Seigneur (1). Ne faisons pas à Dieu, mes frères, l'injure de douter de sa bonté, ou de sa puissance ou de sa fidélité. C'est à ce défaut de confiance qu'il faut attribuer en partie le peu de succès de nos demandes. Si vous aviez la foi, dit Jésus-Christ, c'est-à-dire la confiance, vous commanderiez à cette montagne d'aller se jeter à la mer, et elle irait (2). C'est à la foi que ce bon Maître accordait les guérisons qu'on lui demandait. Allez, votre foi vous a sauvée, disait-il, qu'il vous soit fait comme vous avez cru (3). Cette confiance honore Dieu, elle va jusqu'à son cœur, et elle nous obtient infailliblement ce que nous demandons, si toutefois nous le demandons avec ferveur, c'est-à-dire avec l'attention de l'esprit et la dévotion du cœur. Il faut d'abord être attentifs à ce que nous disons et penser à celui à qui nous adressons la parole. C'est ce défaut d'attention qui rend la plupart de nos Prières si défectueuses. A peine avons-nous commencé à prier que notre esprit se dissipe, mille pensées étrangères viennent remplir notre imagination; nous ne savons bientôt plus où nous en sommes. Ces distractions sont un effet de notre faiblesse et de la malice du démon. Mais consolons-nous, mes frères, ce ne sont des péchés qu'autant qu'elles sont volontaires, soit dans leur cause, quand nous y donnons volontairement occasion, soit en elles-mêmes, quand nous ne les rejetons pas aussitôt que nous nous en apercevons. Si donc nous avons soin de nous préparer avant la Prière, si dès que nous remarquons que nous sommes distraits, nous faisons nos efforts pour nous rappeler la sainte présence de Dieu, bien loin de pécher, nous acquérons de grands mérites pour le ciel. Ainsi quand nous avons des distractions dans nos Prières, il ne faut pas nous troubler, ni recommencer pour cela, il suffit de nous humilier devant Dieu, de nous recueillir et de continuer sans inquiétude. Cependant presque toutes nos distractions sont des péchés, parce que nous n'employons aucune vigilance ni pour les prévenir, ni pour les éloigner. Notre vie n'est qu'une distraction continuelle, nous ne pensons pas non plus à nous préparer; comment avec de telles dispositions pouvoir prier attentivement? Appliquons-nous davantage, mes frères; songeons que c'est à Dieu que nous parlons, à Dieu qui nous entend et qui nous voit, à ce grand Dieu dont la majesté remplit le ciel et la terre et dont les regards font trembler les colonnes du firmament; et que nous traitons avec lui l'affaire qui nous intéresse le plus, l'affaire de notre éternité. A l'attention de l'esprit il faut joindre la dévotion du cœur, c'est-à-dire que nous devons avoir un vrai désir d'honorer Dieu et d'obtenir ce que nous lui demandons : il faut que le cœur s'élève vers Dieu par ses affections et qu'il soupire dans le désir d'être exaucé. A l'intelligence de l'esprit, dit l'Apôtre, je joindrai la dévotion du cœur quand je m'adresserai à Dieu par la prière (4). Sans la dévotion, la Prière n'est plus qu'un froid entretien qui ne touchera jamais le cœur de Dieu. Craignez la routine que prennent tant de personnes qui prient sans penser à ce qu'elles disen't, sans rien demander au Seigneur; ce sont des formules qu'elles récitent sans que le cœur y ait la moindre part. Quelles gràees peut-on obtenir avec de telles Prières? Faut-il s'étonner dès lors que nous soyons toujours si misérables, et que nous fassions si peu de progrès dans la vertu? Nous ne prions pas; demandons et nous recevrons. La quatrième condition que doit avoir la Prière pour être efficace, c'est la persévérance. Il ne faut jamais se rebuter, ni cesser de prier jusqu'à ce qu'on ait obtenu ce (4)4 Cor., 14. qu'on demande. Le Seigneur diffère quelquefois d'exaucer nos vœux, pour exciter notre foi, notre ferveur, et nous accorder ensuite ses grâces avec plus d'abondance. Les deux paraboles que Notre-Seigneur rapporte dans l'Évangile,et que je vous ai déjà citées, nous prouvent bien qu'une Prière persévérante est toujours exaucée. Cet homme qui va demander un service à son voisin pendant la nuit et qui ne l'obtient que par ses importunités; cette veuve qui, par ses sollicitations réitérées, obtient enfin justice d'un juge inique, nous prouvent que nous ne nous adresserons jamais en vain au meilleur des pères, si nous le prions avec persévérance. Un des plus beaux exemples de la Prière