systèmes de droit naturel depuis Grotius, et qui pose une base philosophique satisfaisante à la fois pour le juriste, l'historien, le praticien et le philosophe; le travail du même auteur destiné à servir d'introduction à l'étude des Institutes et des Pandectes, dont il fait connoître surtout le côté historique; la réfutation du Traité du droit de propriété de M. de Savigny, par un juriste prussien, travail remarquable où l'auteur a voulu établir que l'étude de la jurisprudence ne prospéreroit que quand les professeurs de droit seroient à la fois philosophes et praticiens, à la différence des philologues, qui méprisent la philosophie et s'inquiètent peu de la pratique; l'ouvrage du docteur Stahl sur la Constitution de l'Eglise protestante, auquel il a été amené par ses travaux approfondis sur le droit ecclésiastique ; d'un autre côté, nous avons signalé l'Histoire du droit gréco-romain de M. Zachariæ d'Heidelberg, qui prend cette législation mixte à Justinien, et la poursuit jusque sous le règne du roi actuel de la Grèce, Othon Ier; l'ouvrage distingué de M. Kausler, ayant pour objet la Théorie de la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif, question majeure examinée sous le double rapport de la science du droit en général et du droit allemand en particulier; et l'ouvrage de M, Mittermaier sur la procédure allemande, édition récente et renouvelée presque en entier, dans laquelle une grande place a été réservée au parallèle des procédures françoise, angloise, améri caine, avec la procédure allemande. Tous ces travaux, et bien d'autres encore, indiquent une variété, une solidité de recherches qui semblent constituer l'essence même du génie allemand. Il seroit ensuite trop long de citer tous les ouvrages périodiques, toutes les Revues consacrées en Allemagne à l'étude du droit ; le recueil fondé par MM. de Savigny et Eichhorn, et celui du docteur Elvers, contribuent le plus à populariser la théorie et la pratique du droit romain. Il n'est pas enfin jusqu'aux thèses soutenues dans les universités qui ne présentent une richesse de documents et une allure scientifique qui doivent vivement piquer notre émulation. En France, l'étude du droit s'est signalée aussi par de nombreux et importans travaux, presque tous cependant ouvrages purement pratiques; commentaires qui éclairent la législation des leçons de l'expérience courante, ou de l'érudition moderne, mais qui trop rarement s'élèvent, par des données de l'histoire et de la philosophie, au-dessus du sentier étroit tracé par la codification et les textes. Néanmoins nous avons hâte d'excepter de ce jugement plusieurs noms qui maintiennent à un haut degré l'importance de la jurisprudence françoise, ceux de MM. Duvergier, Troplong, Faustin-Hélie et Adolphe Chauveau. Les ouvrages des deux premiers sur le Code civil, quoique avec des qualités différentes et un système distinet, sont, avec justice, regardés comme des sources aussi pures qu'abondantes, comme la réunion de la science, de la logique, de la pratique et de la théorie. Ils fécondent par l'esprit la lettre du Code, et élèvent constamment le commentaire à la hauteur du traité. MM. Hélie et Chauveau, prenant leur sujet de plus loin, et éclairant notre législation pénale de toutes les lumières de l'histoire et du droit international, ramènent les faits à des principes dominans, principes de droit naturel et de morale qui précèdent tous les codes et sont le fondement de toute législation. Bien instruits de toutes les modifications modernes, ils donnent toutes les explications qui conviennent au temps et au lieu. Ils sont animés de l'esprit du Code pénal; la Théorie est en eux. Mais, comme elle a été nourrie de faits et d'étude, elle parle juste, parce qu'elle s'est formée de vérité. Nous tenons également beaucoup de compte des ouvrages et du cours de M. Ortolan sur la législation pénale. Plus que ses devanciers, il a voulu y faire intervenir l'élément moral et religieux. La dépravation sans cesse croissante en fait sentir, en effet, plus que jamais le besoin : il est des immoralités qui sont hors de la portée du législateur. Après ces ouvrages, qui occupent le premier rang, nous