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Belanges bibliographiques.

Monsieur l'Éditeur,

Sterne fit, vous le savez, une nomenclature piquante des diverses sortes de voyageurs connues de son temps; mais depuis le platonique adorateur d'Élisa Dapper, la science s'est enrichie de beaucoup de noms nouveaux qu'il n'avait pu comprendre dans son énumération; le voyageur gastronome, le voyageur archéologue, le voyageur philanthrope, et enfin le bibliographical traveller ont été successivement découverts. Je crois bien qu'un des coryphées de cette dernière espèce c'est le révérend T.-F. Dibdin, l'auteur de la Bibliotheca spenseriana, du bibliographical Decameron, du Tour in France and in Germany, etc., livres en général plus somptueux qu'utiles et dont vous aviez naguère de beaux exemplaires qui sont devenus miens.

Je vous avouerai qu'émule du révérend docteur anglais et libre de suivre mes goûts, j'ai parcouru la Guyenne, le Languedoc et la Provence dans le seul et unique but de visiter les bibliothèques publiques et rien autre chose, d'examiner les collections particulières où l'on voudrait bien m'admettre et de fouiller en tout sens, toujours et partout, tous les amas de livres vielz et anticques qui m'offriraient la moindre chance d'une trouvaille heureuse, le plus faible espoir d'une acquisition importante. Je conviendrai que d'assez grands sacrifices de temps et d'argent n'ont abouti qu'à une moisson peu abondante, n'importe plusieurs quintaux de bouquins et quelques liasses de notes ont été le résultat de mon voyage bibliographique dans le Midi, et Dieu aidant, je compte bien diriger successivement mes excursions bibliophiliques vers le nord, lecentre, l'est et l'ouest de la France. Toutefois je n'imiterai pas jusqu'au bout l'exemple de Dibdin, le récit de mes explorations ne sera point délayé en gros volumes; jugez comme les marchands de papier imprimé seroient tentés d'accepter l'offre de mon manuscrit.

Dieu paternel, quel dédain! quel accueil!

Mon livre pourroit plaire tout au plus à un nombre infiniment

restreint de bouquinolâtres selon mon cœur. 9. gens de bien, qu estes vous! Poinct ne vous vois.

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Consacrant tout ce que je peux avoir d'intelligence et d'activité à un seul objet, y vouant toutes mes pensées, j'ai passé, sans y en trer, le croiriez-vous? devant les cathédrales d'Auch et de Narbonne; j'ai à peine donné un coup d'œil au magnifique amplithéâtre d'Orange et à celui de Nîmes; à Arles, tout préoccupé de ne pas perdre la piste d'un exemplaire du Dondon infernal de la Bellaudière, je n'ai fait aux Arènes qu'une visite de deux minutes' pleine de distractions.

Ce préambule bayard vous ennuie; je viens donc au fait en vous transmettant quelques pages prises absolument au hasard dans' mon journal. Je sais mieux que personne, hélas! que je ne suis qu'un jeune et très-faible écolier, et, sans vouloir affecter une fausse modestie qui n'est le plus souvent qu'une vanité énorme, je crois ne ressentir aucune tendresse pour quelques ébauches indignes de la moindre publicité; mais j'ai yu imprimer, réimprimer même, tant de galimatias inintelligibles, tant de compilations pitoyables dont les auteurs sont, je le dis et ils le prouvent, de véritables puits d'ignorance, tant de vers après lesquels, soyons justes, la lecture de Pradon et de Cottin serait chose douce et rafraichis sante, tant de contes et de romans.... Mais ne parlons pas de c ue ceuxlà, le roman était naguère épuisé, haletant, aux abois, ne sachant plus sur quelles vignettes, ni sur quelles pancartes spéculer, ainsi que l'a fort bien dit l'incisif et spirituel autagoniste de la littérature facile; maintenant le roman est mort. Dites-moi où sont les gloires qu'avait échafaudées une camaraderie sans pudeur? où sont les grands hommes auxquels de plus ou moins adroits compères fabriquaient, à charge de revanche, une réputation brillante? où est le public gobe-mouches, bénin, crédule, liseur et payant? où sont ces éditeurs empressés, surenchérissant les uns sur les autres ? l'ar gent qu'ils apportaient, où est-il? Dites-moi où sont les neiges d'autan.

J'ai conclu témérairement sans doute, de tout cela, que vous me jugeriez peut-être aussi bon à imprimer que MM. telet tel. Lorsque yous n'aurez pas à offrir aux lecteurs du bulletin des articles signés Nodier, Reiffenberg, Colomb de Batines ou Peignot, vous utili serez, si bon vous semble, les matériaux dont je soumets la révision à votre intelligente amitié et à votic indulgence mise déjà à

plus d'une épreuve. Voltaire et Montesqien faisaient à beaucoup de méchans livres l'honneur de les lire, moi j'ai souvent l'honneur de lire d'un bout à l'autre les plus sots et les plus mal écrits des bouquins.

Hic campo indulget; hunc alea decoquit : ille

In Venerem est putris.....

At me nocturnis juvat impallescere chartis (Perse).

C'est grâce à ce procédé bien simple que j'ai rencontré maintes fois dans des auteurs ignorés certaines choses que tout le monde n'y aurait pas vues. J'ai gratté dans beaucoup de fumier, j'ai trouvé quelques grains de blé; peut-être un jour serai-je à même d'étaler à vos yeux les perles que j'aurai découvertes. G.-B.

