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rallumer, s'il se peut en eux, le feu de la charité que vos inimitiés ont éteint: pourquoi raffiner davantage? Grâce à la miséricorde divine, la piété chrétienne ne dépend pas des inventions de l'esprit humain; et pour vivre selon Dieu en simplicité, le chrétien n'a pas besoin d'une grande étude, ni d'un grand appareil de littérature: « Peu de choses lui » suffisent, dit Tertullien, pour connoître de la vé>> rité ce qu'il lui en faut pour se conduire ». Christiano paucis ad scientiam veritatis opus est (1).

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Qui nous a donc produit tant de doutes, tant de fausses subtilités, tant de dangereux adoucissemens sur la doctrine des mœurs, si ce n'est que nous voulons tromper et être trompés? De là tant de questions et tant d'incidens qui raffinent sur les chicanes et les détours du barreau. Vous avez dépouillé cet homme pauvre, pauvre, et vous êtes devenu un grand fleuve engloutissant les petits ruisseaux ; mais vous ne savez pas par quels moyens, ni je ne me soucie de le pénétrer soit que ce soit en levant les bondes des digues, soit par quelque machine plus délicate; enfin vous avez mis cet étang à sec, et il vous redemande ses eaux. Que m'importe, ô grande rivière, qui regorges de toutes parts, en quelle manière et par quels détours ses eaux ont coulé en ton sein! je vois qu'il est desséché, et que vous l'avez dépouillé de son peu de bien. Mais il y a ici des questions, et sans doute, des questions importantes; tout cela pour obscurcir la vérité. C'est pourquoi saint Augustin a raison de comparer ceux qui les forment à des hommes «< qui soufflent sur de la poussière, et

(1) De Anim. n. 2.

» se jettent de la terre aux yeux » : Suflantes in pulverem, et excitantes terram in oculos suos (1). Et quoi, vous étiez dans le grand chemin de la charité chrétienne, la voie vous paroissoit toute droite, et vous avez soufflé sur la terre! mille vaines contentions, mille questions de néant se sont excitées, qui ont troublé votre vue comme une poussière importune, et vous ne pouvez plus vous conduire : un nuage vous couvre la vérité, vous ne la voyez qu'à demi.

Mais c'en est assez, chrétiens, pour convaincre leur mauvaise vie. Car encore que nous tournions le dos au soleil, et que nous tâchions par ce moyen de nous envelopper dans notre ombre, les rayons qui viennent de part et d'autre nous donnent toujours assez de lumière. Encore que nous détournions nos visages de peur que la vérité ne nous éclaire de front, elle envoie par les côtés assez de lumière pour nous empêcher de 'nous méconnoître. Accourez ici, amour-propre, avec tous vos noms, toutes vos couleurs, tout votre art, et tout votre fard, venez peindre nos actions, venez colorer nos vices ne nous donnez point de ce fard grossier qui trompe les yeux des autres; déguisez-nous si délicatement et si finement, que nous ne nous connoissions plus nous-mêmes.

Je n'aurois jamais fait, Messieurs, si j'entreprenois aujourd'hui de vous raconter tous les artifices. par lesquels l'amour - propre nous cache à nousmêmes, en nous donnant de faux jours, en nous faisant prendre le change, en détournant notre at(1) Conf. lib. x11, cap. XVI, tom. 1, col. 216.

tention, ou en charmant notre vue. Disons quelques-unes de ses finesses; mais donnons en même temps une règle sûre pour en découvrir la malice. Vous allez voir, chrétiens, comment il nous persuade premièrement que nous sommes bien convertis, quoique l'amour du monde règne encore en nous; et pour nous pousser plus avant, que nous sommes zélés, quoique nous ne soyons pas même charitables.

