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VIII. Quoi donc! le dessein de Jésus-Christ est-il absolument ruiné? Il est descendu parmi nous, et il a voulu vivre au milieu de nous, pour publier dans le monde la gloire de son Père: mais dans la suite des siècles, a-t-il été frustré de son attente? Non, sans doute; mais, outre ce monde perverti qui ferme les yeux à la lumière que le Sauveur des hommes est venu nous présenter, il y a un autre monde, un monde fidèle, un monde prédestiné, le petit monde des Justes et des élus. Ce sont ceux-là que Jésus-Christ s'est réservés, et qu'il se réserve encore; c'est à ceux-là qu'il est donné de connoître les mystères de Dieu, et en particulier le mystère d'un Dieu fait homme. Oui, c'est à vous, dit saint Bernard, à vous qui êtes humbles, à vous qui êtes soumis et obéissants, à vous qui êtes modestes dans votre condition, et qui ne cherchez point à vous élever au-dessus de vousmêmes par un orgueil présomptueux; à vous qui veillez sur toute votre conduite et sur toutes vos démarches pour les régler; à vous enfin qui vous appliquez à méditer les perfections de votre Dieu et à pratiquer sa loi.

IX. Plaise au ciel que nous soyons de ce monde chrétien! Ouvrons les yeux de la foi, et dans le cours de cet Avent, admirons les merveilles du Seigneur. Rendons-nous attentifs à la voix de cet enfant, qui, du sein de sa mère où il est encore caché, nous invite à louer Dieu, à le bénir, et à lui dire avec toute l'Église : J'ai considéré vos œuvres, Seigneur, et j'en ai été saisi d'étonnement (Offic. Eccles.). Car voilà votre ouvrage, ô mon Dieu! voilà l'ouvrage de votre bras tout puissant. A en juger par les dehors, je n'y vois rien que de commun, rien même que de bas et de rebutant; mais c'est en cela même qu'est le prodige. Où votre gloire devroit être ensevelie et anéantie, c'est là que vous la faites paroître dans toute sa splendeur; et plus vous semblez l'obscurcir dans de profondes ténèbres, plus vous lui donnez de lustre et en rehaussez l'éclat. Heureux que vous en fassiez rejaillir sur moi les rayons, et que vous m'ayez dessillé les yeux pour me la faire apercevoir à travers les ombres qui la couvrent! Que le monde envisage vos abaissements avec mépris, et qu'il s'en scandalise : pour moi, malgré le scandale du monde et ses fausses idées, je redirai mille fois, et je ne cesserai point de chanter avec toute la cour céleste: Gloire à Dieu dans toute l'étendue de la terre et jusqu'au plus haut des cieux (Luc., 2) ! § II. Comment Jésus-Christ vient combattre parmi les hommes, et y détruire tous les ennemis de la gloire de Dieu.

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1. Jésus-Christ fait plus encore. Pour mieux établir parmi les hommes la gloire de Dieu, il vient détruire tous les ennemis qui la combattoient. Dieu avoit trois grands ennemis de sa gloire : le démon, le péché et les biens de la terre, ou plutôt l'amour déréglé des biens de la terre. Le démon avoit usurpé un empire si absolu sur les ames, que, de l'aveu même de Jésus-Christ, il passoit pour le prince du

monde, et l'étoit en effet, non par une puissance légitime, mais par une possession tyrannique. Le péché, dit saint Paul, régnoit depuis Adam jusqu'à Moïse, et depuis Moïse jusqu'à Jésus-Christ, causant partout de tristes ravages, désolant le royaume de Dieu, et suscitant contre lui ses propres créatures. Enfin, l'amour déréglé des biens de la terre dominoit presque dans tous les cœurs, où les hommes l'avoient placé comme leur idole, et auquel ils sacrifioient leur conscience et leur salut. Voilà, dis-je, les trois ennemis que le Fils de Dieu est venu attaquer, et sur lesquels il a remporté de signalés avantages pour la gloire de son père.

