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La droite, qui a si longtemps sontenu le Président de la République sur une foule de questions, commence à se fatiguer de la domination absolue qu'il cherche trop souvent à exercer. Il semble même y avoir quelque rupture actuellement; car M. Thiers n'a pas suffisamment ménagé les intérêts monarchiques, et a même répondu dernièrement à une députation de la droite qu'il n'avait en vue que l'établissement de la république sur des bâses solides.

Parmi les questions qui ont soulevé à la Chambre les discussions et les récriminations les plus passionnées se trouve celle relative à la réorganisation de l'armée. En vertu de la nouvelle loi tout Français devra dorénavant le service militaire personnel; il pourra être appelé depuis l'âge de vingt ans jusqu'à l'âge de quarante ans à faire partie de l'armée active et des réserves; et le remplacement sera radicalement supprimé. L'article sur la durée du service actif a servi d'objectif à une véritable bataille oratoire. Le gouvernement demandait que la durée du service fut fixée à cinq ans. M. Thiers eut à déployer toutes les ressources de son éloquence pour faire triompher cette mesure et faire tomber les deux amendements qui ont été mis sur le tapis, dont l'un fixait la durée du service à trois ans et l'autre à quatre. Il a failli subir un échec complet, et il l'eût probablement subi s'il n'eut employé le moyen magique auquel il a recours dans les moments de suprême danger: celui d'offrir sa résignation. Et la résignation de Mr. Thiers n'ouvre-t-elle pas la porte aux ambitions insatiables des partis et peut-être même à la guerre civile ? Voilà ce qu'on se disait et la chambre a fait acte de soumission ou plutôt de résignation.

Dans le cours de ces débats sur la réorganisation de l'armée, l'illustre évêque d'Orléans a plaidé avec succès l'intérêt moral et religieux de la France avec tout le talent, toute la vivacité et tout le feu patriotique qu'on lui connait. Nos lecteurs ont déjà lu plus haut cet admirable discours.

Pauvre Espagne! Toujours la guerre, toujours un changement de ministère à chacune de ses évolutions. Le ministère du maréchal Serrano, qui représentait les Unionistes, vient de crouler: progressistes, républicains, Alphonsistes, radicaux, Carlistes et tous les autres partis ont applaudi à sa chûte. Après avoir tour-à-tour joué aux rôles il a fini par tomber en défaveur. Un nouveau cabinet a été formé et il se compose comme suit:Donkinz Zorilla, président du conseil ; general Fernandez de Cordoba, ministre de la guerre par interim; Mr. Béranger, ministre de la marine; Gomez, ministre des finances; Echegaraz, ministre des travaux publics; Casset, ministre des colonies; Martos, ministre des affaires étrangères, et par interim de l'intérieur.

Voilà le roi Amédé entre les mains du parti radical dont Zorilla est le chef. Et depuis dix sept mois qu'il siége sur le trône, voilà qu'il a vu se former successivement huit nouveaux ministères. Assurément son règne ne pourra compter autant de lustres que de ministères.

Le mouvement carliste ne semble pas en voie de se terminer. Tous les jours il semble gagner du terrain militairement. Des recrues arrivent éparsées de tous les points du pays sans organisation aucune, pour se ranger sous le drapeau Don Carlos. Elles forment les cadres dans les défilés etsur les sommets des montagnes et s'en vont incontinent livrer bataille aux Amédéistes, guerre de surprise et d'embuscade. Elles s'avancent aux cris de vive Charles VII! Vive le Pape! A bas le fils de l'excommunié!

Don Carlos se pose en légitime revendicateur de la couronne d'Espagne, en défenseur des véritables institutions monarchiques et en protecteur des droits et des intérêts catholiques. Un tel programme a suffi pour lui rallier un grand nombre de sympathies: Il en gagne tous les jours, car après tout la royauté du fils de Victor Emmanuel est une royauté sans racines et d'importation étrangère. Et la fierté des Espagnols ne saurait s'accommoder longtemps d'un tel roi qui n'appartient pas à leur nation.

Les difficultés de l'Alabama marchent à grands pas vers une solution définitive. La Cour arbitrale de Genève a coupé court aux contestations soulevées sur la question des dommages indirects. Voici comment se trouve conçue une dépêche télégraphique de Genève en date du 27 Juin dernier Le tribunal a déclaré que les réclamations de la nature de celles présentées par les Etats-Unis ne peuvent être admises comme sujet de dédommagement entre les deux nations; aux Etats-Unis incombe la responsabilité d'avoir introduit ces réclamations devant la Cour qui les écarte solennellement. Les Etats-Unis acceptant ce jugement comme l'opinion valide et inattaquable de la Cour arbitrale, les agents britanniques déposent formellement l'argument britannique. Ainsi, ce point étant règlé à la satisfaction mutuelle, rien ne s'oppose plus à l'examen du cas de l'Alabama.

