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qu'il lui paroit copié sur un manuscrit très-ancien, et qu'il lui semble reproduire mieux que tous les autres ce qu'a dû être le texte original. Fort bien; mais, entre deux copies faites sur le même original, on conviendra que la plus ancienne d'un siècle pour le moins, en même temps la plus belle et la plus nette, devoit mériter une attention particulière. Voilà donc pourquoi, tout en remarquant l'exactitude du n° 207, quant au fond, avois-je signalé son méchant dialecte artésien, et m'étois-je dispensé de le reproduire.

Quatrième point. Vient ensuite le n° 455, celui que j'ai regardé comme datant de la première moitié du XIIe siècle, et comme renfermant le texte le plus ancien que nous ayons conservé. Mais, comme il avoit été écrit dans l'Artois ou dans le Ponthieu, il avoit affecté quelquefois les désinences et les accens de l'Artois, surtout pour ce qui touchoit aux noms de lieu et de personne; et cette considération m'avoit décidé à lui préférer, pour établir l'ensemble de mon texte, le beau volume no 687. Au reste, pour éviter toute incertitude, j'aurois dû, dans ma préface, ajouter à ces mots : l'ensemble de mon texte, ceux-ci : quant aux noms de lieux et de personnes : je ne l'ai pas fait parce que je croyois avoir suffisamment indiqué le travail auquel je m'étois livré en disant que j'avois « consulté, sur chaque phrase et sur chaque mot, le n° 455.» M. Buchon, qui avoit pu comparer mon texte à celui du manuscrit 687, n'auroit donc pas dû me reprocher aussi légèrement de m'en être entièrement rapporté au no 687.

Il est certain que ce manuscrit 687, copié vers l'année 1340 dans l'Ile-de-France ou la Champagne, conserve parfaitement les formes de la langue du xme siècle, et que, sous ce rapport, il mérite une attention spéciale. Joffroi de Villehardouin, originaire de Champagne, n'avoit pu suivre le dialecte de la Picardie ou de la Flandre. Que devoit donc préférer, quant à l'orthographe des noms et des mots, l'éditeur curieux de reproduire le jet original de l'auteur? une leçon qui joignît à l'emploi rigoureux de la syntaxe du siècle de Villehardouin les nuances d'orthographe particulières à la patrie de cet écrivain ; et voilà ce que j'avois eu l'intention d'expliquer dans ma préface. Du reste, à la première inspection du n° 687, j'avois reconnu facilement les nombreuses coupures que le copiste s'étoit permises je les avois fait disparoître, et M. Buchon savoit

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mieux que personne combien le manuscrit 455 m'avoit été utile, et s'il m'étoit une seule fois arrivé de ne pas lui emprunter tout ce qui combloit exactement les lacunes du no 687:

Maintenant, je n'aurai pas de peine à prouver qu'en donnant au no 455 la préférence sur le n° 207, j'aurois dû recevoir les félicitations de l'éditeur des Chroniques nationales, plutôt que ses reproches; il me suffira, pour cela, d'en appeler de M. Buchon à luimême, et de sa notice sur Villehardouin à la réimpression dernière qu'il a faite du vieux chroniqueur. Mais voulez-vous le secret de toutes ses incertitudes, le voici d'abord il entreprit son volume dans la conviction que le mien laissoit tout à désirer. Il fit sa notice; puis, à mesure qu'il réimprimoit le texte du n° 207, il s'apercevoit que le manuscrit en étoit criblé de fautes orthographiques, d'obscurités grammaticales, d'inexactitudes palpables. La Notice avoit beau s'en taire, M. Buchon ne pouvoit démentir les excellentes leçons qu'il empruntoit dans ses variantes aux nos 455 et 687. Avant donc d'achever son texte, il n'aura pu s'empêcher de reconnoître qu'en effet le n° 455 offroit la meilleure comme la plus ancienne de toutes les transcriptions. Alors, son embarras toujours croissant en proportion de sa bonne foi, il paroît avoir douté de la parfaite justesse de ses Prolégomènes, et voilà comment il a terminé son volume en refaisant encore Villehardouin, en réimprimant mot pour mot ce manuscrit 455, qu'après tout j'avois reconnu le premier et dont il avoit d'abord contesté l'importance avec tant de vivacité.

