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» à tous leurs désirs » : Desperantes semetipsos tradiderunt impudicitiæ in operationem immunditiæ omnis (1). Telle est, Messieurs, leur histoire : l'espérance leur fait faire les premiers pas, le désespoir les retient, et les précipite au fond de l'abîme.

Encore qu'ils y soient tombés par leur faute, il ne faut pas toutefois les laisser périr: ayons pitié d'eux, tendons-leur la main; et comme il faut qu'ils s'aident eux-mêmes par un grand effort, s'ils veulent se relever de leur chute; pour leur en donner le courage, ôtons-leur avant toutes choses cette fausse impression, qu'on ne peut vaincre ses inclinations, ni ses habitudes vicieuses; montrons-leur clairement par ce discours que leur conversion est possible.

J'ai appris de saint Augustin (2), qu'afin qu'une entreprise soit possible à l'homme, deux choses lui sont nécessaires : il faut premièrement qu'il ait en lui-même une puissance, une faculté, une vertu proportionnée à l'exécution; et il faut secondement que l'objet lui plaise, à cause que le cœur de l'homme ne pouvant agir sans quelque attrait, on peut dire en un certain sens, que ce qui ne lui plaît pas lui est impossible.

C'est aussi pour ces deux raisons que la plupart des pécheurs endurcis désespèrent de leur conversion; parce que leurs mauvaises habitudes, si souvent victorieuses de leurs bons desseins, leur font croire qu'ils n'ont point de force contre elles et d'ailleurs quand même ils les pourroient vaincre, cette vie sage et composée, qu'on leur propose,

:

(1) Ephes. IV. 19. — (2) De Spirit. et Litter. cap. 111, n. 5, tom. x, col. 87.

leur paroît sans goût, sans attrait et sans aucune douceur; de sorte qu'ils ne se sentent pas assez de courage pour la pouvoir embrasser.

Ils ne considèrent pas, Messieurs, la nature de la grâce chrétienne qui opère dans la pénitence. Elle est forte, dit saint Augustin (1),' et capable de surmonter toutes nos foiblesses; mais sa force, dit le même Père, est dans sa douceur et dans une suavité céleste qui surpasse tous les plaisirs que le monde vante. Madeleine abattue aux pieds de Jésus, fait bien voir que cette grâce est assez puissante pour vaincre les inclinations les plus engageantes; et les larmes qu'elle répand, pour l'avoir perdue, suffisent pour nous faire entendre la douceur qu'elle trouve à la posséder. Ainsi nous pouvons montrer à tous les pécheurs, par l'exemple de cette sainte, s'ils embrassent avec foi et soumission la grâce de la pénitence, ils y trouveront sans aucun doute, et assez de force pour les soutenir, et assez de suavité pour les attirer; et c'est le sujet de ce discours.

que,

PREMIER POINT.

Il n'est que trop vrai, Messieurs, qu'il n'y a point de coupable qui n'ait ses raisons. Les pécheurs n'ont pas assez fait s'ils ne joignent l'audace d'excuser leur faute à celle de la commettre; et comme si c'étoit peu à l'iniquité de nous engager à la suivre, elle nous engage encore à la défendre. Toujours ou quelqu'un nous a entraînés, ou quelque rencontre imprévue nous a engagés contre notre gré; tout autre que nous auroit fait de même : que si nous ne (1) De Sp. et Litt. cap. xxix, n. 51, tom. x, col. 114.

trouvons pas hors de nous sur quoi rejeter notre faute, nous cherchons quelque chose en nous qui ne vienne pas de nous-mêmes, notre humeur, notre inclination, notre naturel. C'est le langage ordinaire de tous les pécheurs, que le prophète Isaïe nous a exprimé bien naïvement dans ces paroles qu'il leur fait dire : « Nous sommes tombés comme des feuilles, » mais c'est que nos iniquités nous ont emportés » comme un vent » Cecidimus quasi folium universi, et iniquitates nostræ quasi ventus abstulerunt nos (1). Ce n'est jamais notre choix, ni notre dépravation volontaire; c'est un vent impétueux qui est survenu, c'est une force majeure, c'est une passion violente à laquelle, quand nous nous sommes laissés dominer long-temps, nous sommes bien aises de croire qu'elle est invincible. Ainsi nous n'avons plus besoin de chercher d'excuse; notre propre crime s'en sert à lui-même, et nous ne trouvons point de moyen plus fort pour notre justification, que l'excès de notre malice.

