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foi, a fait connoître que cette voie, tout épineuse qu'elle est, devient d'autant plus douce qu'on y cherche moins de douceurs, et qu'on s'assujettit avec moins de ménagements et moins de réserve à ses austérités les plus mortifiantes. Comment cela se fait-il? c'est aux ames qui l'éprouvent à nous en instruire, ou plutôt c'est un de ces secrets dont saint Paul disoit qu'il n'est permis à nul homme de les expliquer. Mais, tout impénétrable qu'est ce mystère, il n'en est pas moins réel ni moins véritable. Car, de quelque manière que ce puisse être, et en quelque sens que nous puissions l'entendre, il faut que la parole de Jésus-Christ s'accomplisse: c'est une parole divine, et par conséquent infaillible. Or cet adorable maître nous a dit que son joug est doux et son fardeau léger; et en nous invitant à le prendre, il nous a promis que nous y trouverons la paix. Ces termes de joug et de fardeau marquent de la difficulté et de la pesanteur; mais avec toute sa pesanteur, ce fardeau devient léger, et ce joug devient doux, dès que c'est le joug et le fardeau du Seigneur : pourquoi? parceque la grace y répand toute son onction, et qu'il n'est rien de si pesant ou de si amer dont cette onction céleste n'adoucisse l'amertume, et qu'elle ne fasse porter avec une sainte allégresse.

On en est surpris, et, pour ainsi dire, on ne se comprend pas soimême, tant on se trouve différent de soi-même. Au premier aspect de la voie étroite du salut, tous les sens s'étoient révoltés, et à peine se persuadoit-on qu'on y pût faire quelques pas; mais du moment qu'on y est entré avec une ferme confiance, les épines, si j'ose user de ces figures, se changent en fleurs, et les chemins les plus raboteux s'aplanissent: Ah! Seigneur, s'écrioit un grand saint, vous m'avez heureusement trompé. En m'enrôlant dans votre milice, je m'attendois, selon les principes de votre Évangile, à des assauts et à une guerre où je craignois que ma foiblesse ne succombât. Je me figurois une vie triste, pénible, ennuyeuse, sans repos, sans goût; et jamais mon cœur ne fut plus content, ni mon esprit plus calme et plus libre. Combien d'autres ont rendu le même témoignage? mais le mal est qu'on ne les en croit pas, et qu'on ne veut pas se convaincre par une épreuve personnelle et par son propre sentiment.

SOIN DU SALUT, ET L'EXTRÊME NÉGLIGENCE AVEC LAQUELLE ON Y

TRAVAILLE DANS LE MONDE.

Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice (Luc., 12). En ce peu de paroles, le Sauveur du monde nous donne une juste idée de la conduite que nous devons tenir à l'égard du salut. Ce salut, ce royaume de Dieu, c'est dans l'éternité que nous le devons posséder, c'est à la mort que nous le devons trouver; mais c'est dans la vie que nous le devons chercher. Si donc je ne le cherche pas dans la vie, je ne le trouverai pas à la mort; et si j'ai le malheur de ne le pas trouver B. 5. 10

à la mort, je ne le trouverai jamais; et dans l'éternité j'aurai l'affreux désespoir d'avoir pu le posséder, et de ne le pouvoir plus.

C'est, dis-je, dans la vie qu'il le faut chercher car l'unique voie pour y arriver et pour le trouver, ce sont les bonnes œuvres, c'est la sainteté. Or ces bonnes œuvres, où les peut-on pratiquer? en cette vie, et non en l'autre. Cette sainteté, où la peut-on acquérir? dans le temps présent, et non dans l'éternité; sur la terre, et non dans le ciel. En effet, il y a cette différence à remarquer entre le ciel et la terre : la terre fait les Saints, mais elle ne fait pas les bienheureux; et au contraire, le ciel fait les bienheureux, mais il ne fait pas les Saints. Supposez de tous les Saints celui que Dieu aura élevé au plus haut point de gloire dans le ciel, tout l'éclat de sa gloire n'ajoutera pas un seul degré à sa sainteté : cet état de gloire couronnera sa sainteté, confirmera sa sainteté, consommera sa sainteté ; mais il ne l'augmentera pas il la rendra plus durable, puisqu'il la rendra éternelle; mais il ne la rendra ni plus méritoire, ni plus parfaite.