Et, si l'on compare, dans le volume de M. Buchon, le dernier texte à celui qui le précède, il ne sera pas malaisé de décider auquel, sous tous les rapports, la supériorité est acquise. Eh bien, je le répète, mon texte, établi sur la comparaison de toutes les leçons manuscrites et imprimées, suit de très-près la meilleure de toutes; il n'en diffère même que dans l'orthographe de certains mots et dans l'addition nécessaire de quelques membres de phrases.

Cinquième point. Après tout ce qu'on vient de lire, il est à peine besoin de réfuter l'opinion de M. Buchon, qui place la transcription du manuscrit 455 d'abord au commencement du xive siècle, puis à la fin du xi. Il est certain qu'il faudroit l'attribuer à la première moitié du XIIIe siècle. « Quand (avois-je dit) il ne seroit pas "facile, au premier abord, de juger qu'elle remonte au milieu du «x111° siècle, l'histoire d'Angleterre, qui termine le volume et s'ar

«rête à l'année 1220, nous en offriroit une preuve suffisante.» J'ajoute maintenant qu'une autre chronique d'outre-mer, renfermée dans le même volume, s'arrête également à l'année 1228. Et que dirai-je de plus? une longue habitude des questions de ce genre pouvoit me faire espérer que M. Buchon, en émettant un autre avis, voudroit bien exposer les motifs de son dissentiment. Il n'en a rien fait : c'est pourquoi je lui demande la liberté de maintenir l'exactitude de mon allégation.

Cette erreur de M. Buchon sert d'échafaudage à la dernière et à la plus contestable de ses assertions : ce n° 455, à l'entendre, est une copie modernisée, plus éloignée de la véritable dictée de Villehardouin que celle du n° 207 supplément françois. Un manuscrit du XIIIe siècle modernisé! Mais quelle différence si grande a donc pu reconnoître M. Buchon entre la langue du règne de Philippe le Hardi et celle du règne de Philippe-Auguste? Où sont les mots créés dans cet intervalle, les tournures de phrases introduites, les signes orthographiques modifiés? Pensez-vous donc, avec ce mot tranchant, détruire l'autorité d'une leçon que vous-même ne faites pas difficulté de considérer comme la plus ancienne? « Elle est la plus ancienne, dites-vous, « la plus nette, la plus claire,

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plus complète; mais elle a été modernisée! » et vous ne sortez plus de là. Avis à ceux qui découvriroient un texte de Joinville antérieur à la leçon contemporaine de Charles V M. Buchon conviendra de son antériorité; mais, pour en détruire l'importance, il lui suffira de cette déclaration pure et simple: Elle est modernisée. Je demande, une seconde fois, pardon à nos lecteurs de cette polémique contre un écrivain recommandable dont, plus que personne peut-être, j'estime et j'honore les grands travaux littéraires. J'ai dû me défendre pour justifier la confiance que la Société de l'Histoire de France avoit mise en moi, et je crois encore avoir rempli convenablement ses vœux en donnant un texte de Villehardouin, d'après des manuscrits nouvellement reconnus, plus anciens et, je persiste à le dire, plus recommandables que ceux dont on s'étoit auparavant servi.

25 mai 1840.

P. P.

UN MOT

SUR QUELQUES BIBLIOTHÈQUES D'ITALIE.