11. Cela est si vrai, que le démon n'attend pas même le jour où ce Messie devoit naître, pour lui céder la place. Si nous en croyons les auteurs païens, qui ne peuvent être suspects lorsqu'ils rendent témoignage à notre religion, peu de temps avant la naissance de JésusChrist, on vit tomber les idoles des faux dieux, où l'esprit de mensonge se faisoit adorer. Tous les oracles se turent, hors ceux qui annonçoient la venue de ce Dieu-Homme; et plus d'une fois les puissances infernales furent forcées d'avouer que leur règne étoit fini, et qu'un maître au-dessus de tous les maîtres approchoit pour gouverner le monde et le soumettre à la loi du vrai Dieu. En quoi s'accomplit par avance cette parole de l'Évangile : C'est maintenant que le monde va être jugé, et que le prince de ce monde en sera banni (JOAN., 12).

III. Ce n'étoit là néanmoins que des présages de ce que JésusChrist devoit faire pour détruire le péché: autre ennemi non moins difficile à vaincre, ni moins opposé à la gloire de Dieu. Afin de bien entendre ce point, il faut supposer d'abord une vérité que la foi nous enseigne, et qui est indubitable, savoir, que tout ce qui s'est passé, et dans l'incarnation, et dans la naissance du Sauveur qui l'a suivie, n'a rien eu de fortuit à son égard; mais que tout a été de son choix, et qu'il n'y a pas une circonstance qu'il n'ait prévue en particulier, et qu'il n'ait lui-même déterminée. Les autres enfants, dit saint Bernard, ne choisissent ni le temps où ils naissent, ni le lieu de leur patrie, ni les personnes dont ils reçoivent le jour, parcequ'ils n'ont pas la raison pour en délibérer, ni le pouvoir pour en ordonner; mais le Fils de Dieu avoit l'un et l'autre ; et comme dans la suite des années il devoit mourir, parcequ'il le voudroit et de la manière qu'il le voudroit, aussi il s'est incarné, et il est né dans le monde, parcequ'il l'a voulu, et de la manière qu'il l'a voulu. Si bien que tout ce que les évangélistes nous ont appris, soit de son incarnation, soit de sa nativité; la pauvreté de Marie sa mère, l'obscurité de Joseph réputé son père, la rigueur de la saison où il a pris naissance, le plein dénuement et l'abandonnement général où il s'est trouvé, sont autant de moyens dont il a prétendu se servir pour la fin qu'il s'étoit proposée.

IV. De là il nous est aisé de voir comment tout cela en effet tend à la ruine du péché. Car le Sauveur du monde vient travailler à dé

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truire le péché, parceque, ainsi que nous l'avons déja remarqué, il vient satisfaire pour les péchés des hommes, et présenter à Dieu le sacrifice de notre salut. Que lui manque-t-il dès maintenant pour être la victime de ce sacrifice, et une victime parfaite? La victime, disent les théologiens, doit être changée et comme transformée: or quel changement qu'un Dieu sous la forme d'un homme (Philip., 2)! Lạ victime doit être humiliée; et quelle humiliation qu'un Dieu réduit à l'état d'un enfant, et à l'état même d'un esclave! La victime doit être dépouillée; et est-il un dépouillement semblable à celui d'un Dieu qui ne doit avoir en naissant, pour retraite, qu'une étable, et pour berceau qu'une crèche? La victime doit mourir, et il est vrai que Jésus-Christ n'a pas même encore paru au monde; mais naître comme bientôt il naîtra, et comme il s'y prépare, dans la souffrance et la douleur, exposé à toutes les injures de l'air, n'est-ce pas une espèce de mort? Voilà donc le sacrifice commencé, quoiqu'il ne soit pas achevé; et par conséquent saint Bernard a raison de dire que le péché reçoit ici une rude et violente atteinte. Si ce Dieu Sauveur ne l'efface pas déja par son sang, au lieu de sang il va verser des larmes; et ces larmes, dit saint Ambroise, ce sont des eaux salutaires qui laveront les crimes de ma vie. Larmes d'autant plus précieuses, qu'elles seront plus glorieuses à Dieu, et qu'elles le vengeront de l'ennemi le plus mortel et le plus irréconciliable.