mentionnerons quelques travaux plus généraux sur le droit françois, et d'abord le début d'un jeune savant jusqu'alors ignoré, et qui a été justement l'objet d'une distinction de la part de l'Institut: c'est l'Histoire de la Propriété foncière en Occident, par M. Édouard Laboulaye, véritable œuvre de publiciste dans laquelle la théorie et les faits, la philosophie et l'érudition se marient d'une manière habile et féconde. En fait de travaux généraux sur le droit françois, nous avons eu la suite du Droit public et administratif de M. Bouchené-Lefer, les Élémens fort complets du même droit par M. Foucard, une publication importante de M. Grün; mais aucun travail plus spécial et plus profond sur le droit administratif n'a été publié que celui de M. Macarel, qui a porté à l'École de Droit de Paris les résultats de son expérience et de ses profondes recherches. : Les différentes parties de nos codes ont fourni aussi des publications estimables que nous pouvons à peine indiquer les recherches collatérales de MM. Odier et Colas sur la matière si difficile et si importante des hypothèques ; l'excellent Traité de l'Usure de M. Petit, président de la Cour royale de Douay; les recherches toutes nouvelles de M. Massol, professeur à la Faculté de Toulouse, sur la Séparation de corps; le Traité si lumineux et si approfondi de M. Mangin sur les Procès-verbaux, dont la mise en lumière a été un nouveau service rendu par M. Hélie à la jurisprudence criminelle dans la législation commerciale, les deux volumes pleins de faits et de consciencieuses recherches de M. Louis Nouguier sur la Lettre de change et les Effets à ordre; l'explication du nouveau Code des faillites de M. Thierriet, professeur de droit à Strasbourg, où l'on trouve le résumé de tous les travaux de préparation de cette législation nouvelle. Le droit maritime, cette grande moitié du droit commercial, a eu aussi des représentans: M. Pardessus en première ligne, qui poursuit avec un courage de bénédictin sa collection de toutes nos lois maritimes, monument d'histoire, de politique et de législation; à côté de ce vaste recueil, l'ouvrage plus pratique et plus actuel de M. Beaussant, et les Recherches de M. Hautefeuille sur la législation criminelle qui régit les choses de mer. Enfin il n'est pas jusqu'à l'ancien droit françois qui n'ait excité le zèle des éditeurs et des commentateurs. Une fois les Codes arrêtés et la législation fixée dans un texte précis et d'une date certaine, les partisans absolus de la codification ont pu croire que la lettre moderne s'élèveroit comme un mur, interceptant tout regard rẻtrospectif, et même qu'il étoit bon, pour la stabilité, pour la force morale de la législation, que l'on se tînt en deçà, discutant les conséquences, mais n'allant jamais sonder les prémisses et les origines. C'est mal connoître l'esprit humain. Quelque bien liée que soit une législation, quelque harmonie qu'il y ait entre ses dispositions et les besoins du jour, l'esprit humain, ne seroit-ce que par curiosité, veut aller voir au delà. Ensuite ce n'est pas seulement une curiosité vaine qui lui fait remonter le cours des âges; il désire connoître le droit ancien pour mieux comprendre l'histoire d'abord, et ensuite pour voir si telle amélioration que la théorie de mande en vain à un avenir obscur ne lui est pas pratiquement démontrée dans un passé certain. Le commun des hommes ne voit que le présent, le grand nombre croit deviner l'avenir; très-peu connoissent les véritables possibilités de l'avenir et les besoins réels du présent. Cette connoissance est réservée à ceux qui ont sondé l'histoire et les institutions du passé. C'est à ce sentiment d'investigation historique qu'il faut attribuer la simultanéité de trois publications du même monument du droit françois au moyen âge, les Assises de Jérusalem, éditées au même instant, à Rennes par M. Victor Foucher, à Paris par M. Beugnot, et en Allemagne par M. Kausler de Stuttgard. Il en est de même des Olim du parlement de Paris, dont nous parlerons mieux dans la section historique, et enfin de l'impression de quelques coutumes, telles que celles d'Amiens, de la Normandie, etc. Dans les progrès