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rempli; le même nom revit dans vos faftes; les Muses reposent fous le même ombrage.

Tant qu'il y aura des Grands dignes de l'être, jamais les Mufes ne manqueront d'appui. L'amour des Lettres eft, de tous les goûts, le plus naturel aux belles ames: il tient à l'amour de la gloire & à l'amour de l'humanité. Qu'on ne s'étonne donc pas de voir dans tous les fiècles éclairés, & finguliérement dans le nôtre, les Rois, les Peuples fe difputer la poffeffion des hommes de génie. Cet honneur, que plufieurs d'entre vous, MESSIEURS, ont fi modeftement reçu, eft comme un droit acquis aux Hommes éloquens & aux Sages. La nature leur a donné l'empire de l'opinion, leur voix eft celle de la renommée; & de tout le bruit qu'auront fait dans leur tems les plus belles actions des mortels, la. poftérité n'entendra que le témoignage des Gens de Lettres, placés d'âge en âge comme autant d'échos qui retentiffent dans l'avenir. Ce n'eft point, en paffant de bouche en bouche, que les faits, que les noms dignes de mémoire peuvent échappen

aux outrages de la barbarie & du tems. Il faut, pour les en garantir, qu'un Historien vrai les écrive, qu'un digne Orateur les célèbre, qu'un Poëte infpiré les chante, qu'un Philofophe les apprécie. Eux feuls fe foutiennent par eux-mêmes au - deffus du vafte abîme de l'oubli, & rien n'y furnage qu'avec eux & par eux.

Cette vérité, MESSIEURS, fi flatteufe pour les Lettres, femble avoir frappé votre illuftre Fondateur.Tandis qu'occupé des plus grandes vues, il repouffoit la guerre au-dehors, enchaînoit la discorde au-dedans, affermiffoit le trône de fon Roi, & confommoit, à force de courage, de conftance & d'habileté, le grand deffein de ramener l'Etat à l'unité de pouvoir & d'obéiffance; ce Miniftre, à qui la flatterie compare tous ceux qu'elle veut louer, comptoit au nombre de fes projets celui de fonder cette Académie. Il étoit bien jufte qu'après le foin de mériter sa gloire, il n'en eût pas de plus preffant que celui de l'éternifer.

Plus le témoignage des Lettres lui devoit

être avantageux, plus il voulut le rendre impofant; & pour donner aux talens plus d'autorité, il en fit un Corps honorable. I fentit combien il étoit important qu'une claffe d'hommes fur la foi defquels les fiècles fe jugent l'un l'autre, qu'une Société difpenfatrice de la louange & du blâme, & qui donne ou refuse à fon gré la plus belle des récompenfes, la gloire & l'immortalité, eût dans fa conftitution même un caractère de dignité qui lui imposât la loi d'être jufte. C'eft dans cette vue qu'il vous rénnit; & ce fut dès-lors; MESSIEURS, que les Lettres formèrent un état dans l'ordre public; époque mémorable pour elles. Mais leur titre le plus glorieux fut la protection immédiate de nos Rois accordée à l'Académie.

Les Mufes affligées autour du tombeau de Séguier, ne favoient plus quel feroit leur appui. LOUIS XIV les voit, les appelle, leur tend une main triomphante, & les invite à venir s'affeoir au pied du trône, à l'ombre des lauriers. Quelle faveur plus fignalée ! mais auffi quel en sera le prix ! Je n'ai garde

de vouloir honorer les Lettres aux dépens de la renommée de ce grand Roi: il la mérita toute entière. Mais c'étoit aux Lettres à la perpétuer.

En vain la Nature fembloit avoir exprès choisi fon règne & fes Etats, pour y faire naître les arts & le génie dans tous les genres; en vain ce Monarque lui-même, par fon difcernement dans le choix des hommes, par fon habileté dans l'emploi des talens, avoit fu mettre en valeur l'ouvrage de la Nature, & en feconder les efforts; sa mémoire l'eût fuivi de près au tombeau, fi les Lettres ne l'en avoient fauvée. Ce Roi fit fleurir l'Eloquence & la Poéfie; l'Eloquence & la Poéfie le feront revivre à jamais; & le marbre & l'airain qui nous le rappellent, feront réduits en poudre, lorfque les écrits. où fa gloire eft vivante feront l'entretien & l'admiration de tous les peuples de P'univers.

Oublions toutefois l'intérêt qu'ont eu les grands hommes à protéger les Lettres, & p'en confidérons que le charme & l'attrait.

Quelle jouiffance plus douce pour celui qui les encourage, que de développer les germes du génie? La Nature a-t-elle des productions plus rares? Eft-il un fpectacle plus digne d'une ame élevée & fenfible, que de voir la Poéfie animer ses tableaux, l'Eloquence déployer fes refforts, l'Hiftoire percer la nuit des tems, la Philofophie lever le voile de la Nature, de nouvelles générations d'idées éclorre du fein d'un petit nombre d'hommes, & fe répandre dans tous les efprits? Les Lettres, fous ce point de vue, peuvent-elles ne pas attacher les regards des Rois, des Héros & des Sages?

Mais c'eft à ceux mêmes qui cultivent les Lettres que le commerce en eft précieux.. Que ne puis-je en exprimer l'avantage comme je le fens! Que ne puis-je avec tous les vrais citoyens de la république littéraire voir ce qu'ils ont tant fouhaité, la Concorde étouffer l'Envie! Non, ce n'est point un vœu chimérique. L'amitié, ce lien des cœurs, eft des dons du ciel le plus rare : il l'eft 'parmi les Gens de Lettres, comme il

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