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être remis au propriétaire lésé en indemnité de la perte qu'il a éprouvée. Dans le plus grand nombre de cas, cette indemnité est illusoire; le libraire qui la reçoit encourroit lui-même la peine du délit dont il a provoqué la punition, s'il mettoit dans le commerce les exemplaires saisis de l'édition contrefaite; il faudroit, pour en tirer quelque parti, qu'il les exportât, et cette opération ne seroit, de sa part, ni morale, ni lucrative, puisqu'il iroit se faire concurrence à lui-même sur les marchés étrangers : il est donc réduit à les mettre au pilon, et nous tenons, d'un honorable libraire de Paris, qu'ayant reçu ainsi une édition contrefaite à dix mille exemplaires, elle avoit à peine produit le montant des frais assez peu considérables de son procès, et il ne lui étoit resté comme indemnité qu'une misérable somme de 82 fr.

Le projet de loi, en prononçant la confiscation des exemplaires. contrefaits et des ustensiles qui ont servi à la contrefaçon, ajoute que la partie civile pourra demander ou qu'ils lui soient attribués ou qu'ils soient détruits, auquel cas, sur la demande des libraires, nous avons ajouté que ce seroit en présence de la partie civile ou de son fondé de pouvoir.

Les infractions à la nouvelle loi étant, dans beaucoup de cas,. assimilées à la contrefaçon, elles seront poursuivies de la même manière; les officiers de police judiciaire sont chargés de les constater d'office. C'est une preuve nouvelle de la protection que l'on veut accorder aux lettres et aux beaux-arts.

Le gouvernement avoit eu la pensée de l'étendre même aux hommes qui les cultivent en pays étranger. C'est ainsi que les bienfaits de Louis XIV alloient chercher le mérite dans les diverses parties de l'Europe. Le but de l'art. 18 du projet de loi étoit d'assurer à tous les ouvrages en langue françoise ou étrangère, publiés pour la première fois en pays étranger, soit du vivant de l'auteur, soit après sa mort, pendant un espace de temps qui seroit déterminé par des traités, la protection qu'on garantit aux publications faites en France, en ajoutant toutefois que cette disposition ne seroit appliquée qu'à l'égard des États qui auroient accordé à la France une complète réciprocité. On voit, dans le beau rapport de l'éloquent M. Villemain, adressé au ministre de l'instruction publique au nom de la commission chargée de l'examen des questions relatives à la contrefaçon étrangère des livres françois, qu'on avoit été jusqu'à penser qu'il seroit digne de la France de faire, à l'égard de

la contrefaçon, ce qu'elle a fait en 1819 pour le droit d'aubaine, de l'abolir chez elle sans attendre de profiter elle-même, au dehors, de cette abolition. La commission ne tarda pourtant pas à reconnoître qu'il n'y avoit que peu d'États intéressés à l'adoption de ce principe, qu'il n'y auroit à le proclamer sans condition et sans réserve, qu'une générosité apparente, qu'il valait mieux l'offrir comme gage de réciprocité, et en faire la base de conventions diplomatiques sur un point qui excite la sollicitude de toutes les nations civilisées.

On se borna donc à proposer l'article 18 du projet. Votre commission l'a examiné avec d'autant plus de soin, qu'elle avoit à se défendre de l'entraînement des sentimens généreux qui l'avoient inspiré. Elle a considéré que la réciprocité offerte par la France ne seroit acceptée que par les États qui auroient avantage à le faire, et nous seroit refusée par les autres.

Le grand atelier de contrefaçon des livres françois est en Belgique. On ne peut se dissimuler que ce commerce ne lui procure de grands bénéfices, auquel elle ne renonceroit pas pour obtenir une réciprocité qui n'auroit aucune application à son égard, car on n'imprime en France aucun ouvrage au détriment des auteurs ou des imprimeurs belges.

Les seuls livres anglois réimprimés à Paris et livrés au commerce à un prix très-modéré, comparativement aux éditions angloises, offrent aux acheteurs et aux libraires françois un avantage réel. En Angleterre, où la main-d'œuvre est plus chère qu'en France, on ne réimprime aucun livre françois. La réciprocité entre les deux pays seroit donc toute favorable aux sujets de la Grande-Bretagne, et nous priveroit, sans aucune compensation, du moyen de nous procurer à un prix raisonnable les livres en langue angloise, dont la cherté est excessive lorsqu'il faut les faire venir d'outre-mer,

Votre commission s'est, en conséquence, décidée à vous proposer le rejet de cet article. Ce n'est pas sans regret qu'elle en a pris la résolution; mais elle n'a pas dû perdre de vue qu'en opposition de ces nobles intérêts qu'il avoit pour but de protéger, il en existoit de très-importans qu'un gouvernement prévoyant ne doit jamais négliger, les intérêts du commerce et du public. Nous appelons de nos vœux le moment où il sera possible de les concilier avec ceux des lettres et des auteurs de tous les pays.

Nous arrivons au dernier article du projet. Il avoit été préparé pour être inséré dans une nouvelle loi relative aux douanes; mais,

comme elle pouvoit tarder à être promulguée, il est devenu nécessaire de le joindre au projet actuel.

Le transit des objets de librairie d'une frontière à l'autre du royaume se fait aujourd'hui sans examen et sans contrôle. Les livres françois exportés de France y sont librement réimportés dans un intervalle de cinq ans. Les contrefaçons seules sont prohibées à l'entrée.

Deux résultats, a dit la commission dont M. Villemain étoit le rapporteur, ont dû suivre cette législation. Les contrefaçons des livres françois venant de l'étranger ont profité du transit. Les mêmes contrefaçons se sont fréquemment introduites en France parmi les livres réimportés.

