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ment là où il est au concours, n'aurait-il pas, comme législateur, un droit analogue né de la même supériorité?

On voit jusqu'où portent les exceptions admises par le livre de la Liberté. Au surplus, à chaque page l'exception déborde et crève le principe. L'association, s'écrie M. Mill, droit individuel! droit inviolable et sacré! Puis il y met cette condition qu'elle soit loyale et inoffensive, ce qui ouvre la porte à toute une réglementation, ce qui touche même, dans la pensée de l'auteur, à la liberté des mariages.

On fait ici ce que M. Mill n'a pas fait : le tableau, le relevé sommaire des causes qu'il admet comme suscitant l'action légitime de l'Etat. c'est le système des droits de la Force: vous la voyez défendant aux hommes de faire le mal, les obligeant à faire le bien, protégeant l'enfance, réglant l'association (même conjugale), stimulant les peuples arriérés, enfin assistant ou suppléant les individus. L'auteur de la Liberté tolère cette dernière cause d'intervention officielle. Or, n'oubliez pas qu'elle implique la contrainte; car l'assistance de l'Etat se donne presque toujours avec des finances nées de l'impôt, lequel n'a rien de facultatif. C'est ici le lieu de rappeler cette pensée plus hardie de M. Mill, inscrite dans son ouvrage monumental des Principes d'économie politique. « On peut dire d'une manière générale a que tout ce qu'il est désirable qui soit fait dans

« l'intérêt commun de l'humanité ou des générations <«< futures, ou dans l'intérêt des membres de la so«< ciété qui ont besoin de secours extérieurs, sans être « de nature à rémunérer les particuliers ou les associa« tions qui l'entreprendraient, rentre dans les attribu«<tions du gouvernement. »

C'est ainsi que le publiciste anglais énumère et caractérise l'Etat: il me semble que le signalement est complet et qu'on ne saurait rien y ajouter. Mais. alors pourquoi traiter d'exception un personnage chez lequel on reconnaît des droits et des attributs si abondants, si variés?

Au lieu de prendre l'individu pour unité suprême, puis de le dépouiller pièce à pièce pour construire et armer l'État, on pourrait procéder autrement; on pourrait partir de la société et en stipuler les organes, les fonctions élémentaires, jusqu'au point où se rencontre l'individu avec les qualités d'une force libre et les destinées d'une âme immortelle. Les deux procédés se valent: l'un et l'autre ont une base de fait; la société et l'individu sont deux faits également primitifs et nécessaires. L'individu ne se conçoit pas plus en dehors de la société que la société sans l'individu. Otez ou réduisez l'État, la société va se troubler, se, dissoudre, et le milieu vital fera défaut à l'homme. Il est aussi vrai de dire qu'audessous d'une certaine latitude d'action individuelle, il n'y a plus d'homme. Et cette expression est plus

forte qu'elle n'en a l'air. L'homme s'éteint, traité en machine : il s'éteint dès ici-bas, et de plus je maintiens qu'il ne saurait revivre ailleurs. Qu'est-ce qu'il irait faire dans une autre vie, cet engin passif, cette molécule inerte et asservie, cet être incapable de mérite et de démérite, qui n'a pu gagner dans celleci ni peines ni récompenses?

Ainsi les grandes perspectives périssent sous le communisme qui n'est pas moins qu'un projet de traverser, d'intercepter les conseils de la Providence (1).

M. Mill s'est tenu à bonne distance de ces extrémités; et nos critiques se réduisent à peu de chose.

Sans doute il lui plaît d'exalter, d'affirmer l'individu comme un principe; mais il ne lui est pas loi

(1) Bougainville a vu au Paraguay les sauvages que la Compagnie de Jésus élevait avec un art infini, sous l'étreinte d'une discipline physique et morale qui ne laissait rien échapper de l'homme à aucun moment de sa végétation. On eût dit que ces pauvres gens priaient, labouraient, tissaient, jouaient du violon... peut-être en faisaient-ils quelque chose. Après tout, étaient-ce des hommes? Bougainville leur trouve l'air d'animaux pris au piége: un mot admirable, auprès duquel on ne se pardonnerait pas de faire des phrases. Bougainville ajoute qu'une fois malades ils guérissaient rarement; qu'ils mouraient sans aucune façon de regret, et, je suppose, sans agonie; que rendus à eux-mêmes, lors de la disgrâce des jésuites, ils parurent satisfaits mais surtout étonnés...

Il a été dit maintes fois dans les polémiques de 48 qu'à cette diète la population du Paraguay avait diminué sensiblement. Au fait, à quoi bon transmettre si peu de vie? Ces sauvages n'étaient pas si malavisés : ou plutôt la vie les quittait, quoiqu'ils

sible, doué comme il l'est de pénétration et de bonne foi, de faire un pur système. De là une compréhension du sujet, où apparaît successivement tout ce qui assujétit l'individu. Seulement, M. Mill appelle cela des exceptions. Soit: je ne vais pas lui faire une querelle de mots ni même de méthode. En face d'un horizon immense et confus, il est triomphant de tout voir, de quelque manière qu'on appelle et qu'on arrange les choses, ou même qu'on les hiérarchise. Après tout, l'auteur de la Liberté est dans le vrai, et sa manière d'y parvenir a cela de beau, qu'un livre commencé peut-être comme un système finit comme la vérité et par la vérité.

Un écrivain a toujours sa passion, son tempérament d'esprit. Autrement, est-ce qu'il prendrait la plume? Est-ce qu'il aurait la patience résolue et véhémente d'une composition? Est-ce qu'il irait chercher un grand sujet dans sa brume et dans ses aspérités? Certaines intelligences naissent avec des systèmes des idées, ce n'est pas assez dire. Qu'un homme, avec ce point de départ, conserve les dons

en eussent. L'esprit ne fonctionnant plus décomposait le corps lui-même dans ses instincts et dans ses organes, démontait cette machine complexe que nous sommes, et laissait tomber l'espèce. On sait quelle place tient cette donnée en économie politique : on peut même dire que la population, dès qu'elle se développe, encourt la défaveur de toutes les écoles. Aussi, sur ce que les Jésuites allaient à dépeupler le Paraguay, un communiste de mes amis se récriait avec admiration: Les Jésuites, disait-il, avaient résolu le problème. Ils épuisaient le sujet, voilà tout.

d'une vue perçante, d'un exposé sincère et complet; qu'il reste capable, si ce n'est de reconnaître, au moins de montrer la vérité qu'il ne cherchait pas parce qu'il croyait la tenir... cela lui fait infiniment honneur et mérite tout notre respect.

Arrière la critique qui prend avantage contre lui de quelques lacunes, de quelques imperfections ! une ingrate qui trouve tout illuminé, tout défriché le sujet où elle peut désormais s'avancer et s'orienter à son tour.

Ainsi la doctrine générale de M. Mill, quels qu'en soient les considérants, trop compréhensifs, trop absolus çà et là, de quelque façon plus ou moins méthodique qu'il l'obtienne, de quelque nom plus ou moins justifié qu'il la caractérise, - est irréprochable en ce sens qu'elle contient tous les éléments de la vérité.

Nous avons maintenant à exposer les applications de cette doctrine, et à faire ressortir certains traits. purement britanniques qui n'en sont pas le côté le moins curieux.

X

En fait de thèses particulières, je rencontre tout d'abord une dissertation volumineuse et approfondie sur les droits de la pensée. Il faut remarquer en passant combien la théorie pure de l'Individualisme

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