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ABRÉGÉ D'UN SERMON

PRÊCHÉ LE MÊME JOUR,

A L'HÔPITAL GÉNÉRAL,

SUR LA NÉCESSITÉ DE L'AUMÔNE.

Comment Jésus-Christ nous donne à la croix la loi de la charité, nous en fait connoître l'esprit, nous en prescrit les effets. Faire l'aumône avec pitié, avec joie, avec soumission; trois choses que JésusChrist crucifié nous apprend. Retranchemens nécessaires pour pourvoir à la subsistance des pauvres.

Semper pauperes habetis vobiscum, et cùm volueritis potestis illis benefacere: me autem non semper habetis.

Vous avez toujours des pauvres parmi vous, et vous leur pouvez faire du bien quand vous voulez : mais pour moi vous ne m'aurez pas toujours. Marc. xiv. 7.

L'EGLISE [nous] appelle à voir Jésus et Marie se perçant de coups mutuels. Comme des miroirs opposés, qui se renvoient mutuellement tout ce qu'ils reçoivent, multiplient leurs objets jusqu'à l'infini; leur douleur s'accroît sans mesure, parce que les flots qu'elle élève se repoussent les uns sur les autres par un flux et reflux continuel. Dessein de l'Eglise de nous exciter à la compassion des souffrances de Jésus par cet objet de pitié. Me sentire vim doloris fac,

ut

ut tecum lugeam (1): « Faites que je sente la viva>> cité de votre douleur, afin que je pleure avec >> vous ». Et l'Eglise de Paris: O passionis mutuæ, Jesu, Maria, conscii, alterna vobis vulnera inferre tandem parcite : « Cessez, ô divins amans, de vous » percer jusqu'à l'infini de coups mutuels : c'est à >> nous qu'est due toute cette amertume, puisqu'elle » est la peine de notre crime. Ah! puisque nous >> confessons que tout le crime est à nous, donnez » une partie de la douleur à ceux qui avouent le >> crime tout entier >> : Quem vos doletis, noster est error furorque criminum : totum scelus fatentibus partem doloris reddite. Mais Jésus après avoir ébranlé nos cœurs par la compassion de ses souffrances, veut appliquer notre pitié sur d'autres objets : il n'en a pas besoin pour lui-même, [il demande que nous la tournions] sur les pauvres; Marie en est la mère. Ave.

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« Jésus étant à Bethanie, dans la maison de Simon » le Lépreux, une femme qui portoit un vase d'al» bâtre, plein d'un parfum de nard d'épi de grand prix, entra lorsqu'il étoit à table, et ayant rompu » le vase, lui répandit le parfum sur la tête. Quel» ques-uns en conçurent de l'indignation en eux» mêmes; et ils disoient : A quoi bon perdre ainsi » ce parfum ? car on pouvoit le vendre plus de trois >> cents deniers, et le donner aux pauvres; et ils » murmuroient fort. Mais Jésus leur dit : Pourquoi >> faites-vous de la peine à cette femme ?... vous avez >> toujours des pauvres parmi vous, et vous leur pou

(1) Pros. Stabat Mater.

BOSSUET. XIII.

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:

» vez faire du bien quand vous voulez mais pour » moi vous ne m'aurez pas toujours (1) ».

Jésus-Christ noùs apprend que, lorsqu'il n'y sera plus, il entend que toutes nos libéralités soient employées au secours des pauvres, ou plutôt dans les pauvres à lui-même : il est en eux; c'est pourquoi il nous les laisse toujours: Pauperes semper habetis. Vous ne m'aurez pas toujours en moi-même, mais vous me posséderez toujours dans les pauvres. Ames saintes, qui désirez me rendre quelque honneur ou quelques services, vous avez sur qui répandre vos parfums, etc. les pauvres; je tiens fait pour moi tout ce que vous faites pour eux.

:

Leçon qu'il nous a donnée peu de jours avant sa mort, et que l'Eglise lit avec l'évangile de sa passion il a toujours parlé pour les pauvres, jamais plus efficacement qu'à sa croix; et c'est qu'il emploie ce qu'il a de plus pressant pour nous exciter à faire l'aumône. [Il nous impose ] la loi de la charité; [ il nous fait connoître ] l'esprit de la charité; [ il nous marque ] l'effet de la charité.

