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Alexandre de Médicis, duc de Toscane, ayant montré sa main à un Grec, celui-ci lui prédit qu'il seroit assassiné; Alexandre fut tué dans un rendez-vous d'amour par son cousin Laurent. Le 24 septembre 1504, Barthélemi della Rocca, dit Coclès, célèbre chiromancien (1), tomba sous le fer d'un sbire d'Hermès Bentivoglio, fils de Jean II, tyran de Bologne: on raconte que Coclès avoit prévu sa fin tragique ; quand il sortoit de sa maison, il prenoit une épée pour se défendre, et mettoit sur sa tête une calotte de fer pour amortir les coups; quelques jours avant le crime, il dit au sbire qu'il étoit à la veille de commettre un meurtre. Le même Coclès annonça à l'astrologue Luc Gauric une mort cruelle et injuste; en effet, Gauric expira dans les tourmens de l'estrapade. Adrien Sicler, autre chiromancien non moins renommé, rencontra à Nîmes un homme qui portoit sur le pouce un certain signe indiquant qu'il périroit sur la roue (2); cet homme ne peut échapper à la marque fatale, il est roué en 1659. Un marin, Jacquin Caumont, avoit une marque à peu près pareille, et il fut pendu. Ces faits, plus ou moins authentiques, rapportés par les chiromanciens, n'ont pas peu contribué à grossir la famille de leurs adeptes.

Si les chiromanciens sont rares aujourd'hui, ceux d'autrefois nous ont laissé de nombreux écrits : des médecins, des mathématiciens, des philosophes ont fait un art de cette vaine science; ils ont érigé en préceptes les rêveries d'esprits malades, crédules ou trompés; cependant ces sortes d'ouvrages ont été lus avec avidité, tant les hommes sont désireux de fouiller les mystères d'un avenir toujours incertain.

La Chiromance royale et nouvelle d'Adrien Sicler, médecin spagyrique, est un des livres de ce genre les plus singuliers que j'aie vus; chose bizarre, l'auteur a dédié son œuvre à Camille de Neuf-Ville, archevêque de Lyon et primat de France; Sicler a séparé l'art de la chiromancie en deux parties, celle des hommes et celle des femmes ; distinction dont il fait sentir la nécessité, en

(1) L'ouvrage de Coclés est intitulé Physionomiæ ac Chiromantiæ Anastasis, sive compendium ex pluribus et pene infinitis autoribus, cum approbatione Alexandri Achillini. La première édition est de Bologne, 1504, in-fol. (2) Un cercle double en dehors et simple en dedans qui tourne autour du pouce à la hauteur de la première phalange.

observant judicieusement qu'une marque qui « promettra la crosse à un homme fera connoître l'adresse d'une femme à filer. » Je laisse à penser combien l'ignorance de la découverte de Sicler a dû jeter de confusion dans les prédictions de ses devanciers. L'auteur du Liber compoti cum commento, Lyon, 1492 (1), est un des premiers qui aient tiré des horoscopes du revers de la main. Un ouvrage complet est celui de Jo. Indagine, imprimé à Strasbourg en 1534, in-folio, orné de figures cabalistiques assez bien gravées. Le fameux Taisnierius a copié Coclès. Un livre très-digne d'être remarqué est celui de Trichassio da Cerasari; il fut traduit en françois ; c'est là et dans Sicler que Salgues (2) et Collin de Plancy (3) ont puisé; enfin le sieur de la Chambre, conseiller du roi en ses conseils et son médecin ordinaire, a traité le sujet ex professo; il prétendoit deviner et guérir les infirmités de ses malades au moyen de la chiromancie, attendu, dit-il, « que chaque partie noble a un certain endroit de la main qui lui est affecté et avec lequel elle a une liaison et une sympathie particulières (4). »

Le savant docteur Mart.-Ant. Del Rio distingue deux espèces de chiromancie, la chiromancie astrologique, qui procède en constatant les rapports des planètes avec les différens signes de la main, et la chiromancie physique; celle-ci se contente de connoître les mœurs et la destinée des individus, sans l'intervention des astres ; c'est dans cette dernière catégorie qu'il faut ranger l'ouvrage de Jean Hartlieb ; ce livre a été la source d'une foule de productions du même genre; les chiromanciens des siècles suivans lui ont fait de nombreux emprunts, et cependant pas un d'entre eux ne l'a nommé.

