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ni de tous les tourments qu'il souffrit par la haine et la barbarie des Juifs, ne lui seroit plus odieux, et en ce sens plus douloureux, que le crime du chrétien qui, par un sacrilége, profane le sacrement de son corps et de son sang. Voilà, Seigneur, ce que la malice des hommes vous réservoit. Vous ne fûtes crucifié qu'une fois au Calvaire: combien de fois l'avez-vous été et l'êtes-vous dans vos temples et jusque dans votre sanctuaire!

SECOND POINT. Condamnation et ruine du pécheur la plus funeste: autre conjecture qui nous donne à connoître quelle violence le pécheur fait à Jésus-Christ par une communion sacrilége. Le Fils de Dieu ayant pensé à nous de toute éternité et nous ayant aimés, il est venu parmi nous dans la plénitude des temps, et s'est chargé de toutes nos misères, non seulement comme réparateur de la gloire de Dieu, mais comme rédempteur des hommes et leur médiateur auprès de Dieu. Il est donc certain que rien, après la gloire divine, ne l'a touché plus fortement que ce grand ouvrage du salut et de la rédemption du monde. C'est ce qui l'a attiré sur la terre; c'est pour cela qu'il étoit envoyé, et c'est à quoi il a travaillé sans interruption jusques au dernier moment de sa vie. Or ce salut qu'il avoit en vue, qui lui fut si cher, c'étoit le prix de sa croix et de toutes les ignominies, de toutes les douleurs de sa passion : c'étoit là la fin où il aspiroit; et souhaitant la fin avec tant d'ardeur, ce desir si vif et si empressé devoit lui faire prendre avec moins de peine le moyen nécessaire pour y parvenir. Mais quel est le fruit malheureux d'une communion sacrilege? à quoi se termine-t-elle ? Je l'ai dit : à la plus terrible condamnation du pécheur et à sa ruine.

et

Car, prenez garde, il devient coupable devant Dieu du corps et du sang de Jésus-Christ: c'est l'expression de l'Apôtre. De là, selon les termes formels du même apôtre, en mangeant le corps et buvant le sang de Jésus-Christ, il marge et boit son propre jugement. Pour comble de malheur, il tombe dans un affreux abandonnement de la part de Dieu : d'où suit enfin une mortelle indifférence pour les choses de Dieu et pour le salut, qui le conduit à la perte entière de son ame. Que dis-je, à la perte de son ame! de cette ame si précieuse à Jésus-Christ, de cette ame la conquête de Jésus-Christ et comme son héritage, de cette ame que Jésus-Christ vouloit nourrir, conserver, avancer, élever à la gloire et à la béatitude éternelle, par l'efficace et la vertu de ce sacrement. Hé quoi! ce même sacrement qui devoit lui donner la vie, c'est ce qui lui donne la mort ? ce même corps, ce même sang de son Sauveur qui devoit la sanctifier, c'est, par l'abus qu'il en fait, ce qui l'infecte, ce qui la noircit, ce qui la rend abominable devant Dieu, ce qui lui imprime un caractère de réprobation, et qui la damne? Dieu de miséricorde, Dieu rédempteur, quels sont sur cela vos sentiments? Jamais vites-vous avec plus d'horreur la

croix où vous fûtes attaché, et tout le fiel dont on vous abreuva eutil rien pour vous de si amer? Mettons ceci dans un nouveau jour, et expliquons-nous.