Je quitte Toulouse; je me rends à Carcassonne afin d'examiner l'important et unique manuscrit du poëme provençal qu'a décrit M. Raynouard en lui donnant le nom de Flamenca. Chemin faisant, au lieu de perdre mon temps à regarder les campagnes que je traverse, je feuillette quelques volumes que j'ai complétés au moment de monter en voiture; le premier qui me tombe sous la main est intitulé: 'Histoire abrégée de la vie de J.-F. Marmiesse, prêtre. Paris 1828, 2 vol. in-8. Je ne crois pas que dans sa spirituelle notice sur la bibliographie des fous M. Nodier ait fait mention de cet auteur ; il est assez singulier et assez extravagant pour mériter quelques lignes. Il naquit à Cahors en 1745; son père était forgeron; il entra au séminaire, en sortit et se maria. « Quant à ma femme, nous dit-il naïvement, il peut bien se faire qu'elle ne fût pas vierge quand je l'épousai, mais elle tricotait bien, elle savait coudre, elle faisait d'excellentes soupes. La première année de notre hyménée, sur 12 oies qu'elle fit couver, 11 vinrent à bon port; elle filait mes habits, que je faisais teindre vert de bouteille. » Devenu veuf en 1807, Marmiesse se fit ordonner prêtre; sa tête, qui avait toujours été assez faible, acheva de se détraquer ; il croyait avoir des visions, des apparitions, et il nous donne une table de 56 songes avec leur explication. Il voit son frère tout nu sur le bord d'un grand fleuve; il voit tantôt un abbé déguenillé, tantôt un évéque avec la tête bien soignée, tantôt deux serpents l'un mâle et l'autre femelle ; il voit aussi

sa nièce sous la forme d'une perdrix rouge; deux Ethiopiens apparaissent à sa gauche, il se trouve dans un enclos entouré de haies vives dont il a bien soin de faire graver le plan. Un autre jour, je voulais dire une autre nuit, il tue d'un seul coup de fusil deux corbeaux l'un mâle et l'autre femelle, cela signifiait clairement que son frère entretenait un commerce peu moral avec sa servante, et cette fois-ci il avait moins de chance de se tromper que lorsqu'il se croyait prédestiné à convertir 32 millions de Français et à réparer tout le mal causé par Voltaire et par la philosophie du xvin siècle. Il se rend à Paris et s'adresse à monseigneur l'évêque d'Hermopolis; il vouloit absolument lire devant les chambres son histoire, et notez en passant que les 850 pages qu'il nous a données ne sont qu'un préambule très-abrégé, une introduction si succincte que ce n'est pas la peine d'en parler. On juge facilement que le ministre se refusa à se mêler de cette affaire; s'il y a au monde des péchés irrémissibles, des crimes impardonnables, s'écrie le pauvre auteur, c'est bien celui-là. Il adresse au roi Charles X, qui ne l'a certes point lue, une longue lettre pleine de radotages, et il se met, pour se consoler, à écrire, à l'âge de 82 ans 7 mois, le récit de sa vie, qu'il surcharge des détails les plus insignifiants, des digressions les plus prolixes, avec dose énorme de rabâchages et de répétitions fastidieuses. Imprimés aux frais de l'auteur, comme on peut bien le croire, ces deux volumes ont dû passer en bloc chez l'épicier; on ne les recherchera jamais; quelques amateurs de livres singuliers et extravagants, ineptes, les ramasseront peut-être si le hasard les amène sous leurs yeux.

Epitaphia joco-seria. F. Swert collegit. Coloniæ, 1645, in-12.,

On trouve quelques épitaphes singulières dans ce recueil latin, français, espagnol, italien, flamand. En voici quelques-unes relevées dans les cimetières d'Orléans, de Valenciennes et d'Arras. ****

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Ci gist le piqueur de Margot,
Friand de chair comme une pie,
Pour tremper trop sa pièce au pot,
Le pauvret a perdu sa vie..

Promeneur d'estappe,

J Si la mort t'attrape,
T'attrapant te happe,
Te happant te trappe,
Ma foy, tu mourras,
Car elle n'exempte,
Quand elle se présente,
Ni chatte ni rats.

Une autre épitaphe :

Dessous ce tumule est jacens

Un impigre locum tenens, etc.

est écrite dans le jargon de l'escolier limousin tout joliet qui rencontra Pantagreul, se promenant après souper.

On trouve encore l'inscription mise sur le tombeau d'une femme qui, morte en 1514 à l'âge de 88 ans, vit ou put voir 295 enfans issus d'elle. Dulaure en a fait mention. (Hist. de Paris, édit. iņ-12, tom. II, p. 290.)

Quant à Swert, l'éditeur de ce recueil, il en est question dans Nicéron, tome 27, et dans la biographie universelle, tome 44.

Jocorum atque seriorum libri duo, recensente O. Melandro, 1604, in-12; volumes de près de 1200 pages. C'est une compilation où il y a quelques traits piquants, quelques anecdotes assez plaisantes égarées dans beaucoup de pages sans intérêt. La cour de Rome y est souvent maltraitée; on y trouve de fréquentes railleries contre les moines, plastrons des faceties luthériennes; par-ci par-là se sont introduits des contes assez graveleux : De muliere quadam maritum suum in adulaterio deprehensum castrante; de nobili qui suæ ipsius famula stuprum volebat inferre.

Le beau sexe n'y reçoit pas toujours des éloges, témoins les vers

suivans:

Sunt tria mala macra: Anser, Foemina, capra;

Non nisi Dæmonibus convenit iste cibus.

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