V. Il faut après tout convenir que la destruction du péché ne seroit pas encore complète, si le même Sauveur n'en coupoit la racine la plus féconde et la plus contagieuse, qui est la cupidité, ou l'amour déréglé des biens de la terre. Or, il vient attaquer ce puissant ennemi en deux manières, l'une à l'égard des élus, et l'autre à l'égard des réprouvés; l'une à l'égard des Justes et des vrais fidèles, et l'autre à l'égard des impies et des mondains. Dans les Justes et les ames fidèles, il triomphera de cette affection désordonnée aux richesses du monde, aux honneurs du monde, aux plaisirs du monde, en la leur arrachant du cœur et dans les mondains et les impies, il la combattra au moins en la condamnant, en la frappant d'anathème, en la rendant moins excusable et plus criminelle devant Dieu.

VI. Sommes-nous chrétiens, c'est-à-dire sommes-nous de ces ames dociles, de ces ames heureusement disposées à recevoir les impressions de la grace de Jésus-Christ et à profiter de ses exemples; la vue de ce Dieu-Homme doit faire immanquablement mourir dans nos cœurs toute convoitise, et nous détacher de tout ce qui s'appelle biens temporels. Car le moyen alors de le voir pauvre, et de vouloir vivre dans l'opulence; de le voir abaissé, et de vouloir vivre dans l'élévation; de le voir souffrant et mortifié, et de vouloir jouir de toutes les commodités et vivre dans les délices? Voilà ce qui a formé dans le christianisme tant de pauvres volontaires et tant de pénitents. Voilà ce qui a rempli, dans les premiers siècles de l'Église, les déserts de solitaires. Voilà ce

qui remplit encore de nos jours les monastères de religieux, et ce qui leur fait quitter tout avec joie, mépriser tout, renoncer pour jamais à tout. Mais sommes-nous de ce monde réprouvé, de ce monde avare et intéressé, de ce monde ambitieux et vain, de ce monde sensuel et voluptueux, de ce monde insensible à tous les enseignements que vient nous donner cet Enfant-Dieu : quels arrêts de condamnation ne va-til pas porter contre nous? quels foudres ne fera-t-il pas gronder sur nos têtes? de quels malheurs ne nous menacera-t-il pas, et quel témoignage ne rendra-t-il pas devant son Père pour notre conviction et pour notre perte éternelle?

VII. Il n'y a point de cœur si endurci qui ne doive être ému de tout cela, et c'est ce qui a touché un grand nombre de mondains. Mais quoi qu'il en soit des autres, faisons-y toute la réflexion que demande l'importance de la chose. N'attirons pas sur nous un jugement aussi formidable que celui des humiliations et des souffrances d'un Dieu incarné. Que le fruit de cet Avent soit de nous mettre en état de le faire naître en nous d'une naissance toute spirituelle et toute sainte. Or nous nous mettrons dans cette heureuse disposition en nous conformant à lui d'esprit, de cœur et de conduite. Voilà quel doit être le principal sujet de nos entretiens intérieurs, de nos méditations, de nos oraisons, de nos résolutions. Ajoutons au triomphe de JésusChrist, vainqueur de tous les ennemis de la gloire de Dieu, la victoire qu'il remportera sur nous-mêmes, et que nous lui céderons. Pa-rlà nous pourrons entrer au rang des Justes et des prédestinés; par-là nous mériterons de célébrer avec eux les grandeurs de Dieu, et de le glorifier éternellement dans le ciel, après l'avoir glorifié sur la terre. § III. Comment Jésus-Christ vient allumer dans le cœur des hommes un zèle ardent pour la gloire de Dieu.

I. Enfin Jésus-Christ vient allumer dans le cœur des hommes un saint zèle pour la gloire de Dieu : comment cela? Premièrement, par la haute estime qu'il nous donne de cette gloire de Dieu; et secondement, par l'intérêt propre et essentiel qu'il nous fait trouver dans cette gloire de Dieu.