1. Il devient coupable devant Dieu, et par conséquent responsable à Dieu du corps et du sang de Jésus-Christ. Il en devient coupable, dit le Docteur des nations, puisqu'il profane l'un et l'autre, puisqu'il traite indignement l'un et l'autre, puisqu'il ne fait pas de l'un et de l'autre le discernement qu'ils méritent par tant de titres. Et dès qu'il s'en rend coupable, il en est responsable à Dieu, puisque l'offense remonte jusques à Dieu même, puisque c'est le corps et le sang du Fils de Dieu, puisque Dieu, jaloux de l'honneur de son Christ, et souverainement équitable, ne peut laisser impunis une profanation et un abus si énormes. Ce sang donc, ce sang qui coula sur la croix pour la justification du pécheur, retombe sur lui pour sa damnation. Ce sang, dont la voix, plus éloquente que celle du sang d'Abel, s'élevoit pour lui vers le ciel et crioit miséricorde, crie vengeance contre lui. Quel changement! quel renversement! Qu'il se l'impute à soi-même. C'est toujours le même sang qui devoit être sa rançon ; mais à son égard (je puis le dire, et les Pères l'ont dit avant moi), il en fait le plus contagieux et le plus subtil poison. C'est toujours le même Sauveur qui vouloit le défendre et lui servir d'avocat ; mais il en fait son témoin le plus irréprochable et son plus dangereux accu

sateur.

2. En mangeant le corps et buvant le sang de Jésus-Christ, il mange et il boit son propre jugement. Et en effet, ce témoin, cet accusateur que le pécheur reçoit au-dedans de lui-même et qu'il suscite contre lui-même, c'est en même temps son juge, mais un juge ́ennemi, mais un juge irrité, parceque c'est un juge outragé. Il n'est point besoin d'un autre tribunal que la table du Seigneur ; il ne faut point aller plus loin. C'est là que le crime se commet: il est sans excuse, il est constant et avéré. C'est donc là que le Seigneur, présent en personne, prononce sur l'heure contre le criminel le même anathème qu'il prononça dans une pareille conjoncture contre ce disciple qui le trahissoit: Malheur à cet homme (MATTH., 26)! Malheur, parceque plus le sacrement qu'il viole est saint, plus il se rend coupable; et que plus il est coupable, plus le châtiment qu'on lui prépare sera rigoureux. Il vaudroit mieux pour cet homme de n'être jamais né (Ibid.). Jugement ratifié dans le ciel à l'instant même qu'il est porté sur la

terre.

5. Il tombe dans un affreux abandonnement de la part de Dieu. De n'avoir pas profité d'une grace et de l'avoir reçue en vain, c'est assez pour arrêter le cours de certaines graces que Dieu nous destinoit, et pour l'engager à les retirer: que sera-ce de recevoir l'auteur de la grace, le principe et la source de toutes les graces, je ne dis pas inutilement et sans fruit, mais criminellement, mais sacrilégement? Car B. 5.

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il ne s'agit pas seulement ici d'une simple omission, d'une simple résis tance à la grace, en ne faisant pas ce que la grace inspire; mais d'un sacrilege actuel et formel, mais de l'attentat le plus noir, en profanant le divin mystère. Je dis de l'attentat le plus noir, parceque c'est souvent un attentat médité, prévu, concerté, fait avec connoissance et d'un sens rassis, malgré mille remords, malgré mille reproches intérieurs de l'ame qui répugne, qui hésite, qui voit à quel excès elle se laisse emporter et à quoi elle s'expose. Après cela, nous paroîtra-t-il étrange qu'elle soit délaissée de Dieu et livrée à elle-même? Ainsi le fut Judas, quand le Sauveur du monde, au moment qu'il eut communié, lui dit: Ce que vous avez résolu de faire, faites-le au plus tôt (Joan., 15). Comme s'il lui eût dit: Je vous ai averti, je vous ai sollicité et pressé; rien n'a pu vaincre votre obstination: allez donc, etagissez; périssez, puisque vous voulez périr.