Si, pour détruire cette vaine excuse, nous reprochons aux pécheurs qu'en donnant un tel ascendant sur nos volontés à nos passions et à nos humeurs, ils ruinent la liberté de l'esprit humain, ils détruisent toute la morale, et que par un étrange renversement ils justifient tous les crimes et condamnent toutes les lois; cette preuve quoique forte n'aura pas l'effet que nous prétendons; parce que c'est peut-être ce qu'ils demandent, que la doctrine des mœurs soit anéantie, et que chacun n'ait de lois ses désirs. Il faut donc les convaincre par d'autres (1) IS. LXIV. 6.

que

raisons, et voici celle de saint Jean-Chrysostôme dans l'une de ses Homélies sur la première épître aux Corinthiens (1).

« Ce qui est absolument impossible à l'homme, » nul péril, nulle appréhension, nulle nécessité ne » le rend possible ». Qu'un ennemi vous poursuive avec un avantage si considérable que vous soyez contraint de prendre la fuite, la crainte qui vous emporte peut bien vous rendre léger et précipiter votre course; mais quelque extrémité qui vous presse, elle ne peut jamais vous donner des ailes dans lesquelles vous trouveriez un secours présent pour vous dérober tout d'un coup à une poursuite si violente; parce que la nécessité peut bien aider nos puissances et nos facultés naturelles, mais non pas en ajouter d'autres. Or est-il que, dans l'ardeur la plus insensée de nos passions, non-seulement une crainte extrême, mais une circonspection modérée, mais la rencontre d'un homme sage, mais une pensée survenue, ou quelque autre dessein nous arrête, et nous fait vaincre notre inclination. Nous savons bien nous contraindre devant les personnes de respect et certes sans recourir à la crainte, celui-là est bien malheureux, qui ne connoît pas par expérience qu'il peut du moins modérer par la raison l'instinct aveugle de son humeur : mais ce qui se peut modérer avec un effort médiocre, sans doute se pourroit dompter si on ramassoit toutes ses forces. Il y a donc en nos ames une faculté supérieure qui étant mise en usage, pourroit réprimer nos inclinations, toute-puissantes quand on se néglige; et si (1) Hom. 11. tom. x, p. 13.

elles sont invincibles, c'est parce qu'on ne se remue pas pour leur résister.

Mais sans chercher bien loin des raisons, je ne veux que la vie de la Cour pour faire voir aux hommes qu'ils se peuvent vaincre. Qu'est-ce que la vie de la Cour? faire céder toutes ses passions au désir d'avancer sa fortune. Qu'est-ce que la vie de la Cour? dissimuler tout ce qui déplaît, et souffrir tout ce qui offense, pour agréer à qui nous voulons. Qu'estce encore que la vie de la Cour? étudier sans cesse la volonté d'autrui, et renoncer pour cela, s'il est nécessaire, à nos plus chères inclinations. Qui ne le fait pas, ne sait point la Cour : qui ne se façonne point à cette souplesse, c'est un esprit rude et maladroit, qui n'est propre ni pour la fortune ni pour le grand monde. Chrétiens, après cette expérience, saint Paul va vous proposer de la part de Dieu une condition bien équitable : Sicut exhibuistis membra vestra servire immunditiæ et iniquitati ad iniquitatem, ita nunc exhibete membra vestra servire justitiæ in sanctificationem (1): « Comme vous vous êtes >> rendus les esclaves de l'iniquité et des désirs sécu» liers, en la même sorte rendez-vous esclaves de » la sainteté et de la justice ».

Reconnoissez, chrétiens, combien on est éloigné d'exiger de vous l'impossible, puisque vous voyez au contraire qu'on ne vous demande que ce que vous faites. Faites, dit-il, pour la justice ce que vous faites pour la vanité; vous vous contraignez pour la vanité, contraignez-vous pour la justice : vous vous êtes tant de fois surmontés vous-mêmes

(1) Rom. VI. 19.

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