Jean Saubert est le premier bibliographe qui cite la chiromancie de Hartlieb (5); l'illustre Leibnitz a publié un mémoire pour fixer l'époque de son impression; Conrad de Uffenback est l'écrivain.

(1) La première édition est de Rome, 1486.

(2) Des Erreurs et des Préjugés, etc., édit. de 1818, t. 2, p. 48 et suiv. (3) Dictionnaire infernal, etc., édit. de 1825, t. 2, p. 169 et suiv.

:

(4) Les curieux de ces sortes d'écrits doivent consulter Michel Scott, Albert le Grand, le cardinal d'Ailly, Avicenne, Agrippa, Savonarole, Albufa rage, Isaac Kem-Ker, Melampus, Jean Cirus, Peruchio, Prætorius, Rom'. phile, Chalchindus, Adamantius, Blaise de Parme, Antoine du Moulin, le père Niquet, le curé Jean Belot, etc., etc.

(5) Historia bibliothecæ reip. noribergensis, 1643, in -16, p. 116.

qui en a fait la meilleure description (1); vient ensuite Heinecken (2), son travail négligé est moins complet que celui de Uffenbach. Beaucoup d'autres auteurs ont parlé du livre du docteur Hartlieb Maittaire (3), Leich (4), Schelhorn (5), de Murr (6), Schwartz (7), Steigenberger (8), Gemeiner (9), Panzer (10), la Serna Santander (11), Aretin (12), Jansen (13), M. Dibdin, qui a décrit l'exemplaire acheté 100 guinées par lord Spencer (14), Ebert (15), Heller (16), etc.

La chiromancie de Hartlieb est un petit in-folio contenant 24 feuillets avec signaturės A.-C. et 2 feuillets de couverture; en tout 26 feuillets (17), sans chiffres ni réclames; en tête du feuillet 1, recto, on lit:

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DIE KUNST CIROMANTIA.

Sous le titre, un ornement occupe la page entière (18), le verso

(1) Zach. conr. von Uffenbach Merkwürdige Reisen durch Niedersachen Holland und Engelland, 1753,t. 1, p. 3og et suiv. Uffenbach est mort en 1734: c'est Schelhorn qui a publié la relation de ses voyages, 3 vol. in-8. Cet ouvrage est rempli de détails intéressans sur les arts et l'histoire littéraire. (2) Nachrichten von Künstlern und Kunst-Sachen, t. 2, p. 238 et suiv. Idée générale, p. 479 et suiv.

(3) Annales typographici, 1719, t. 1, p. 16. Maittaire a copié Saubert.
(4) De origine et incrementis typographiæ lipsiensis, 1740, p. 121.
(5) De antiq. latinor. biblior. edit. diatribe, 1760, p. 13 et suiv.

(6) Journal zur Kunstgeschichte, 1776, t. 2, p. 108.

(7) Index novus librorum sub incunabula typographiæ impressorum, p. 17

et suiv.

(8) Rede von Entstehung und Aufnahme der kurfürstl. Bibliothek in Mün- chen, p. 15.

(9) Nachrichten von den in der Regensburgischen Stadtbibliothek befind-. lichen merkwürdigen und seltenen Büchern aus dem funfzehenden Jahrhundert, 1785, p. 1 et suiv.

(10) Annalen der ältern deutschen litteratur, 1788, p. 5, no 4.

(11) Dictionnaire bibliogr., t. 3, p. 3, uo 692, a.

(12) Beiträge zur Geschichte und literatur. München, in-8, t. 5, p. 173. (13) Essai sur l'origine de la gravure en bois et en taille-douce, 1808, t. 1, pag. 115 et suiv. Jansen a reproduit textuellement la traduction françoise de Heinecken.

(14) The bibliographical Decameron, 1817, t. 1, p. 143 et suiv.
(15) Allgemeines bibliographisches Lexikon, 1821, t.1, no 9309.
(16) Geschichte der Holzschneidekunst, 1823, p. 376, no 92.

