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puis fix mille piétons, & en fin fit avans cer toutes les troupes dans l'endroit où il avoit déja médité de les pofter pour livrer une bataille qu'il défiroit avec tant d'empreffement. Par hazard ce jour-là il faifoit un brouillard trèsfroid,& il tomboit beaucoup de nei'ge, comme il a coutume d'arriver entre les Alpes & l'Apennin; fans parler de la proximité des fleuves, qui refroidiffent encore cette contrée. Et comme le conful avoit fait fortir les hommes & les chevaux avec beaucoup de précipitation, fans leur avoir fait prendre aucune nourriture, ni, leur avoir donné aucun préfervatif contre les injures du lieu & de la faifon; ils étoient tranfis d'un froid qui devenoit encore plus piquant à mesure qu'ils approchoient de la riviere. Mais lorf qu'en pourfuivant les Numides, qui avoient lâché pié à deffein de les attirer, ils furent entrés dans l'eau jusqu'à la poitrine; la pluye de la nuit précédente l'ayant extrêmement groffie, tous leurs membres furent tellement faifis & pénétrés de froid, qu'ils avoient bien de la peine à tenir leurs armes; outre qu'ils mouroient de faim, étant fortis. à jeun, & le jour

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étant déja bien avancé.

Pendant ce temps - là, les foldats d'Annibal avoient allumé des feux devant leurs tentes, & s'étoient frottés tous les membres de l'huile qu'on avoit diftribuée par compagnies, pour. fe les rendre plus fouples. Et ayant pris de la nourriture tout à leur aife, ils ne fçurent pas plutôt que les Romains avoient paffé l'eau, qu'ils prirent leurs armes, & s'avancerent pleins de confiance & de force pour les combattre. Annibal mit aux premiers rangs les frondeurs & les foldats armés à la légere, ce qui faifoit environ huit mille hommes ; & après eux l'infanterie armée de toutes piéces, en quoi confiftoient fes principales forces. Il jetta dix mille cavaliers fur les deux aîles qu'il fortifia encore de fes éléphants, diftribués également à la droite & à la gauche. Le conful voyant que les Numides, en faifant tout d'un coup volteface, menoient rudement les cavaliers, devant qui ils avoient d'abord feint de fuir, fit fonner la retraite ; & les ayant rappellés, les reçut au milieu de fon infanterie. Son armée étoit compofée de dix-huit mille Romains, de vingt mille alliés du nom latin, & de quel

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ques troupes auxiliaires des Manceaux, les feuls Gaulois qui fuffent demeurés fidéles. Ce fut avec ces forces que les Romains en vinrent aux mains pour la feconde fois avec les Carthaginois. Les Baleares comencerent le combat ; mais comme ils avoient de la peine à foutenir l'effort des légions, Annibal fit promptement avancer fes chevauxlégers, ce qui fit que la cavalerie des Romains plia d'abord. Car outre qu'elle n'étoit compofée que de quatre mille hommes, la plupart fatigués, & qu'elle avoit affaire à dix mille hom mes tous frais; elle se vit encore accablée d'une grêle de traits lancés par les frondeurs pour comble de malheur, les éléphants qu'on avoit répandus fur les deux aîles, s'étant avancés, cauferent une déroute générale, ayant effrayé les chevaux par leur maffe énorme, & par une odeur infupportable, à laquelle ils n'étoient pas accoutumés. La cavalerie du conful n'auroit pas cé dé en valeur à celle d'Annibal, fi elle: avoit eu autant de force. Mais les Carthaginois étoient venus au combat après s'être fortifiés par une bonne nourriture, au lieu que les Romains n'y avoient apporté que des corps affa

més, épuifés de fatigues, & tranfis de froid. Cependant leur courage leur auroit tenu lieu de tout, s'ils n'avoient eu affaire qu'à l'infanterie. Mais les frondeurs ayant mis en faite la cavalerie du conful, commencerent à les attaquer en flanc à coups de traits: & les éléphants étoient entrés jufques dans le corps de leur bataille. Enfin Magon étant tout d'un coup venu fondre, avec la cavalerie Numide, fur ceux de l'arriere-garde, dès qu'ils eurent paffé au-delà du lieu où il s'étoit mis en embuscade, jetta parmi eux le défordre & la confternation. Accablés de tant de maux tout à la fois, ils tinrent cependant ferme, & réfifterent pendant un temps confiderable, fur tout aux éléphants, contre leur esperance & celle des Carthaginois. Les Velites, à qui on avoit donné cette commiffion, les mettoient premierement en fuite, en leur lançant des traits longs & pointus; & enfuite les faivoient par derriere, & les piquoient par deffous la queue, où la chair plus tendre qu'ailleurs, eft auffi plus fufceptible de bleffures.

Annibal voyant ces bêtes effrayées & prêtes à fe jetter fur les fiens, les fit

Bataille de Trebie

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duë par Les

fortir du corps de la bataille, & les pouffa vers l'aile gauche contre les Gaulois qui fervoient dans l'armée des ennemis. Les Gaulois prirent auffi-tôt la fuite; & ce fut là ce qui acheva la déroute des Romains. Comme ils étoient investis de toutes parts, & obligés de faire face en tous fens, en- Romains, viron dix mille hommes réfolurent, voyant qu'ils ne pouvoient fe fauver autrement, de s'ouvrir un chemin à travers le centre de l'armée ennemie, compofé des Africains & des troupes auxiliaires des Gaulois. Et en effet ils percerent malgré eux, après en avoir fait un grand carnage. Mais ne pouvant paffer la riviere pour retourner dans leur camp, ni diftinguer, à caufe de la pluye, de quel côté ils porteroient du fecours à leurs compagnons, ils s'en allerent tout d'une traite jufqu'à Plaifance. Depuis ce temps-là, plufieurs autres, à leur exemple, fe firent un paffage au milieu des ennemis. Ceux qui prirent leur route du côté du fleuve, furent ou engloutis dans fes gouffres, ou opprimés par les Carthaginois, dans le temps qu'ils hé fitoient à s'y jetter. Quelques-uns s'étant dispersés par la campagne, fe ren

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