de l'étude du droit en France, il faut aussi faire une part aux recueils spéciaux qui se sont établis dans ces derniers temps, et notamment à la Revue étrangère et françoise de législation, dirigée par MM. Fœlix, fondateur, Duvergier et Valette, terrain commun où se rencontre le droit des diverses nations de l'Europe, échange continuel de lumières entre des législations qui doivent s'améliorer par cette connoissance réciproque. Sciences et arts. Sous ce titre nous avons classé tout ce qui concerne la philosophie, la morale, l'économie politique et toutes les branches des sciences matérielles. Ici les rôles sont bien dessinés en Europe, et chacune des nations les plus importantes par leur culture intellectuelle revendique la primauté dans l'une de ces grandes divisions. A la France une prééminence incontestée pour tout ce qui est du domaine de la science, chimie, physique, mathématiques, médecine, etc., à l'Allemagne la supériorité pour les systèmes et les discussions philosophiques; les sciences morales occupent le premier rang dans l'Italie, qui ne peut s'occuper ni de politique ni de philosophie; et l'Angleterre conserve le pas pour l'économie politique, science qu'elle a créée la première et qu'elle cultive avec toute la supériorité que lui donne son esprit froid, exact et essentiellement pratique. Sans trop entrer dans le détail infini des ouvrages qui ont été publiés sur ces quatre grandes branches de la science, nous allons tâcher d'apprécier ici l'état intellectuel et les tendances diverses des nations qui occupent, en Europe, le premier rang dans la production littéraire. C'est sur tout lorsqu'il s'agit de la philosophie, cette expression la plus générale des sentiments, des idées et de l'aptitude d'un peuple que ces aperçus peuvent être bien placés. que Et d'abord commençons par l'Allemagne. Dans l'état actuel de la civilisation allemande se présente un phénomène particulier à cette contrée. La nature des gouvernemens, la marche qu'elle imprime aux diverses classes de la société se reflètent dans la littérature avec une entière fidélité. Renfermé dans un étroit espace pour tout ce qui concerne les faits, l'Allemand a pour lui l'empire des idées, empire sans limites, et qu'il peut explorer aussi loin que le comporte la force ou la hardiesse de son esprit, pourvu toutefois il ne se rattache point de trop près, pour l'application, au domaine des choses ayant une existence réelle et politique. Qui ne seroit pénétré de cette vérité en voyant l'essor qu'a pris la philosophie depuis la fin du dernier siècle? Quatre novateurs ont prétendu à l'empire de cette science, mère de la science, et tous quatre ont vu recevoir avec enthousiasme leurs théories qui n'embrassoient rien moins que l'ensemble de tout ce qui occupe l'esprit humain. Il n'entre point dans notre plan d'exposer leur plus ou moins de titres à une puissance durable; dire ce que sont devenus aujourd'hui leurs systèmes, c'est tout ce que nous voulons indiquer, et le sort qu'ils ont subi sera pour nous une nouvelle preuve de cette liberté illimitée qui règne dans l'empire des idées en Allemagne. Si donc nous considérons leur influence actuelle d'après les travaux qui s'y rattachent, nous n'hésiterons point à le dire, ils ont presque déjà passé dans le domaine de l'histoire, non qu'ils n'aient encore de zélés partisans et des disciples sincères; mais ces partisans, ces disciples, il seroit facile de les compter, tandis l'immense majorité des écrivains philosophes offre à nos regards des juges plutôt que des continuateurs. La raison,de ce changement est à chercher dans la nouvelle direction qu'a prise la science en ces derniers temps. De rationnelle, de théorique, elle est devenue, si l'on peut s'exprimer ainsi, pragmatique. Hier on partoit de l'idée pour atteindre le fait, aujourd'hui c'est sur le fait que l'on s'appuie pour édifier l'idée. De là vient que, malgré ces chaires destinées à répandre les principes des premiers maîtres, chacun se fait maintenant un système de philosophie qui lui est propre et sur lequel il base ses travaux dans la branche des connoissances à laquelle il s'est attaché. De là vient que le juriste, |