La loi de la charité, c'est l'obligation de la faire; l'esprit de la charité, c'est la manière de l'exercer; l'effet de la charité, c'est que le prochain soit secouru: il fait ces trois choses à la croix. De peur que vous ne croyiez que le devoir de la charité soit peu nécessaire, il en établit l'obligation de peur que vous ne la pratiquiez pas comme il veut, il vous en montre la règle : et de peur que le moyen ne vous manque, il en assigne le fonds. Le croirez-vous, chrétiens, que Jésus-Christ crucifié nous donne à la (1) Marc. xiv. 3, 4, 5, 6, 7.

croix un fonds assuré, pour faire subsister les pau vres? Vous le verrez dans ce discours; ainsi rien ne manque plus à la charité.

Afin qu'elle soit obligatoire, il en pose la loi immuable: afin qu'elle soit ordonnée, il en prescrit la manière certaine : afin qu'elle soit effective, il donne un fonds assuré pour l'entretenir; et tout cela à la croix, comme j'espère vous le faire voir.

PREMIER POINT.

JÉSUS-CHRIST Souffrant [nous donne la ] loi des souffrances : ceux qui ne souffrent pas, quel salut, quelle espérance [peuvent-ils avoir? ] Compatir [ à Jésus-Christ et à ceux qui souffrent.], deux seules sources de grâces. La première, source véritable; la seconde, comme un ruisseau, découle de là: on participe à leurs grâces, en soutenant leurs souffrances.

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Rappelez en votre mémoire, dit l'apôtre, ce pre» mier temps, où après avoir été illuminés par le » baptême, vous avez soutenu de grands combats au » milieu de diverses afflictions, ayant été d'une part » exposés devant tout le monde aux injures et aux >> mauvais traitemens; et de l'autre, ayant été com>pagnons de ceux qui ont souffert de semblables

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indignités car vous avez compati à ceux qui » étoient dans les chaînes, et vous avez vu avec joie >> tous vos biens pillés ». Rememoramini autem pristinos dies in quibus illuminati magnum certamen sustinuistis passionum; et in altero quidem opprobriis et tribulationibus spectaculum facti; in altero autem socii taliter conversantium effecti: nam et

vinctis compassi estis, et rapinam bonorum vestrorum cum gaudio suscepistis (1).

Il les met ensemble [ souffrir, et compatir]; donc ou l'un ou l'autre : car Jésus à la croix a souffert et a exercé la miséricorde; donc, sinon l'un, du moins l'autre : c'est le moindre. Dieu nous met à l'épreuve la plus facile; notre damnation sera donc plus grande. « C'est une chose grande et facile, dit » saint Cyprien, d'obtenir par des œuvres de cha» rité le prix du martyre sans être exposé aux pé>> rils de la persécution, de mériter la couronne » dans le sein de la paix »: Res et grandis et facilis, sine periculo persecutionis, corona pacis (2). « Personne ne sera couronné que celui qui aura » combattu légitimement » Non coronatur, nisi qui legitimè certaverit (3). Il change la loi en faveur de la charité. Ah! ce misérable est aux mains avec la faim, avec la soif, avec le froid, avec le chaud, avec les extrémités les plus cruelles la couronne lui sera bien due; si vous le soulagez, vous y aurez part. Corona pacis, couronne dans la paix, victoire sans combats, prix du martyre sans persécution et sans endurer de violence. Combien est grande cette obligation! il paroît par la miséricorde de JésusChrist miséricorde veut être honorée par la miséricorde. Deux actes de miséricorde celle qui prévient, celle qui suit. Par la première Jésus-Christ achète la nôtre : Soyez miséricordieux comme >> votre Père céleste est miséricordieux »: Estote misericordes sicut et Pater vester misericors est (4).

(1) Heb. x. 32, 33, 34. (2) De Oper. et Eleemos. p. 246. (3) II. Tim. 11. 5. (4) Luc. vi. 36.

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