(17) Et non 25, comme le disent Gemeiner, 1. c., p. 1, et Panzer, 1. c., p. 5. (18) Voy. dans Heinecken (Idée générale, no 27. a.) un fac-simile de la partie supérieure de ce premier feuillet.

du feuillet i et le recto du feuillet 2 sont blancs; l'ouvrage commence au feuillet 2, verso, ainsi :

as nach geschriben buch von der hannd halt zu

D teutsch gemacht Doctor hartlieb durch bett und hai

sung der durchleichtigen hochgebornen furstin frow Anna geboren von praunschweigg gemahel dem tugēt. reichen hochgelopten fursten hertzog Albrech hertzog zu bairë und graff zu voburg : das ist geschehen am fritag nach

ɔcepcionis maria virginis gloriosis 1448 (1).

Plus bas, et séparées par deux filets, se trouvent 7 autres lignes: Item so wissz das du wirst finden, etc. L'auteur explique qu'il prédit la destinée des hommes par la main droite et celle des femmes par la main gauche (2). Dans le bas de la page est une figure: Hartlieb, agenouillé, présente son livre à la princesse Anne, assise dans un grand fauteuil gothique; cette gravure est bien exécutée, le personnage du docteur n'est pas sans expression; M. Dibdin en a publié un fac-simile assez médiocre (3).

Sur le recto du feuillet 3, signé Aii, on lit 24 lignes de texte commençant par ces mots : Ian dich die lini des lebens, etc. Ici l'auteur indique quelques-uns des signes principaux qui révèlent au chiromancien le sort heureux ou funeste réservé à chaque individu. Au bas de la page est une nouvelle figure; divers personnages y accomplissent leurs destinées selon les prédictions de l'auteur; là un méchant meurt pendu, ici un mari est tué par sa femme; d'autres sont plus heureux : le Père éternel, placé dans un nuage, fait tomber sur eux une pluie d'or. Cette gravure est inférieure à la précédente pour l'exécution et le dessin; on en trouvera un facsimile dans l'Idée générale de Heinecken (4) et dans le Décaméron de M. Dibdin (5).

A partir du verso du feuillet 3 jusqu'au recto du feuillet 25, chaque page représente l'intérieur d'une main ouverte, plus

(1) « Le livre ci-après, traitant de la main, a été écrit en allemand par le << docteur Hartlieb à la prière et selon le désir de la sérénissime princesse Anne « née de Brunswick, épouse du très-loyal, très-vertueux et très-honoré prince duc Albert, duc de Bavière, et comte de Vohburg. Ceci s'est passé « le vendredi après la conception de la glorieuse Vierge Marie, 1448. » (2) Depuis Hartlieb, les chiromanciens ont encore modifié leur système; ils consultent la main gauche et jamais la droite.

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(3) Décaméron, t. 1, p. 144.

(4) Planche 28.

(5) Tom. 1, p. 145. M. Dibdin n'a publié que la partie droite de cette figure.

grande que nature; ces mains, correctement dessinées, sont remplies de figures bizarres et de signes cabalistiques; c'est une multitude de lignes qui se croisent et se dispersent à l'infini. Chacun de ces signes est accompagné d'un petit texte explicatif qui apprend le sort de celui qui a sur la main un signe analogue ; nous en citerons quelques exemples:

Main d'homme (feuillet 5, recto).

Un triangle sur une ligne 'allant obliquement de la base de la première phalange du pouce à la première phalange du doigt auriculaire. Ce signe indique une grande sagesse; Salomon l'avoit.

Main de femme (feuillet 7, verso).

Deux lignes qui partent de chaque côté du carpe et vont se rejoindre vers le milieu de la paume de la main. Une demoiselle qui sera séduite par un étudiant.

Main de femme (feuillet 11, verso).

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Une croix sur une ligne qui traverse la main, en partant de la base du pouce jusqu'à la face interne du carpe. Une femme qui

sera enterrée vivante.

Main d'homme (feuillet 17, recto.)

Un triangle sur l'éminence thénar. Ce signe annonce un homme qui sera assassiné par sa propre femme.

Les mains d'hommes sont placées sur le recto des feuillets, et les mains de femmes au verso. Au bas de la 42o et dernière main (feuillet 25, recto), on lit en dehors du filet d'encadrement :

IORG SCHAPFF zu augspurg (1).

Le verso du feuillet 25 et le recto du feuillet 26 sont blancs; sur le verso du 26o et dernier feuillet se trouve le titre déjà cité:

DIE KUNST CYROMANTIA.

(1) M. Dibdin a donné le fac-simile du pouce de la dernière main et du nom de l'imprimeur. (Décaméron, T. 1, p. 147.)

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