Voici comme il s'y prend pour nous convertir : prêtez l'oreille, Messieurs, et écoutez les belles conversions que fait l'amour - propre. Il y a presque toujours en nous quelque commencement imparfait et quelque désir de vertu, dont l'amour-propre relève le prix, et qu'il fait passer pour la vertu même : c'est ainsi qu'il commence à nous convertir. Mais il faut s'affliger de ses crimes; il trouvera le secret de nous donner de la componction. Nous serions bien malheureux, chrétiens, si le péché n'avoit pas ses temps de dégoût, aussi bien que toutes nos autres occupations. Ou le chagrin ou la plénitude fait qu'il nous déplaît quelquefois : c'est la contrition que fait l'amour-propre. Bien plus j'ai appris du grand saint Grégoire (1), que comme Dieu, dans la profondeur de ses miséricordes, laisse quelquefois dans ses serviteurs des désirs imparfaits du mal, pour les enraciner dans l'humilité; aussi l'ennemi de notre salut, dans la profondeur de ses malices, laisse naître souvent dans les siens un amour imparfait de la justice, qui ne sert qu'à les enfler par la vanité : ceux-là se croient de grands pécheurs, ceux-ci se persuadent

(1) Pastor. 111. part. cap. xxx, tom. 11,

col.

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souvent qu'ils sont de grands saints. Ainsi le malheureux Balaam admirant les tabernacles des justes, s'écrie, tout touché, ce semble : « Que mon ame » meure de la mort des justes (1) » : est-il rien de plus pieux? Mais après avoir prononcé leur mort bienheureuse, le même donne aussitôt des conseils pernicieux contre leur vie. Ce sont les profondeurs de Satan, comme les appelle saint Jean dans l'Apocalypse, altitudines Satanæ (2); mais il fait jouer pour cela les ressorts délicats de notre amour-propre. C'est lui qui fait passer ces dégoûts, qui viennent ou de chagrin ou d'humeur, pour la componction véritable, et des désirs, qui semblent sincères, pour des résolutions déterminées.. Mais je veux encore vous accorder que le désir peut être sincère mais ce sera toujours un désir, et non une résolution déterminée, c'est-à-dire, ce sera toujours une fleur, mais ce ne sera jamais un fruit, et c'est ce que Jésus-Christ cherche sur ses arbres.

Pour nous détromper, chrétiens, des tromperies de notre amour-propre, la règle est de nous juger par les œuvres. C'est la seule règle infaillible, parce que c'est la seule que Dieu nous donne : il s'est réservé de juger les cœurs par leurs dispositions intérieures, et il ne s'y trompe jamais : il nous a donné les œuvres, comme la marque pour nous reconnoître; c'est la seule qui ne trompe pas. Si votre vie est changée, c'est le sceau de la conversion de votre cœur. Mais prenez garde encore en ce lieu aux subtilités de l'amourpropre : prenez garde qu'il ne change un vice en un − (2) Apoc. 11. 24.

(1) Num. XXIII. 10. —

autre, et non pas le vice en vertu; que l'amour du monde ne règne en vous sous un autre titre; que ce tyran, au lieu de remettre le trône à Jésus-Christ le légitime Seigneur, n'ait laissé un successeur de sa race, enfant aussi bien que lui de la même convoitise. Venez à l'épreuve des œuvres; mais ne vous contentez pas de quelques aumônes, ni de quelque demi-restitution. Ces œuvres dont nous parlons, qui sont le sceau de la conversion, doivent être des œuvres pleines devant Dieu, comme parle l'Ecriture sainte Non invenio opera tua plena coram Deo meo (1): « Je ne trouve point vos œuvres pleines » devant mon Dieu » : c'est-à-dire qu'elles doivent embrasser toute l'étendue de la justice chrétienne et évangélique.

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Après vous avoir montré de quelle sorte l'amourpropre convertit les hommes, je vous ai promis de vous dire comment il fait semblant d'allumer leur zèle. Je l'expliquerai en un mot; c'est qu'il est naturel à l'homme de vouloir tout régler, excepté luimême. Un tableau qui n'est pas posé en sa place choque la justesse de notre vue; nous ne souffrons rien au prochain, nous n'avons de la facilité ni de l'indulgence pour aucune faute des autres. Ce grand déréglement vient d'un bon principe; c'est qu'il y a en nous un amour de l'ordre et de la justice qui nous est donné pour nous conduire. Cette inclination est si forte, qu'elle ne peut demeurer inutile: c'est pourquoi si nous ne l'occupons au dedans de nous, elle s'amuse au dehors; elle se tourne à régler (1) Apoc. 111. 2.

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