Nous l'avons écrit plus d'une fois, nous ne nous lasserons pas de le répéter, le plus grand service que l'on pourroit rendre à l'histoire, à la philologie, aux sciences, ce seroit la publication d'un catalogue exact et méthodique des manuscrits qui gisent dans les bibliothèques de l'Europe: combien s'en trouve-t-il dont l'existence, tout à fait ignorée des étrangers, est assez peu connue des personnes chargées de les garder; et, cependant, cet inventaire seroit indispensable. C'est, peut-être, dit M. Buchon, à Carpentras que se trouve un manuscrit cherché en vain par un savant de Grenade ou d'Édimbourg; c'est à Wolfenbuttel qu'un savant de Toulouse pourroit compléter ses travaux, et réciproquement. Le catalogue de G. Haenel (Leipsick, 1828-30, in-4) ne doit être considéré que comme une ébauche défectueuse et bien incomplète ; il faut cependant louer le zèle et la patience de l'auteur, et nous trouvons d'une rigueur excessive le jugement qu'en a porté récemment un critique anglois : « C'est, sans contredit, le pire de tous les détestables ouvrages qu'on ait jamais eu l'impudence de présenter au monde savant; aucun manuscrit n'est fidèlement décrit ; la date de la plupart n'est pas indiquée. » (Litterary Gazette, 27 july 1839.)

En attendant la publication d'un inventaire aussi général et aussi étendu que possible, qui seroit, pour les érudits de tous les pays, un service immense, mais qui ne pourroit être entreprise et terminée qu'avec l'appui du gouvernement, il faut louer ceux qui en réunissent les matériaux dans de bonnes monographies. L'Allemagne, ce pays d'études consciencieuses, et d'une persévérance que n'auroit pas surpassée le plus patient des bénédictins, l'Allemagne donne le signal de ses travaux pénibles et peu brillans; et nous

voudrions, aujourd'hui, faire connoître succinctement aux lecteurs du Bulletin la Bibliotheca librorum manuscriptorum italica, rédigée par F. Blume (Gottingue, 1834, in-8, 272 pag.). Ce livre a paru depuis quelques années, mais il est resté presque inconnu en France; d'ailleurs ce n'est pas un ouvrage de circonstance.

L'auteur s'attache à faire connoître les richesses de 43 bibliothèques italiennes, dont 2 à Gênes, 2 à Vérone, 12 à Lucques, 2 à Rome, 2 à Naples, 3 à Messine, 5 à Palerme. En général, il ne s'occupe que des manuscrits relatifs à la jurisprudence; il en énumère 32 appartenant à la bibliothèque ambroisienne, à Milan; 202 faisant partie de celle de Saint-Marc, à Venise; il se tait sur ce que, hors du cercle du droit, possèdent ces riches dépôts; cependant, quant aux bibliothèques de Gênes, de Sicile, Angélique et Alterianna, à Rome, etc., il admet dans ses listes les manuscrits relatifs à l'histoire et aux belles-lettres : il est fâcheux que, très-souvent, il n'en ait pas indiqué l'âge. On voit que son travail est loin de tout embrasser, il servira cependant à apprendre à ceux qui voudront travailler sur les auteurs grecs (nous nous bornons à cet exemple) qu'ils trouveront :

De Sophocle: deux manuscrits, l'un in-4 vélin, avec des scolies, à Pérouse; l'autre, du xve siècle, dans la bibl. Chisi, à Rome.

De Diogène de Laërce: deux manuscrits, l'un à la bibl. Angélique, l'autre à la bibl. Chisi.

Des Halieutiques d'Oppien, bibl. de Pérouse.

Du Myriobiblon de Photius, bibl. Palatine et Angélique, à Roine; cette dernière possède, en outre, un manuscrit de son glossaire. De Pindare, trois Mss. : bibl. Angélique à Rome, de Pérouse et de Parme.

En fait de Mss. relatifs à la France, nous n'avons guère remarqué qu'un extrait de Grégoire de Tours (biblioth. du chapitre de Vérone), et un Vincent de Beauvais. (Bibl. Albornoti, à Rome.)

Les Mss. des divers ouvrages d'Ovide sont au nombre de 20; on en compte 23 de Virgile, 2 de Tacite, 4 de Tite-Live, 11 de Juvénal.

Dans la bibliothèque Angélique, nous avons noté un Ms. d'Alde Manuce De falsa antiquorum religione, deque larario, et de statuis, earumque antiquitate et usu, in-4. Il nous semble que ce travail n'est pas mentionné dans les annales des Aldes de M. Renouard (3o édit., 1834), livre qui n'en est pas moins un modèle d'investigation éru

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