que nous fournit le saint Évangile; c'est celui de la Cananéenne. Cette femme avait une fille possédée du démon; elle demande à grands cris que Jésus la délivre, mais le Seigneur feint de ne pas l'entendre. Alors elle crie encore plus fort, au point de fatiguer les disciples; elle s'approche elle-même, elle adore Jésus, en lui disant : Seigneur, secourez-moi. Mais Jésus, voulant faire éclater la foi de cette femme, semble la rebuter, et se servant de la plus humiliante comparaison, il n'est pas bon, dit-il, de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens. La Cananéenne ne se décourage pas encore, elle adopte la comparaison, elle prend Jésus-Christ par ses propres paroles: Il est vrai, Seigneur, répond-elle avec les sentiments de la plus profonde humilité, mais les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Voyez, mes frères, quelle foi! quelle confiance! quelle humilité! et quelle persévérance! Une telle prière devait pénétrer jusqu'au cœur de Jésus; elle fut en effet exaucée. O femme, s'écria le Seigneur, votre foi est grande; qu'il vous soit fait comme vous le voulez; et sa fille fut guérie à l'heure même (1). (1) Mat., 15, Enfin il faut prier au nom de Jésus-Christ. Nous ne méritons pas par nous-mêmes d'être exaucés. Si Dieu nous accorde des grâces, ce n'est qu'en considération de JésusChrist et en vue de ses mérites. Cet aimable Sauveur nous recommande d'employer toujours sa médiation, si nous voulons que nos Prières soient écoutées favorablement. En vérité, dit-il, si vous demandez quelque chose à mon Père, en mon nom, il vous l'accordera (1). Et ailleurs : Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, je le ferai (2). Nous voyons l'Eglise, fidèle aux instructions de son divin Époux, terminer toutes ses oraisons par ces mots par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ce qui nous fait souvenir que nos Prières et toutes nos actions doivent être unies à celles de Jésus-Christ, si nous voulons qu'elles lui soient agréables et méritoires pour nous. En considérant attentivement de quelle manière nous prions, n'avons-nous pas grand sujet de nous humilier devant Dieu! Hélas, mes frères, que nous nous acquittons mal de ce grand et indispensable précepte de la Prière ! Nous avons presque tous contracté la funeste habitude de prier sans préparation, sans attention, sans dévotion. Il faut qu'un malheur temporel nous menace, ou qu'il nous soit arrivé quelque fâcheux accident pour réveiller notre ferveur nous prions seulement alors, parce que nous sommes touchés de ces maux. Prions de même dans ce qui a rapport au salut, mes frères, la chose en mérite bien la peine. Demandons à Dieu de grandes grâces; il est toujours disposé à nous les accorder, pourvu que nous les lui demandions avec foi, avec confiance, avec humilité, avec ferveur et avec persévérance. Demandons surtout le bonheur de voir et de posséder Dieu dans le paradis, et nous l'obtiendrons. Cette recommandation du grand Apôtre nous est bien nécessaire, mes frères, nous dont les besoins sont si grands et si multipliés, nous qui ne pouvons rien par nous-mêmes et qui attendons tout de la bonté du Seigneur. Soyons dociles à cet avis qui nous vient du ciel, prions avec instance, frappons sans cesse à la porte de la divine miséricorde, et elle s'ouvrira pour nous. Mais n'oublions pas que pour être agréables à Dieu et pour mériter d'être exaucées, nos Prières doivent être faites avec foi et confiance, respect et humilité, ferveur et persévérance. Souvenons-nous qu'une Prière accompagnée de ces dispositions nous obtient toujours des grâces abondantes conformes à nos besoins et aux desseins de Dieu sur nous, et qu'au contraire une Prière faite sans attention ni dévotion irrite le Seigneur et attire sur nous ses châtiments. Ces considérations doivent nécessairement nous faire prendre la résolution de nous appliquer à la Prière, et d'employer tous les moyens possibles pour nous acquitter saintement d'une obligation si étroite que Dieu nous impose, et de laquelle dépend en quelque sorte notre salut. Mais quand sommes-nous obligés de prier? et de combien de manières pouvons-nous prier? C'est à quoi je vais répondre dans cette instruction. Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit qu'il faut toujours prier et ne jamais cesser (1). Mais comment toujours prier? (1) Luc, 18. |