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exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans le territoire de la république, et d'en céder la propriété en tout ou en partie.

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L'art. 2 porte que « leurs héritiers ou cessionnaires jouiront du même droit durant l'espace de dix ans après la mort des auteurs. » Le décret du 5 février 1810, contenant règlement sur la librairie et l'imprimerie, étendit, dans son titre III, les dispositions de la loi de 1793. « Il garantit le droit de propriété à l'auteur et à sa veuve pendant leur vie, si les conventions matrimoniales de celle-ci lui en donnent le droit, et à leurs enfans pendant vingt ans,» au lieu de dix que la loi précédente avoit accordés.

Tel est l'état actuel de la législation Aucun acte directement relatif aux droits des auteurs n'a été rendu sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X.

Cependant les progrès de l'industrie et l'activité du commerce avoient répandu dans toutes les classes de la société une aisance jusqu'alors inconnue. On tentoit dans tous les genres de vastes entreprises, et la librairie avoit multiplié avec une étonnante rapidité la réimpression des ouvrages de tous nos grands écrivains. Une prodigieuse quantité de pièces nouvelles faisoient la fortune des auteurs et des comédiens. Dans cet état de prospérité générale, on songea aux familles des auteurs, et la pensée d'améliorer leur situation se présenta et fut saisie avec la vivacité qu'inspirent en France toutes les pensées généreuses. Une coinmission fut, en 1825, chargée de préparer un projet de loi, et s'en occupa avec un zèle qu'on ne sauroit trop louer. On ne donna à cette époque aucune suite à son travail, qui a été imprimé avec le procès-verbal de ses séances en I volume in-4.

En 1836, une nouvelle commission, présidée par notre honorable collègue M. le comte de Ségur, eut une semblable mission.

Ces deux commissions, composées de savans magistrats, d'hommes de lettres et d'artistes les plus distingués, avoient commencé, l'une et l'autre, par déclarer que la propriété littéraire étoit, ainsi que s'étoient exprimés l'avocat général Séguier en 1779, et les rapporteurs des lois de 1791 et 1793, la plus intime, la plus sacrée, la plus digne de la protection des lois. La conséquence de cette décla ration devoit être de lui appliquer toutes les règles qui concernent le droit absolu de propriété; mais les discussions les plus approfondies les ont conduites à revenir au système mitigé qui avoit précédemment prévalu.

En effet, un ouvrage, tant qu'il reste dans les mains de son auteur, a le caractère d'une propriété mobilière ordinaire. L'auteur peut le garder, le donner, le vendre, le détruire, en user, en un mot, comme il l'entend; mais, dès qu'il l'a livré au public, la société acquiert un droit sur l'ouvrage; il devient une sorte de propriété indivise entre l'auteur et la société. L'un et l'autre doivent jouir de la part qui leur est afférente : l'auteur, du produit de son œuvre, le public, du plaisir, ou de l'instruction qu'elle lui procure. Cette indivision ne doit porter aucun préjudice à l'auteur. Si la publication de son œuvre a modifié la nature de sa propriété, elle ne l'en a pas dépouillé ; il a renoncé au droit de la détruire, mais non à ce qu'elle a d'utile. Ainsi le droit exclusif d'en autoriser les diverses publications qui pourront en être faites lui appartient incontestablement pendant sa vie. La loi est ainsi plus favorable aux auteurs qu'aux inventeurs de procédés mécaniques, auxquels elle ne reconnoît qu'un droit temporaire dont le terme est déterminé par le brevet d'invention qui leur est accordé. Plus généreuse envers les productions que la pensée livre à la presse, ce n'est point à la période de cinq, de dix ou de quinze ans qu'elle borne la jouissance des auteurs; elle la garantit pour leur vie entière, non par suite d'un droit naturel constituant une véritable propriété, mais par l'effet d'une juste concession.