4. De là indifférence mortelle pour les choses de Dieu et pour le salut. Abandonné de Dieu et privé des graces qui lui étoient réservées, comment seroit-il touché de quelque chose par rapport à Dieu et au salut de son ame? Pour acquérir l'habitude d'une vertu, il ne faut quelquefois qu'une seule victoire qu'on a remportée sur soi-même, qu'une seule violence qu'on s'est faite, qu'un acte héroïque qu'on a pratiqué dans l'occasion. Or il en va de même, ou à peu près de même, à l'égard du crime. Il y en a d'une telle nature, qu'il suffit de les commettre une fois pour rompre tous les liens qui nous retenoient, et pour s'ouvrir une carrière libre dans les voies de l'iniquité : on secoue le joug, on ne ménage plus rien. C'étoit en effet un joug pour plusieurs que l'obligation d'approcher du sacrement de Jésus-Christ à certains temps de l'année où l'on ne pouvoit guère s'en dispenser; c'étoit un frein qui gênoit et qui incommodoit. La vue d'une communion prochaine troubloit, inquiétoit, engageoit à prendre quelques mesures pour calmer une conscience encore timide, ou plutôt pour l'assoupir et l'endormir. Mais quand, fatigué de ces inquiétudes et de ces troubles, on a pris le plus court moyen de s'en affranchir en communiant avec son péché, c'est alors que la passion émancipée, pour ainsi parler, et tirée de servitude, se livre à tout sans règle et sans nulle considération. Une communion faite indignement affermit contre la crainte d'une seconde, et en diminue l'horreur. De cette sorte on vit tranquille dans ses désordres; on se sert même de la communion comme d'un voile pour les couvrir et les tenir cachés. Ils se multiplient sans obstacles et presque à l'infini. Quel fonds de corruption, où, de jour en jour, on se plonge plus avant et on s'abime! Quelle impénitence commencée dans la vie, pour être, hélas! par le plus redoutable châtiment, consommée à la mort!

Voilà donc, chrétiens Auditeurs, pour vous remettre sous les yeux tout le plan de ce discours, et pour vous en retracer l'idée, voilà l'extrême violence que le pécheur sacrilege fait à Jésus-Christ, voilà l'es

sentielle différence que j'ai marquée entre cette croix matérielle où il mourut par la conjuration des Juifs, et cette croix spirituelle où il est attaché par une communion indigne. Il accepta l'une d'une volonté pleine et parfaite, parcequ'il y envisageoit l'honneur de Dieu et l'avantage de l'homme; mais il déteste l'autre, il l'abhorre, parcequ'il y voit tout à la fois, et Dieu déshonoré, et l'homme perdu. Dans le fort de sa douleur, aux approches de sa passion, il disoit à son Père, en se résignant: Que votre volonté soit faite, et non la mienne (Luc, 22), qui doit se conformer à la vôtre; mais c'est ce qu'il ne peut dire ici, puisqu'une communion sacrilége ne peut être de la volonté du Père, ni de la volonté du Fils. Il ne lui reste que de renouveler la plainte de son prophète: C'est en vain que j'ai travaillé; en vain, ame criminelle, que j'ai consumé pour vous toute ma force (ISAI., 46). Je vous avois sauvée par la croix; mais le fruit de cette croix, où j'avois opéré l'œuvre de votre salut, vous le détruisez par une autre croix que vous m'avez dressée dans votre cœur, Plainte accompagnée d'une menace formidable car, ajoute le prophète, ou Jésus-Christ même dans la personne du prophète, le Seigneur, ce Père tout puissant, me fera justice. S'il tient maintenant ses coups suspendus, il aura son temps pour frapper, et son bras doit s'appesantir sur vous d'autant plus rudement que c'est le sang de son Fils qu'il vengera.

