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dire, ne l'oublions jamais, la plus volontaire soumission à la loi naturelle, qui n'a pas pour l'homme social d'autre principe et d'autre fin que pour l'homme individuel.

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L'étude de soi a conduit un penseur spiritualiste jusqu'à l'excès à définir l'homme ainsi : une intelligence servie par des organes.

Prenons acte de cette concession. C'est par les organes en effet que l'homme entre en rapport avec le monde extérieur et avec lui-même. De leur flexibilité, de leur délicatesse, disons

de leur liberté plus ou moins grande ("), dépendent principalement la justesse et l'harmonie de ces rapports. Plus les sens sont exquis, plus la vérité nous arrive pure. Une vue myope, une ouïe obtuse, un rude toucher ne transmettent à l'intellect que des perceptions vagues qui engendrent des notions confuses; la qualité et le mouvement du sang exercent sur les opérations du cerveau une influence incontestable ("). La philosophie la plus idéaliste n'essayerait pas de nier que la maladie, les infirmités, la faiblesse ou le trouble des organes, en entravant la communication de l'esprit avec le reste des êtres, ne puissent fausser ou oblitérer les notions les plus indispensables à la vie morale (). L'excès d'un vin capiteux, la morsure d'un chien enragé, un coup à la tête, suffisent à renverser les plus hautes sagesses et transforment un homme de génie en un fou furieux. Sans doute on a vu de grandes âmes (et ce ne fut pas

une faible marque de leur grandeur) triompher d'une constitution débile, Descartes et Spinoza en sont de signalés exemples; mais qui nous dit qu'une part regrettable de leurs forces mentales ne s'est pas vainement usée dans cette lutte sans relâche avec la souffrance? Ce qu'il y eut d'obscur ou d'incomplet dans leurs vues ne serait-il pas imputable à une défaillance de l'appareil nerveux, incapable de soutenir assez longtemps l'esprit dans les régions supérieures? Et, pour ne citer qu'un nom, croit-on que Pascal, ce vaillant athlète de la pensée, ce logicien intrépide, eût jamais fléchi, croit-on qu'il eût jamais consenti à s'abêtir dans une foi aveugle, sans l'épuisement physique où le jetaient les tortures continues d'un mal implacable?

S'il était possible à l'homme de séparer, d'abstraire entièrement son esprit de l'enveloppe matérielle dont il est revêtu, on comprendrait à la rigueur que certaines âmes superbes et

exaltées prissent en dédain cette partie de notre être que nous voyons sujette à tant de maux, exposée à tant de dégoûts, si promptement flétrie, caduque, inclinée vers la terre, où l'attendent les vers et la pourriture. Mais la chair et l'esprit étant ici-bas inséparablement unis dans une mutuelle dépendance, ce mépris, ce dédain qu'on affecte, est contraire au bon sens et à la nature. La doctrine chrétienne l'a enseigné, il est vrai; elle a prononcé un divorce plein de haine entre l'âme et le corps; elle a anathématisé la chair: c'est un des points par lesquels elle a touché l'erreur, erreur assez expliquée du reste par la nécessité des temps. La réaction des idées spiritualistes a été excessive comme toutes les réactions; aussi est-elle tombée dans une inconséquence flagrante, car, tout en déclarant le corps humain abject, haïssable, voué au péché et à la putréfaction, elle se voyait forcée de dire que ce même corps était le temple

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