On s'est demandé si ce droit exceptionnel ne devroit pas s'éteindre avec la vie des auteurs. La société ne devroit-elle pas, au moment de leur décès, entrer dans la plénitude des droits qu'elle tient de la publicité donnée à l'ouvrage? C'est ce que beaucoup de bons esprits ont pensé. Mais, a-t-on dit, si l'on restreint ainsi les droits des auteurs, que devient le bienfait? Vous ne leur laisseriez que ce qu'il est impossible de leur ravir, vous ne leur accorderiez aucun avantage, et leur postérité resteroit après eux dans le besoin. Verra-t-on de sang-froid un descendant de Corneille réduit, peut-être, à demander l'aumône à la porte du théâtre où depuis deux siècles on applaudit Cinna? et d'abord un semblable malheur peut-il être à craindre de nos jours? ne pourrions-nous pas invoquer de nombreux exemples qui prouvent la sollicitude de nos princes, celle du public et celle de la loi, en faveur des veuves ou des descendans d'hommes qui ont honoré la France par leurs talens? Il ne faut point trop se préoccuper des écrivains dont le pays s'enorgueillit; ils forment une exception. Qu'il naisse des Corneille, la fortune ne leur

manquera pas plus que la gloire; mais la plupart des auteurs ne sont pas appelés à de si hautes destinées ; et c'est surtout pour ceuxci qu'une disposition générale et bienveillante est nécessaire.

On a donc voulu que le droit qu'on leur garantit ne s'éteignit pas immédiatement avec eux, et qu'il leur survécût pendant un certain temps en faveur de leur famille.

Il est à remarquer que, si l'ancienne législation paroissoit consacrer cette propriété, elle y avoit apporté de telles restrictions qu'elle l'avoit affoiblie au moment même qu'on la disoit absolue et transmissible à perpétuité. Si, après la révolution, on proclama encore le droit illimité des auteurs, vous venez de voir qu'en même temps la loi sur les théâtres borna cette propriété à la vie de l'auteur, et à cinq ans après sa mort, et qu'en 1793 la loi générale lui donna pour limites la vie de l'auteur et de sa veuve, et dix années de celle de ses enfans. Plus récemment, le gouvernement impérial suivit la même marche, puisqu'en favorisant davantage les auteurs, il restreignit cependant le droit de survie à vingt années pour leur descendance directe et le maintint à dix ans pour les autres héritiers.

Les commissions de 1825 et de 1836, composées d'hommes si éminens, et qui comptoient dans leur sein plusieurs de nos honorables collègues, déclarèrent aussi que la propriété littéraire est la plus sacrée ; et, néanmoins, le projet de loi qui sortit et de l'une et de l'autre de ces commissions ne la garantit encore que pour un temps déterminé.

Pourquoi cette différence perpétuelle entre les principes que l'on proclame et leur application, si ce n'est parce qu'en approfondissant la question on a reconnu qu'il étoit impossible de donner le caractère d'une propriété absolue et de droit commun à ce qui n'en est pas une? Aussi, quelque ingénieuses qu'aient été les diverses combinaisons qu'on a imaginées, soit pour faire acheter tous les manuscrits par le gouvernement, soit pour prélever sur le prix de vente des livres imprimés un droit proportionnel en faveur des auteurs et de leur postérité à tout jamais, et après elle en faveur de l'Etat, qui pourroit, par ce moyen, venir au secours des gens de lettres et des artistes, soit qu'afin d'éviter les embarras des partages on ait voulu conserver la propriété dans la descendance directe de l'auteur, et créer ainsi des espèces de majorats, on a toujours fini par reconnoître que, la pensée une fois émise, il importe qu'elle reste à la disposition de tous, et qu'il vienne enfin un moment où il ne

puisse point dépendre de la cupidité d'héritiers avares de priver la société des bienfaits des hommes de génie.

Ce principe établi, j'arrive à l'examen du projet qui vous est

soumis.

Le titre d'une loi ne doit pas donner une idée inexacte de la matière qu'elle est destinée à régir; et, comme les mots sont la représentation des idées, nous demanderons qu'on substitue, à ceux de loi sur la propriété littéraire ceux de loi relative aux droits des auteurs sur les productions dans les lettres et les arts. Ce titre sera plus conforme aux dispositions que nous allons développer devant vous.

TITRE PREMIER.

Les cinq premiers articles ne nous ont paru susceptibles d'aucun amendement.