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Des déclarations à cet effet par le Comte de Granville à la Chambre des Lords, et par Mr. Gladstone à la Chambre des Communes, ont été reçues avec des salves d'applaudissements répétés. Et, comme il est fort naturel en pareille occurrence, l'attitude énergique et patiente du cabinet Britannique a été louée sur tous les tons.

Aux Etats-Unis cette nouvelle a été accueillie fort stoïquement, mais toutefois sans aucun mécontentement publiquement manifesté. Les Américains sentaient fort bien qu'ils présentaient leurs réclamations indirectes pro forma, et du moment qu'elles se trouvaient élaguées par le tribunal saisi de la question, ils n'avaient plus qu'à se soumettre et attendre le résultat sur la matière réellement en litige.

Lord Lisgar est retourné dans ses foyers. Son départ sera sans nul doute vivement regretté de tout le monde; car il a sû se concilier leur estime et leur sympathie par l'esprit franchement libéral qu'il a manifesté, par le tact avec lequel il a évité de choquer les susceptibilités nationales ou sectionnelles, par la haute intelligence qu'il a déployée dans les affaires de l'Etat.

Si l'on jette un coup-d'œil rétrospectif sur tout ce qui s'est accompli depuis l'établissement du nouveau régime, on voit que le chemin parcouru est immense. Pacifier une Province irritée et prête à se révolter; annexer.deux Provinces nouvelles, Manitoba et la Colombie Anglaise, à force de travail et de prudence politique, sillonner le pays de voies ferrées, ouvrir sur une plus large échelle les écluses du commerce, populariser l'industrie et l'agriculture: voilà quelques-unes des oeuvres saillantes du premier Parlement fédéral du Canada. Si l'on constate avec satisfaction ces résultats, le mérite en vient en grande partie à nos ministres Canadiens dont l'esprit large et les tendances progressives ont été si généreusement secondés par Lord Lisgar.

Aux gouverneurs succèdent les gouverneurs, comme les saisons succèdent aux saisons, comme les flots aux flots. Cette loi de la succession existe dans l'ordre politique comme dans l'ordre naturel. Et voilà comment le pays se trouve doté aujourd'hui d'un nouveau gouverneur après avoir perdu l'ancien. Son Ecellence le très-Honorable Frédérick, Comte de Dufferin, &c., a été reçu au milieu de notre population d'une manière on ne peut plus flatteuse. Les manifestations de joie et les souhaits de bienvenue ont dû lui faire comprendre la haute estime qu'on a conçue de son mérite. On le signale comme un homme aux manières affables et distinguées, d'un talent supérieur et d'esprit généreux en même temps que cultivé. Cela est d'un bon augure, et nul doute qu'il ne conduise la barque de l'Etat avec habileté, avec zèle, avec tact, avec succès.

Le 24 Juin dernier, les Canadiens-Français ont dignement chômé leur fête nationale par tout le pays. Cette fête, comme toujours, a été brillante d'entrain, d'harmonie et de pompe extérieure.

La St. Jean Baptiste n'est pas fêtée dans les grandes villes du BasCanada seulement, mais aussi dans les plus humbles villages, mais aussi sur le territoire de la Rivière-Rouge, et partout où il y a des groupes de nos compatriotes épars sur le continent Américain. Eux aussi, quoique absents du pays, aiment à se rappeler leur nationalité et à montrer par des réjouissances publiques combien ils en sont fiers.

Ce jour là, fidèles à la tradition, nous sentons le besoin de nous compter, de nous affirmer comme peuple, et le feu patriotique qui brûle dans les âmes se manifeste avec plus d'éclat.

Signalons, en fermant cette chronique, la fin de l'année scolaire. Après avoir jeté un rapide coup-d'œil sur quelques-uns des événements multiples qui agitent le monde, il fait bon d'accorder un regard sympathique à cette nombreuse jeunesse qui puise le bienfait de l'éducation dans nos écoles, couvents et collèges. Là aussi il y a toute une série d'événements qui absorbent l'attention des jeunes esprits avec autant d'intérêt que les grandes questions internationales absorbent l'attention des diplomates. Tout est relatif en ce monde.

Là, combien de cerveaux en travail sont à la recherche des nombreux éléments de la science. Que de pensées vagues avec peine élaborées. Que de grimoires remués par l'écrivain en germe. Que de leçons apprises à la hâte. Que de mémoires récalcitrantes développées à force de persévérance. Et combien souvent tous ces fragments épars d'érudition finissent par former un tout harmoniex.

Mais quand Juillet arrive, adieu les études, Virgile, Homère, thèmes en grec, pensums, exercices réguliers comme les engrenages d'une machine en rotation, et tout la cohue des dieux mythologiques! On s'échappe du sanctuaire de la science comme les oiseaux s'échappent de la volière: c'est le temps de la liberté, des rires triomphants et de la vie intime de la famille. Il faut des vacances aux enfants comme il faut de l'air pur et de l'espace aux oiseaux.

E. PRUD'HOMME.

HISTOIRE DE LA COLONIE FRANÇAISE

EN CANADA.