II. Car quand nous nous appliquons à considérer le mystère de l'incarnation divine, et que voyant Jésus-Christ dans l'état où la foi -nous le propose, nous venons à faire ces réflexions, que c'est pour réparer la gloire de Dieu, qu'un Dieu est descendu du trône de sa majesté, et qu'il n'a pas cru que ce fut une condition trop onéreuse, de s'avilir de la sorte et de s'anéantir; qu'il n'a point connu de moyen plus propre que celui-là, ni d'autre prix qui pût égaler le bien qu'il avoit à rétablir; que malgré tout ce qu'il lui en devoit coûter, il a mieux aimé s'assujettir aux dernières extrémités de la misère humaine, que de ne pas rendre à son Père toute la gloire qui lui avoit été ravie, et de lui en laisser perdre le moindre degré : pour peu que

nous raisonnions et que nous comprenions ces principes, voici les conséquences qui se présentent d'elles-mêmes et que nous sommes obligés d'en tirer. Que la gloire de Dieu est donc un bien au-dessus de Tous les biens, puisqu'il n'y a point, hors Dieu, d'autre bien à quoi le Fils de Dieu n'ait renoncé pour le rétablissement de cette gloire. Qu'il n'y a donc rien que nous ne devions sacrifier à la gloire de Dieu, puisque le Fils de Dieu s'y est sacrifié lui-même. Que de procurer de la gloire à Dieu, c'est donc ce qu'il y a de plus grand et de plus digne d'un homme raisonnable, à plus forte raison d'un homme chrétien, puisque c'a été une œuvre digne même d'un Homme-Dieu. Au contraire, que de blesser la gloire de Dieu, c'est donc le souverain mal, parceque c'est l'offense de Dieu, et une telle offense qu'elle n'a pu être expiée que par les mérites d'un Dieu, c'est-à-dire, en particulier, que par toutes les douleurs et tous les mépris qu'il a eu à souffrir, et à quoi il s'est exposé. Par conséquent, que rien ne nous doit donc être plus précieux, plus sacré, plus cher que la gloire de Dieu, et que nous ne pouvons mieux employer notre zèle qu'à la répandre, autant qu'il dépend de nous, et à l'amplifier.

III. Une autre considération nous y doit encore exciter très fortement: c'est notre intérêt, et de tous nos intérêts le plus important, qui s'y trouve lié, et qui est notre salut. Car la gloire de Dieu et notre salut sont ici comme inséparables. Et en effet, cette gloire de Dieu dans l'incarnation du Verbe divin, consiste à sauver les hommes et à opérer l'ouvrage de notre rédemption: tellement que dans ce mystère, Dieu glorifié et l'homme sauvé, c'est proprement une même chose. Combien donc devons-nous prendre part à une gloire où nous sommes si intéressés! A parler en général, plus nous contribuons volontairement et par zèle à la gloire de Dieu, plus nous nous avançons auprès de Dieu, et plus nous méritons ses récompenses.

IV. Mais par où pouvons-nous glorifier Dieu ? Par les moyens que le Sauveur des hommes est venu le glorifier. Jésus-Christ fait connoître la gloire de Dieu, en faisant connoître ses infinies perfections: adorons ces perfections divines, reconnoissons-les dans la sainte humanité du Fils de Dieu, et rendons-lui chaque jour de cet Avent, et même, s'il se peut, à toutes les heures, de fréquents et de pieux hommages. Jésus-Christ vient rétablir la gloire de Dieu en renversant l'empire du démon: chassons nous-mêmes de notre cœur ce damnable ennemi, dont nous n'avons que trop écouté en tant de rencontres les suggestions; et pour nous dégager entièrement de sa tyrannie, chassons avec lui bien d'autres démons domestiques qui lui ont ouvert l'entrée, et qui ont secondé ses pernicieux desseins : ce sont nos passions et nos inclinations vicieuses. Jésus-Christ vient réparer la gloire de Dieu par la destruction et l'expiation du péché : pleurons nos péchés, effaçons-les par nos larmes et par notre pénitence; prenons toutes les précautions nécessaires pour nous garantir des rechutes

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