Pensons-y, mes Frères, et tremblons. Les jugements de Dieu sont à craindre pour tous les pécheurs, mais surtout pour les pécheurs sacriléges. Nous savons à quel désespoir Judas fut abandonné de Dieu, et à quelle fin malheureuse il s'abandonna lui-même, après avoir profané le sacré mystère nouvellement institué. Il est moins ordinaire, j'en conviens, de le profaner d'une vue aussi délibérée; mais de s'y exposer, mais de se mettre là-dessus dans un danger évident et prochain, par l'extrême négligence avec laquelle on se présente à la sainte table, c'est ce qui n'arrive que trop fréquemment, et de quoi nous ne pouvons nous préserver avec trop de soin. Quelque bien disposés que fussent les apôtres, et quoique le Fils de Dieu leur eût lavé les pieds, en signe de cette pureté intérieure de l'ame qu'ils devoient avoir et qu'ils avoient en effet, toutefois, lorsque, sur le point de les communier, il leur déclara, ainsi que je l'ai dit, qu'il y avoit un traître parmi eux et un profanateur, ils furent saisis d'une crainte religieuse. Aucun ne présuma de lui-même ni de son état; mais ils s'écrièrent tous en général et chacun pour soi: Seroit-ce moi, Seigneur? Prenons ce sentiment, sans rien perdre néanmoins d'une confiance raisonnable et chrétienne. Nettoyons, lavons, purifions notre cœur; effaçons, autant qu'il dépend de nous, avec le secours du ciel, jusques aux moindres taches; et du reste, malgré toutes nos précautions, défions-nous encore de nous-mêmes, et ne comptons point sur nous-mêmes. Je vais à vous, Seigneur, je vais à votre autel, où vous m'invitez et où vous voulez vous donner à moi : mais comment y vais-je, et en quelle disposition?

Vous le voyez mieux que moi, puisque vous me connoissez mieux que je ne me connois moi-même. Ah! mon Dieu, n'y a-t-il point dans mon ame quelque venin secret qui la corrompe? suis-je dans votre grace? Je n'en ai point de certitude; mais du moins ce que je sais, c'est que je souhaite d'y être, c'est que je crois de bonne foi n'avoir rien épargné ni rien omis pour y être. Voilà, Seigneur, tout ce que je puis de ma part; et vous, par votre miséricorde, vous suppléerez, comme je l'espère, à tout ce qui me manque.

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David et omnis domus Israël ducebant arcam testamenti Domini in 'jubilo et in clangore buccinæ.

David et toute la maison d'Israël conduisoient l'arche du Seigneur au milieu des cris de joie et au son des trompettes. Au 2o livre des Rois, chap. VI.

Jamais le saint roi d'Israël et l'innombrable multitude du peuple qui l'accompagnoit ne furent remplis d'une joie plus pure, ni ne témoignèrent plus de zèle pour la gloire du Seigneur, que lorsqu'avec l'appareil le plus pompeux, et parmi les acclamations publiques, ils conduisirent l'arche du testament et la placèrent dans la capitale de l'empire. Ce fut pour cette arche, après avoir renversé l'idole de Dagon, après avoir mis en déroute l'armée des Philistins, après avoir attiré sur le pieux Obédédom et sur toute sa famille les bénédictions du ciel, ce fut, dis-je, pour cette arche victorieuse comme un triomphe. Tout Israël y applaudit, tout l'air retentit de chants d'allégresse, et David ne ménagea rien pour contribuer à la célébrité de cette fête. Belle figure, mes chers Auditeurs, qui, dans une comparaison très naturelle, nous représente ce qui se passe en ces saints jours à l'égard du sacrement de Jésus-Christ. Qu'est-ce que ce sacrement adorable? Dans la pensée des Pères et des interprètes, c'est l'arche de la nouvelle alliance. Et comment l'Église veut-elle surtout que ce sacrement soit honoré dans cette octave qu'elle a établie et qu'elle lui consacre? On le porte publiquement et processionnellement : tout le peuple fidèle s'assemble autour du char où il est élevé ; le concours est universel, et voilà ce que j'appelle son triomphe. Religieuses processions et augustes cérémonies dont je me suis proposé de vous entretenir; car, après vous avoir fait voir Jésus-Christ outragé dans son sacrement, insulté, persécuté, crucifié, il faut maintenant, pour effacer de si tristes idées, vous le faire considérer victorieux et triomphant. Ainsi les évangélistes, après nous avoir fait le détail des mystères de sa vie souffrante et de toutes les ignominies de sa mort, nous racontent les merveilles de sa résurrection, et peignent à nos yeux la gloire de son ascension au ciel. Quoi qu'il en soit, voici en trois mots le partage de

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