BULLETIN DU BIBLIOPHILE, PAR MM. CH. NODIER ET PAULIN PARIS, Livres de l'éditeur. No 8. AOUT ET SEPTEMBRE. QUATRIEME SÉRIE. PARIS, TECHENER, ÉDiteur, place dE LA COLONNADE DU LOUVRE, N° 12. Notices contenues dans le huitième numéro du Bulletin du Bibliophile, 4 série. Recherches sur les livres xylographiques, par M. Marie Gui RECHERCHES SUR LES LIVRES XYLOGRAPHIQUES. (4 ARTICLE.) § XII. ARS MORIENDI. A aucune époque l'histoire littéraire ne présente plus de difficultés de toutes sortes que pendant le moyen âge; aussi, jusqu'à ce jour, la critique a-t-elle pour ainsi dire reculé devant des confusions qui semblent inextricables. Tantôt le même livre reparoît sous un autre titre et sous le nom d'un auteur nouveau ; tantôt plusieurs écrivains traitent le même sujet à l'imitation les uns des autres, et on est surpris de trouver dans des ouvrages, en apparence très-divers, des rapports et des liaisons qui les rattachent à la même famille, à une source unique : l'Ars moriendi, qui fait le sujet de cet article, est de ce nombre. Chaque éditeur, chaque traducteur, et ils sont nombreux, ont apporté à leur rédaction de notables changemens : les uns ont développé et ajouté; les autres, retranché ou amoindri; presque tous ont altéré considérablement l'œuvre première : de là une longue série d'erreurs dans les nomenclatures des bibliographes. Je serai le plus bref possible; cependant, avant de parler des éditions xylographiques de l'Ars moriendi, il faut indiquer sommairement les particularités qui distinguent chacune des principales transformations de ce livre, et examiner avec les critiques quel est l'auteur de l'ouvrage original, 21 * La rédaction que je regarde comme la plus ancienne est celle dont la première édition latine, qui porte une date, parut à Venise en 1478, sous le titre de Tractatus brevis ac valde utilis de arte et scientia bene moriendi (1). La préface commence ainsi : Cum de presentis seculi miseria: mortis transitus propter moriendi imperitiam multis non solum laicis verum etiam religiosis atque devotis difficilis nimis multumque periculosus immo etiam terribilis valde videatur plurimumque horribilis: Idcirco in presenti materia que de arte moriendi est, etc. L'ouvrage est divisé en six parties (particulas) la première est intitulée De laude mortis; la seconde : De quinque generibus tentationum (les tentations sont rangées dans l'ordre suivant: Fides, Desperatio, Impatientia, Complacentia sui ipsius, Dilectio rerum temporalium). La troisième partie est intitulée : De interroga tionibus fiendis a morituris; la quatrième : De instructione morituri et obsecrationibus ejus; la cinquième: De exhortationibus morituri ; et la sixième : De orationibus dicendis quando quis moritur. L'ouvrage finit par ces mots : Unde unicuique certe et secure mori volenti super omnia est necesse ut hec prius antequam eum mors occupet discat. Les critiques sont loin d'être d'accord sur l'auteur de cet Ars moriendi; les uns indiquent le cardinal Matthieu de Cracovie, évêque de Worms (2), et les autres le cardinal Dominique Capranica, évêque de Firmo (3). Deux éditions portent le nom du prélat allemand (4); quatre manuscrits et diverses éditions italiennes (1) In-4, 20 feuillets imprimés à longues lignes au nombre de 24 ou de 25 sur les pages entières, caractères romains, avec initiales et signatures a-b, sans chiffres ni réclames; sur le verso du feuillet 20 on lit la souscription suivante: Impressum est hoc opusculum Tenetiis per Lernardū pictorē et Erhardu ratdolt de Augusta una cu Petro loslein de langencen correc tore ac socio. M.CCCC.LXXVIII. (2) Le cardinal Matthieu de Krokov, plus connu sous le nom de Matthieu de Cracovie, n'est pas né dans cette ville, comme l'ont rapporté plusieurs biographes, mais à Krokov, château situé en Pomeranie; il professa la théologie à l'université de Prague, à Paris et à Heidelberg. Matthieu de Cracovie fut nommé évêque de Worms en 1405; dans un voyage qu'il fit à Rome en qualité d'ambassadeur de l'empereur Robert, comte Palatin, il reçut le chapeau de cardinal; ce célèbre théologien mourut le 5 mars 1410. (3) Le cardinal Dominique Capranica (et nou Jean de Capranica, comme disent Panzer et d'autres bibliographes), évêque de Firmo, est né en 1400 dans le territoire de Palestrine; il mourut le 1 septembre 1458. (4) La première de ces éditions est latine; imprimés à longues lignes au nombre de 27 elle contient 17 feuillets in-4 sur les pages entières sans nomment le prélat italien (1). La plupart des bibliographes (2) ont fait d'un seul et même livre deux ouvrages différens qu'ils attribuent tantôt à l'évèque de Firmo, tantôt à l'évêque de Worms, Essayons de découvrir auquel des deux théologiens appartient la rédaction originale. chiffres, signatures, réclames, initiales ni figures; aucune indication d'année, de ville ni d'imprimeur; l'ouvrage commence, feuillet 1 recto, ainsi : Incipit plogus in librum de arte morie di magistri mathei de Cracovia sacre the Um de psetis exilii miseria mor periculosus ymmo etiam terribilis et horribilis Le volume finit au feuillet 17 verso par la souscription suivante : Explicit liber utilis de arte mori Un exemplaire de cette édition est décrit dans le Catalogue de la bibliothèque de Gaignat (t. 1, p. 66, no 237) ainsi : Editio vetus et primaria, typis moguntinensibus excusa absque ulla indicatione anni, sed circa ann. 1470, in lucem mandata; le volume n'a pas été publié à Mayence, mais à Cologne; il est imprimé avec les caractères d'Ulic Zell. La seconde édition, où se trouve le nom de Matthieu de Cracovie, est allemande; elle a été signalée par Denis (a), Panzer (b) et Hain (c); elle ne contient aucune indication d'année, de ville ni d'imprimeur. (1) Hain indique six éditions italiennes qui portent le nom de Dominique Capranica (d); la première est de Florence 1477, elle commence ainsi : Incomincia el phemio del arte del bene morire cioe: in gratia di dio: compilato et composto per lo venerando padre monsignore Cardinale di Fermo anno domini M.CCCC.LII. M. Dibdin a décrit l'édition sans date attribuée à Ant. Miscomini de Florence (e). (2) Panzer, Hain, etc. (a) Annalium typographicorum Mich. Maittaire supplement. adornavit Michael Denis, part. II, pag. 548, no 4748. L'auteur ajoute: page 1, manu antiqua adscriptum : Dis ist von den alerersten getrukten büchlen eins M.CCCC.XXXXXV, in-12. (b) Zusätze zu den Annalen der ältern deutschen Litteratur. Leipzig, 1802, in-4, pag. 10, no 45. c. e) Repertorium bibliographicum, 1826-1838, in-8, vol. 1, part. II, pag. 208, no 5802. (d) Repert. bibliogr., vol. 1. part. II, nos 4394-4396, 400-4402. (e) The bibliographical decameron. London, 1817, in-8, t. 1, pag. 138-142. |