C'est à prévenir ce double inconvénient que l'art. 23 du projet est destiné. Il dispose que les livres en langue françoise venant de l'étranger ne pourront être présentés à l'importation ou au transit que dans les bureaux qui seront désignés par une ordonnance du Roi. MM. les libraires ont demandé que cette obligation ne soit pas bornée aux seuls livres en langue françoise, et qu'elle soit étendue à tous les livres, en quelque langue qu'ils soient. C'est un retour aux dispositions de la loi du 27 mars 1817, et nous ne voyons, en effet, aucune raison de nous en éloigner.

Tous les livres qu'on introduit en France, même pour le transit, doivent être soumis à une vérification qui exige une attention particulière : en la concentrant on aura des agens plus exercés et plus capables. D'ailleurs, un moyen certain de rendre la surveillance des douanes efficace est de réduire le nombre des portes ouvertes à l'importation. La loi du 27 mars 1817 n'avoit affecté à ce service que cinq bureaux ; il y en a aujourd'hui dix-sept. Il est indispensable d'en réduire le nombre. La loi eût pu le faire; mais, comme cette fixation est essentiellement variable suivant les besoins du commerce, il a paru plus convenable d'en laisser le soin au gouvernement. Il est bien entendu que l'obligation de ne présenter les livres qu'aux bureaux qu'il désignera ne sauroit être applicable à un exemplaire isolé qu'un voyageur porteroit avec lui, et qui seroit évidemment à son usage personnel. Dans ce cas seulement les divers postes de douanes pourront le laisser passer. La commission n'a pas cru nécessaire d'en faire une disposition spéciale. Il appartient à l'administration de donner les instructions convenables

pour prévenir les vexations particulières tout en assurant la répression de la fraude.

MM. les libraires ont également demandé qu'un nouveau paragraphe fût introduit dans cet article Il consisteroit à prescrire que les livres qui ne sont pas tombés dans le domaine public, qui auroient été expédiés à l'étranger, et qu'il y auroit lieu de réimporter en France, seront tous dirigés sur la douane de Paris, et ne seront délivrés qu'à l'éditeur ou sur son autorisation. Cette disposition concourroit à empêcher, sous le prétexte de réimportation, les introductions frauduleuses dont nous parlions tout à l'heure. Elle rentre dans les considérations exposées dans le rapport de M. Villemain, et qui avoient conduit à demander que la réimportation des livres françois fût entièrement prohibée. Nous ne pouvons, en conséquence, que l'approuver, sauf l'obligation de l'envoi à la douane de Paris de tous les ballots de livres réimportés indistinctement, ce qui seroit inutilement onéreux pour les éditeurs qui habitent une autre ville. Il nous a semblé plus juste de les faire adresser au chef-lieu du département où les éditeurs auroient leur domicile, et où toutes les vérifications nécessaires pourront être faites par les agens de l'autorité (1).

(1) Note de l'Editeur. Il seroit à désirer qu'à l'article 25 l'on put ajouter l'amendement suivant :

« A l'égard des vieux livres françois imprimés avant 1800, ils ne devroient supporter que le même droit que les livres en langues mortes, et devroient être considérés en langues mortes: les livres du moyen âge, les vieilles chroniques, les vieux poëmes, etc., etc. »>

SIMON PONCET.

Simon Poncet est un poëte de la fin du xvr siècle, à peu près inconnu aujourd'hui. Les éditeurs de la Croix du Maine et de Duverdier, le père Niceron, etc., n'en font aucune mention : on chercherait vainement son nom dans la Biographie universelle. M. Brunet, qui a recueilli avec un soin digne d'éloge les ouvrages de nos vieux auteurs français, a omis dans ses nomenclatures les Regrets sur la France. Composez par Simon Poncet Melunois, Thresorier et Secretaire de monsieur le Chevalier d'Aumalle. ensemble un colloque chrestien, composé par luy-mesme, dedié à madame de Chelles. A Paris, par Mamert Patisson. 1589, in-8 (1). Ce petit volume ne mérite pourtant pas l'oubli où l'ont laissé les bibliographes. Simon Poncet n'est pas un de ces poëtes qui dominent toute une époque, mais il doit occuper une place distinguée parmi les écrivains du XVI siècle; son livre est, d'ailleurs, l'expression la plus complète de l'opinion des honnêtes gens pendant les troubles qui ont ensanglanté la France sous le règne de Henri III.

Les Regrets sur la France sont dédiés à monseigneur le chevalier d'Aumalle, colonnel général de l'Estat et Couronne de France (2). Après la dédicace viennent deux sonnets d'un style louangeur et emphatique, adressés à l'auteur par la Roque (3). L'ouvrage est composé de XLVIII sonnets numérotés. Pour donner tout d'abord

(1) La Bibliothèque royale possède de cet ouvrage un exemplaire qui a appartenu à Guillaume Colletet, et qui porte sa signature sur le premier feuillet.

(2) Claude de Lorraine, abbé du Bec, chevalier de Malte, général des galères de la religion, dit le chevalier d'Aumale, appartenoit au parti de la Ligue; il assista au siége de Dieppe et à la bataille d'Arques, en 1589; il y fut tué le 3 janvier 1591, à l'âge de 27 ans, en voulant s'emparer de Saint-Denis; il étoit fils de Claude de Lorraine, duc d'Aumale, et de Louise de Brézé, dame d'Anet. Le chevalier d'Aumale étoit un des plus braves capitaines de son temps.

(3) S.-G. de la Roque de Clermont en Beauvoisis, contemporain de Simon Poncet, et auteur de plusieurs poëmes.

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