bataillon quarré

Avant qu'elles fuffent arrivées, la cavalerie en vint aux mains de part & d'autre. La bleffure qu'Annibal reçut dans cette action ayant effrayé fes gens, & donné du courage aux Romains, il fut obligé d'abandonner cette entreprife. Après quelques jours de repos, fans attendre que fa playe fût entierement fermée, il partit pour aller attaquer Victumvies. C'étoit un fort que les Romains avoient conftruit pendant la guerre des Gaulois. Il s'y étoit établi un marché affez confidérable par le concours des habitants de cette contrée, & de ceux des provinces voifines: & la crainte d'être pillés par les coureurs d'Annibal avoit alors obligé la plupart des gens de la campagne de s'y refugier avec leurs effets. Une grande multitude de ces fortes de gens, animée par l'exemple de ceux qui s'étoient fi bien défendus auprès de Plaifance, prit les armes, & vint hardiment au-devant des Carthaginois. Ils fe mêlerent dans le chemin avec les gens d'Annibals combattant par pelot tons plutôt qu'en bataille rangée. Mais comme d'un côté c'étoit une multitu

de confufe, qui agiffoit fans difcipline & fans commandement; & de l'autre,

un général qui comptoit fur la valeur de les foldats, comme eux-mêmes étoient affurés de fa capacité; trentecinq mille hommes furent aisément défaits & mis en déroute par un bien plus petit nombre. Le lendemain la place fe rendit & reçut garnifon enne mie. Ceux du fort eurent ordre de mettre bas les armes. Ils n'eurent pas plutôt obéi, qu'Annibal commanda aux fiens de les traiter comme des gens qui ont été pris d'affaut. Tous les excès de cruauté, d'orgueil & d'avarice; tous les outrages dont les hiftoriens ont cru devoir inftruire la pofterité, furent exercés fur ces malheureux.Telles furent les expéditions d'Annibal pendant l'hyver.

Le froid étoit fi violent, qu'Annibal donna à fes gens quelque temps pour fe repofer après tant de peines. Ét dès qu'il lui parut à des indices encore douteux que le printemps approchoit, il les tira des quartiers d'hyver pour les conduire dans l'Etrurie, à deffein de gagner cette nation par la douceur, ou de la foumettre par la force, comme il avoit fait les Gaulois & les Liguriens. Paffage de En paffant l'Apennin, il fut attaqué d'un orage fi effroyable, que ce qu'il

T'Apennin.

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