TROISIEME PARTIE.

LOUIS XIV ENTREPREND LA FONDATION D'UNE COLONIE CATHOLIQUE EN CANADA.

LIVRE PREMIER.

Depuis l'année 1664 jusqu'à la fin du gouvernement de M. de Courcelles, en 1672.

CHAPITRE VI.

ZELE DE LOUIS XIV POUR L'INSTRUCTION DE LA JEUNESSE CANADIENNE.

I.

Le Roi excite M. de Laval à procurer l'éducation de la jeunesse.

En procurant l'augmentation de la colonie, le Roi s'efforçait, autant que le permettaient les circonstances, de favoriser et de multiplier les moyens d'éducation et d'instruction pour les enfants, en appuyant de son autorité, ou en aidant, par ses largesses, les personnes, qui s'étaient volontairement dévouées à cette œuvre capitale. Il écrivait à M. de Laval, le 9 avril 1667 "Comme j'ai été informé des soins continuels que vous apportez pour vous bien acquitter des fonctions épiscopales, et pour maintenir les peuples dans leur devoir envers Dieu et envers moi, par la bonne éducation que vous donnez et faites donner aux enfants: je vous écris cette lettre, pour vous témoigner le gré que je vous en fais, et vous exhorter de continuer une conduite si bonne et si salutaire." De son côté, Colbert écrivait à ce même Prélat, en lui envoyant de la part du Roi six mille livres: "Quoique vous fassiez l'une de vos plus importantes occupations de bien faire élever les enfants, permettez-moi, Monsieur, de vous supplier d'en user toujours à leur égard avec la même bonté que vous avez fait jusqu'ici parce qu'il est certain que c'est le meilleur moyen de bien policer la colonie, et d'y former des gens capables de servir Dieu et le Prince, dans toutes les professions différentes où ils se trouveront engagés, pendant le cours de leur vie."

II.

Zèle efficace des Ursulines de Québec pour l'éducation des petites filles.

Ce furent des Religieux, des Religieuses et des Prêtres qui se chargèrent de ce pénible ministère, dès l'origine du pays, par un pur motif de zèle pour l'honneur et la sanctification des familles. On a vu qu'à Québec il existait pour les garçons un commencement de collége, tenu par les PP. Jésuites; et pour les filles Françaises, un pensionnat et des écoles, dirigés par les Religieuses Ursulines, qui rendirent à la colonie naissante les services les plus importants. "Nous avons, écrivait le 9 août 1668 la Mère de l'Incarnation, sept Religieuses de chœur employées, tous les jours, à l'instruction des filles Françaises, sans y comprendre deux Converses, qui sont pour l'extérieur. L'on est fort soigneux, en ce pays, de faire instruire les filles Françaises; et je vous puis assurer, que, s'il n'y avait des Ursulines, pour les élever et les cultiver, elles seraient pires que des sauvages, et dans un danger continuel de leur salut. Trente filles nous donnent ici plus de travail, dans le pensionnat, que soixante ne font en France. Les externes nous en donnent beaucoup; mais nous ne veillons pas sur leurs mœurs, comme si elles étaient en clôture. Elles sont dociles, elles ont l'esprit bon, sont fermes dans le bien, quand elles le connaissent. Comme plusieurs ne sont pensionnaires que pour peu de temps, il faut que les maîtresses s'appliquent fortement à leur éducation, et qu'elles leur apprennent quelquefois, dans un an, à lire, à écrire: ajoutez encore les prières, les mœurs chrétiennes, et tout ce qu'une fille doit savoir. Il y en a que les parents nous laissent, jusqu'à ce qu'elles soient en âge d'être pourvues, soit pour le monde, soit pour la religion. Nous en avons huit, tant professes que novices, qui n'ont pas voulu retourner au monde, et qui sont très-bien, ayant été élevées dans une grande innocence. Nous en avons encore qui ne veulent point retourner chez leurs parents, se trouvant bien dans la maison de Dieu. L'on nous en donne pour les disposer à leur première communion, et qui passent, à cet effet, deux ou trois mois dans le Séminaire. Nos RR. PP. et Monseigneur notre Prélat sont ravis de l'éducation que nous donnons à la jeunesse ; ils font communier nos filles, dès l'âge de huit ans, les trouvant autant instruites qu'elles le peuvent être."

III.

Jeanne Le Ber, élevée par les Ursulines.

L'année 1668, les Religieuses Ursulines avaient treize filles Françaises dans leur pensionnat; et parmi celles qui furent élevées vers ce temps, nous devons surtout nommer Jeanne Le Ber de Villemarie, fille de M. Jacques Le Ber, déjà nommé dans cette histoire. Si l'on doit juger de la bonté d'un arbre par celle de ses fruits, et de l'habileté des institutrices par l'excellence des élèves qu'elles forment, le plus digne éloge que l'on puisse faire des Religieuses Ursulines de Québec, dans le grand art d'é

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