fer de facrifier des beautés qu'il eft impoffible de rendre en notre langue, mais que l'on compenfe par les équivalents qu'elle fournit. Il eft même à propos dans certains cas d'adoucir, de changer, de tranfpofer, ou même de fupprimer entierement des idées acceffoires, qui n'auroient aucun agrément en François, fi on les préfentoit telles qu'elles font dans le Latin. Par là, loin de défigurer fon original, on le pare: on ne lui fait rien perdre de fon caractere & de fon génie, finon qu'on l'habille à la Françoife. Car de toutes les regles, une des plus effentielles, à mon avis, c'eft d'écrire fans affectation & fans contrainte, de façon qu'il paroiffe au lecteur que l'ouvrage a été com pofé originairement en François. Mais pour réuffir dans ce travail, il faut encore connoître à fond les propriétés des deux langues. Celui qui n'eft verfé que dans l'une ou

dans l'autre, ne sçauroit jamais donner une bonne traduction. J'ajoute que le ftile historique doit être fimple fans baffeffe, élevé fans enflure, nombreux même jufqu'à un certain point, coulant, naturel, affez approchant de la converfation des gens qui ont l'efprit orné; enfin également éloigné de la diction pompeufe & prefque théâtrale de quelques écrivains modernes, & de l'expreffion enjouée, &, peu s'en faut, galante & romanefque de quelques autres.

HISTOIRE

DE LA

SECONDE GUERRE

DE CARTHAGE

LIVRE PREMIER.

SOMMAIRE.

Annibal paffe en Espagne. Il attaque Sagonte contre la foi d'un traité, & prend cette ville alliée du peuple Romain, & la ruine. Les Romains envoyent des Ambaffadeurs aux Carthaginois pour fe plaindre de cette infraction & fur le refus qu'ils font de donner fatisfaction, leur déclarent la guerre. Annibal paffe les Pyrenées ; & traverfant la Gaule, malgré les peuples de cette nation qui s'opposent à lui, il arriTom. I.

A

ve au pié des Alpes. Il paffe ces montagnes avec des peines & des fatigues inconcevables, de la part des lieux & des habitans, qu'il eft fouvent obligé de combattre. Il entre en Italie, & défait les Romains auprès du Thefin, dans un combat de Cavallerie. C'eft dans cette action que Pub. Scipion qui commandoit les Romains, eft bleffé & tiré du danger par fon fils âgé alors de 15 ans, celui-là même qui depuis fut furnommé l'Africain. Annibal bat une feconde fois les Romains auprès de Trebie, & fouffre infiniment lui & fon armée au paffage de l'Apennin. Cn. Cornelius Scipion défait les Carthaginois en Efpagne, & fait Hemnon leur Général prifonnier.

U

OIQUE ce ne foit ici qu'une partie & une fuite de mon Ouvrage, il me doit cependant être permis d'affurer, comme font la plûpart dés Auteurs dans la Préface qu'ils mettent à la tête de leur Hiftoire, que la Guerre que j'entreprens d'écrire, & que le peuple Romain foutint pendant 16 ans contre les Carthaginois commanpar Annibal, eft la plus mémora

dés