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IV.E SERMON

POUR

LE DIMANCHE DES RAMEAUX,

PRECHÉ DEVANT LE ROI

SUR LA JUSTICE.

Origine de la justice parmi les hommes. Devoirs communs qu'elle impose à tous : devoirs particuliers qu'elle prescrit à ceux qui ont en main l'autorité publique. Désordres presque universels que l'intérêt propre cause dans le monde. Soins et précautions que les hommes et surtout les grands sont obligés de prendre pour bien connoître la vérité. Charité et condescendance que nous devons avoir les uns pour les autres. Clémence que les princes doivent faire paroître dans l'exercice de la justice et dans le soulagement de la misère.

Exulta satis, filia Sion; jubila, filia Jerusalem : ecce Rex tuus venit tibi justus et salvator.

Réjouissez-vous, ó Jérusalem : votre Roi juste et sauveur vient à vous. Zach. Ix. 9.

La prophétie que j'ai récitée, se rapporte manifestement à l'entrée que fait aujourd'hui le Sauveur des ames dans la ville de Jérusalem. Le prophète, pour célébrer dignement le triomphe de ce roi de

gloire, lui donne ces deux grands éloges, qu'il est juste, et qu'il est sauveur; c'est-à-dire qu'il unit ensemble, pour l'éternelle félicité du genre humain, ces deux qualités vraiment royales, ou plutôt vraiment divines, la justice et la bonté.

Au bruit des acclamations que fait retentir le peuple juif en l'honneur de ce Roi juste et sauveur, je me sens invité, Messieurs, à vous parler en ce jour de ce puissant appui des choses humaines, je veux dire la justice; et de vous la faire voir, comme elle doit être, avec le nécessaire tempérament de la bonté et de la clémence.

De tous les sujets que j'ai traités, celui-ci me paroît le plus profitable; mais je ne puis vous dissimuler qu'il m'étonne par son importance, et m'accable presque de son poids : car encore que la justice soit nécessaire à tous les hommes, dont elle doit faire la loi immuable, il est vrai qu'elle enferme en particulier les principales obligations des personnes les plus importantes. Et, Messieurs, je n'ignore pas avec quelle considération, quel respect et quelle crainte on doit non-seulement traiter, mais encore regarder tout ce qui les touche, même de loin et en général. Mais, Sire, votre présence, qui devroit m'étonner dans ce discours, me rassure et m'encourage. Pendant que toute l'Europe admire votre justice, et qu'elle est le plus ferme fondement sur lequel le monde se repose, vos sujets ne connoîtroient pas le bonheur qu'ils ont d'être nés sous votre empire, s'ils appréhendoient de parler devant leur Monarque d'une vertu qui fait sa gloire, aussi bien que sa plus puissante inclination. Je confesserai toutefois que si j'étois dans

une place en laquelle il me fût permis de régler mes paroles suivant mes désirs, je me satisferois beaucoup davantage en faisant des panégyriques, qu'en proposant des instructions: mais comme le lieu où je suis m'avertit que je dois ma voix toute entière au Saint-Esprit qui m'ouvre la bouche, j'exposerai aujourd'hui non point mes pensées, mais ses préceptes, avec cette secrète satisfaction, qu'en récitant ses divins oracles en qualité de prédicateur, je ne laisserai pas de rendre en mon cœur un hommage profond à votre justice, en qualité de sujet. Mais je m'arrête déjà trop long-temps: affermi par cette pensée, je cours où cet Esprit tout - puissant m'appelle; et je cours premièrement à lui-même, pour lui demander ses lumières par les saintes intercessions de la bienheureuse Vierge. Ave, Maria.

QUAND je nomme la justice, je nomme en même temps le lien sacré de la société humaine, le frein nécessaire de la licence, l'unique fondement du repos, l'équitable tempérament de l'autorité, et le soutien favorable de la sujétion. Quand la justice règne, la foi se trouve dans les traités, la sûreté dans le commerce, la netteté dans les affaires, l'ordre dans la police; la terre est en repos, et le ciel même, pour ainsi dire, nous luit plus agréablement et nous envoie de plus douces influences. La justice est la vertu principale et le commun ornement des personnes publiques et particulières : elle commande dans les uns, elle obéit dans les autres; elle renferme chacun dans ses limites; elle oppose une barrière invincible aux violences et aux entreprises. Et

ce n'est pas sans raison que le Sage lui donne la gloire de soutenir les trônes et d'affermir les empires; puisque en effet elle affermit non- seulement celui des princes sur leurs sujets, mais encore celui de la raison sur les passions, et celui de Dieu sur la raison même : Justitid firmatur solium (1).

Faisons paroître aujourd'hui cette reine des vertus dans cette chaire royale, ou plutôt dans cette chaire évangélique et divine, où Jésus-Christ, qui est appelé par le prophète Joel « le Docteur de la » justice», en enseigne les maximes à tout le monde: Dedit vobis Doctorem justitiæ (2).

Mais si la justice est la reine des vertus morales, elle ne doit point paroître seule : aussi la verrez-vous dans son trône servie et environnée de trois excellentes vertus, que nous pouvons appeler ses principales ministres, la constance, la prudence, et la bonté.

La justice doit être attachée aux règles; autrement elle est inégale dans sa conduite: elle doit connoître le vrai et le faux, dans les faits qu'on lui expose; autrement elle est aveugle dans son application: enfin elle doit se relâcher quelquefois, et donner quelque lieu à l'indulgence; autrement elle est excessive et insupportable dans ses rigueurs. La constance l'affermit dans les règles; la prudence l'éclaire dans les faits; la bonté lui fait supporter les misères et les foiblesses: ainsi la première la soutient, la seconde l'applique, la troisième la tempère; toutes trois la rendent parfaite et accomplie par leur concours. C'est ce que j'espère de vous faire voir dans les trois parties de ce discours.

(1) Prov. XVI. 12. — (2) Joel, 11. 23.

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PREMIER POINT.

Si je voulois remonter jusqu'au principe, il faudroit vous dire, Messieurs, que c'est en Dieu premièrement que se trouve la justice, et que c'est de cette haute origine qu'elle se répand parmi les hommes; sans quoi nous ne pourrions soutenir le nom et la dignité de la justice. C'est là que j'aurois à vous exposer avec le grave Tertullien, que « la divine » bonté ayant fait tant de créatures, la justice di» vine les a ordonnées et rangées chacune en sa place»: Bonitas operata est mundum, justitia modulata est..... Omnia ut bonitas concepit, ita justitia distinxit (1). C'est donc elle, qui, ayant partagé proportionnément ces vastes espaces du monde, y a aussi assigné le lieu convenable aux astres, à la terre, aux élémens, pour s'y reposer ou pour s'y mouvoir, suivant qu'il est ordonné par la loi de l'univers, c'est-à-dire par la sage volonté de Dieu : c'est cette même justice qui a aussi donné à la créature raisonnable ses lois particulières, dont les unes sont naturelles, et les autres, que nous appelons positives, sont faites, ou pour confirmer, ou pour expliquer, ou enfin pour perfectionner les lumières de la nature.

Là il me seroit aisé de vous faire voir que Dieu étant souverainement juste, il gouverne et le monde en général, et le genre humain en particulier par une justice éternelle; et que c'est cette attache immuable qu'il a à ses propres lois, qui fait remarquer dans l'univers un esprit d'uniformité et d'égalité, qui se

(1) Adversùs Marcion. lib. 11. n. 12.

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