L'article 2 est le plus essentiel, puisqu'il détermine le temps pendant lequel le droit garanti aux auteurs pourra leur survivre. Le désir de favoriser autant que cela seroit possible leurs familles a constamment animé les rédacteurs de la loi. Ils auroient voulu, et votre commission partageait à cet égard tous leurs vœux, pouvoir prolonger ce temps. Ils n'ont été arrêtés que par des considérations puissantes, et dont il n'étoit pas permis de ne point tenir compte. Vous avez vu que le droit des héritiers des auteurs a été borné, dans quelques cas, à cinq ans, puis élevé à dix, et enfin porté à vingt par le décret de 1810. La commission de 1825 et celle de 1836 avoient proposé le terme de cinquante ans. Malgré ses intentions bienveillantes, le gouvernement a trouvé cette durée trop étendue ; il a considéré que le droit exclusif de publication ainsi prolongé, au lieu de servir les intérêts de la descendance des auteurs, seroit un encouragement à la contrefaçon, comme le sont à la contrebande les prohibitions en matière de commerce.

La vente des livres est un commerce auquel il ne faut pas donner trop d'entraves si l'on veut qu'il prospère. Les priviléges prolongés ont nécessairement pour effet d'arrêter les spéculations les plus utiles au pays. C'est pour favoriser l'industrie que les découvertes dans les sciences, dont quelques-unes ont changé la face du monde et font l'orgueil de l'humanité, dont un grand nombre enrichit tout un pays, ne procurent à leurs inventeurs qu'un privilége momentané et fort court. On avoit songé à donner au droit de survie

des auteurs tout le temps de la vie de leurs enfans et petits-enfans ; mais la durée d'une pareille fixation, étant éventuelle, auroit l'inconvénient de nuire à des transactions qui ne peuvent être utiles aux parties contractantes qu'autant qu'elles reposent sur une base certaine. Rien ne l'est moins que la vie des hommes, et l'on a préféré, avec raison, ainsi que la loi existante l'a fait, une période fixe d'années, qui est la même pour tous, et qui permet d'aliéner et d'acheter, avec toute assurance. Ce mode a, de plus, l'avantage d'établir l'égalité entre les auteurs; en sorte que leurs ayans cause jouissent tous du même privilége.

La fixation du nombre d'années étant arbitraire, celle de cinquante, équivalente à deux générations, selon les supputations or dinaires, avoit été, ainsi qu'on l'a vu, proposée par les commissions de 1825 et 1836. Le gouvernement a adopté le terme de trente ans, égal à celui qui est accordé dans les pays où les auteurs sont traités de la manière la plus favorable. Cette période assure encore un avantage réel aux familles des auteurs, dont la jouissance est ainsi prolongée de dix ans. Il n'est pas indifférent, d'ailleurs, dans la prévision d'une loi internationale dont la possibilité sourit aux amis des lettres, de ne pas donner à la loi françoise des bases trop différentes de celles qui ont été adoptées par les gouvernemens étrangers; et ce n'est jusqu'ici que dans les États prussiens qu'une jouissance aussi longue a été accordée aux héritiers des auteurs (1).

(1) La législation angloise sur le droit de copie (copy-right), dénomination qui a été aussi adoptée en Allemagne, et qui, pour le dire en passant, est beaucoup plus exacte que celle de propriété littéraire, ne remonte qu'à l'année 1710, la huitième du règne de la reine Anne. Elle a été complétée en 1735, 1775, 1794, 1801 et 1814. Elle fixe le droit exclusif de l'auteur et de ses ayans cause à vingt-huit ans, à compter de la première publication de l'ouvrage. Toutefois, si l'auteur vit encore à l'expiration des vingt-huit ans, le droit exclusif de publication continue jusqu'à sa mort. Un acte du 10 juin 1833 a accorde la même jouissance aux auteurs dramatiques.

Dans les États-Unis d'Amérique, une loi du 3 février 1831 accorde, comme en Angleterre, le droit exclusif de copie pour vingt-huit ans à compter de la première publication. Ce droit peut être prorogé de quatorze autres années, si l'auteur est encore vivant après les vingt-huit ans, ou si, à son décès, il a laissé une veuve ou des enfans. Ce supplément de jouissance n'est accordé qu'après avoir rempli de nouveau toutes les conditions prescrites pour acquérir originairement le droit de propriété exclusive. Une loi additionnelle du 30 juin 1834 ordonne que tout acte ou contrat de transport ou de cession seroit soumis aux formes usitées pour les aliénations d'immeubles.

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