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Oui, le monde eft tel à-peu-près
Que vous en tracez la peinture:
L'art doit caufer peu de regrets
A qui jouit de la Nature.

Elle a de fublimes erreurs ;
Et l'Art n'a que de vains caprices.
Elle eft fi belle en fes horreurs!
Et l'Art eft fi laid dans fes vices !
Croyez-moi, vos renards, vos loups,
Sont bien moins cruels que les nôtres;
Et nos chiens, foit dit entre nous,
Sont moins vigilans que les vôtres.

De La Ruette & de Clerval
Grétry fait briller le ramage;
Mais le Roffignol, leur rival,
De leurs chanfons vous dédommage.

Ne croyez pas tous les récits.
De Thomas, les traits adoucis,
Ont eux-mêmes flatté nos Dames.
Près de N** il étoit affis

Lorsqu'il fit de fi belles ames:

Sur la Vénus de Médicis

Il nous a peint toutes les femmes.

Des B***! ah, qu'il eft loin

Le tems où l'on en comptoit mille!

Notre pays, j'en fuis témoin,

1

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N'eft plus en beautés fi fertile.
On eft plus jolie à présent,
Et d'un minois plus féduifant
On a les piquantes finesses;
Mais du beau les tems font paffés.
De Nymphes, il en eft affez;
Mais nous n'avons plus de Déeffes.

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Pour vous encore affez de charmes;
Et quand Zaïre, sur le soir,
Le remplit de tendres alarmes,
Il vous feroit doux de le voir
Applaudir & verfer des larmes.
Ne dédaignez pas les honneurs
Que l'on décernoit aux Corneilles;
Venez nos transports & nos pleurs
Sont un digne prix de vos veilles.

Ah! fi j'approchois des grandeurs,
Je dirois bien que c'est dommage
Que vous n'adoriez qu'une image;
Qu'il eft d'innocentes faveurs
Qu'on peut accorder à votre âge,
Et qu'on devroit changer l'usage
De baiser par ambassadeurs (1).

(1) Une Dame en faveur lui envoyoit des baifers.

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Mais fi Paris, qui vous defire,
Vous demande aux Dieux vainement,
J'aurai du moins, en vous aimant,
La douceur d'aller vous le dire.

Oui, j'irai les voir ces heureux
Qui peuplent les lieux où vous êtes;
J'irai vous bénir avec eux,

Et jouir du bien que vous faites.

Du flambeau de la vérité
J'irai ravir quelque étincelle,
Pour éclairer l'obscurité
Du nuage qui la recèle.

J'ai fait vœu de fuivre fes pas.
Je fais qu'elle a bien moins d'appas
Que des fables enchantereffes;
Mais ce font de folles maîtreffes,
Qu'on aime, & qu'on n'estime pas.

SUR L'ÉLOQUENCE,

Lu dans l'Assemblée publique de l'Académie Françoife du 29 février 1776, jour de la réception de M. l'Archevêque d'Aix.

Aux loix de la penfée, aux loix de l'harmonie,
Heureux qui de fa langue a foumis le génie,
Et qui, fans la contraindre, ayant su la fléchir,
De tours nouveaux pour elle ofe encor l'enrichir !
Mais ces formes du ftyle, & leur noble élégance
Font le grand art d'écrire, & non pas l'Éloquence.

L'Éloquence eft l'inftin&t que reçut en naiffant
L'homme qui fait à l'homme inspirer ce qu'il fent:
C'eft la force d'une ame au dehors répandue ;
C'est d'un génie ardent l'influence étendue:
Vafte & puiffant moteur, dont la rapidité
Donne à tous les efprits fa propre activité.
C'est lui qui porte à l'ame une foudaine atteinte,
La faifit de pitié, la pénètre de crainte,

Dompte la volonté, foumet l'entendement,

Change l'homme, & lui laisse un long étonnement.

Quelle est donc cetre force à qui rien ne réfifte? Un vain déclamateur, un frivole fophifte A-t-il jamais sur nous cet afcendant vainqueur ? Non, fans ame, il a beau vouloir parler au cœur, De mouvemens forcés tourmenter la parole, Et d'un souffle pénible enfler une hyperbole, Ou d'une fauffe image occupant nos efprits, Jetter fur le menfonge un brillant coloris : Vain preftige, lueur trompeufe & peu durable! Ce n'eft point là ce vrai folide, inaltérable, Dont l'ame folitaire aime à s'entretenir, Et conferve en filence un profond fouvenir.

O combien de l'efprit l'Éloquence diffère! Combien de la penfée elle agrandit la sphère, Cette raison fublime, à qui la vérité Darde du haut des cieux fa rapide clarté, Et qui répand au loin le feu qui la pénètre, Brûlant de l'épancher, brûlant de le transmettre, Fière & forte des droits qu'elle venge ou défend, Et foudroyant l'erreur d'un regard triomphant!

Et ce talent fuprême, & ce divin génie, Que la Grèce adoroit fous le nom d'Uranie, On prétend le réduire aux manèges de l'art! Chafte fille du Ciel, Uranie eft fans fard: Laiffez-lui fa candeur. Quoi ! des fleurs & des voies

A celle dont le front eft couronné d'étoiles !

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