C'est donc dès maintenant, et sans différer, que nous devons donner nos soins à chercher le royaume de Dieu mais encore comment le faut-il chercher? Premièrement; c'est-à-dire que nous devons faire du salut notre première affaire; pourquoi ? parceque c'est notre plus grande affaire. Règle divine, puisque c'est le Fils même de Dieu qui nous l'a tracée; règle la plus droite, la plus équitable, puisqu'elle est fondée sur la nature des choses, et qu'il est bien juste que le principal l'emporte sur l'accessoire; règle fixe et inviolable, puisque c'est une loi emanée d'en haut, et un ordre que Dieu a établi, et qu'il ne changera jamais. Mais nous, toutefois, nous prétendons renverser cet ordre, nous entreprenons de contredire cette loi, nous voulons substituer à cette règle une règle tout opposée. Car Jésus-Christ nous dit : Cherchez d'abord le royaume de Dieu; et pour ce qui est du vêtement, de la nourriture, des biens de la vie, n'en soyez point en peine. Vous pouvez vous en reposer sur votre Père céleste, qui vous aime, et qui vous donnera toutes ces choses par surcroît (Luc., 12). Mais nous, au contraire, nous disons: Cherchons d'abord les biens de la vie ; et pour ce qui regarde les biens de l'éternité, le royaume de Dieu, le salut, n'en soyons point en peine, mais confions-nous en la miséricorde du Seigneur : il est bon, il ne nous abandonnera pas.

Nous le disons, sinon de bouche, du moins en pratique; et c'est ainsi que raisonnèrent les conviés de l'Evangile. Ils étoient invités à un grand repas; il falloit, pour y assister, certains habits de cérémonie, certains préparatifs; mais eux, tout occupés de leurs affaires temporelles, ils crurent qu'ils y devoient vaquer préférablement à l'invitation qu'on leur avoit faite. Ils ne doutèrent point qu'ils n'eussent sur cela de bonnes raisons pour s'excuser; et, pleins de confiance, l'un dit: Je me marie, et il faut que j'aille célébrer les noces; l'autre dit : J'ai acheté une terre, et je ne puis me dispenser de l'aller voir; un autre

dit: J'ai à faire l'essai de cinq paires de boeufs qu'on m'a vendues. Tous conclurent enfin qu'ils avoient des choses plus pressées que ce repas dont il s'agissoit, et répondirent que ce seroit pour une autre fois. Or qu'est-ce que ce grand repas? Dans le langage de l'Ecriture, c'est le salut. Dieu nous y appelle, et nous y appelle tous. Il ne se contente pas, pour nous y convier, de nous envoyer ses ministres et ses serviteurs, mais il nous a même envoyé son Fils unique. On nous avertit que de la part du maître tout est prêt, et qu'il ne reste plus que de nous préparer nous-mêmes, et de nous mettre en état d'être rebus au festin. Mais que répondons-nous? J'ai d'autres affaires présentement, dit un mondain; et quelles sont-elles, ces autres affaires? L'affaire de mon établissement, ajoute-t-il, l'affaire de mon agrandissement, les affaires de ma maison; en un mot, tout ce qui regarde ma fortune temporelle.

Pour ces affaires humaines, que ne fait-on pas? et cette fortune temporelle, à quel prix ne l'achète-t-on pas? Est-il moyen qu'on n'imagine? est-il moyen, quelque pénible et quelque fatigant qu'il soit, qu'on ne mette en œuvre pour se pousser, pour s'avancer, pour se distinguer, pour s'enrichir, pour se maintenir, soit à la cour, soit à la ville? Il semble que le monde ait alors la vertu de faire des miracles, et de rendre possible ce qui, de soi-même, paroîtroit avoir des difficultés insurmontables, et être au-dessus des forces de l'homme. Il donne de la santé aux foibles, et leur fait soutenir des travaux, des veilles, des contentions d'esprit, capables de ruiner les tempéraments les plus robustes. Il donne de l'activité aux paresseux, et leur inspire un feu et une vivacité qui les porte partout, et que rien ne ralentit. Il donne du courage aux lâches, et malgré les horreurs naturelles de la mort, il les expose à tous les orages de la mer et à tous les périls de la guerre. Il donne de l'industrie aux simples, et leur suggère les tours, les artifices, les intrigues, les mesures les plus efficaces pour parvenir à leurs fins et pour réussir dans leurs entreprises. Voilà comment on cherche les biens du monde, et comment on croit les devoir chercher. De sorte que si l'on vient à bout de ses desseins, quoi qu'il en ait coûté, on s'estime heureux, et l'on ne pense point à se plaindre de tous les pas qu'il a fallu faire; et que si les desseins qu'on avoit formés échouent, ce n'est point de toutes les fatigues qu'on a essuyées que l'on gémit, mais du mauvais succès où elles se sont terminées. Tant on est persuadé de cette fausse et dangereuse maxime, que pour les affaires du monde on ne doit rien épargner, et qu'elles demandent toute notre application.

Cependant que fait-on pour le salut; et quand il s'agit du royaume de Dieu, à quoi se tient-on obligé, et quelle diligence y apporte-t-on ? Les uns en laissent tout-à-fait le soin, et tout le soin que les autres en prennent se réduit à quelque extérieur de religion, pratiqué fort à la hâte, et très imparfaitement. On ne s'en inquiète pas davantage ;

comme si cela suffisoit, et que Dieu dût suppléer au reste. En vérité, est-ce ainsi que le Sauveur des hommes nous a avertis de chercher ce royaume fermé depuis tant de siècles, et dont il est venu nous tracer le chemin et nous ouvrir l'entrée ? Il veut que nous le cherchions comme un trésor; or avec quelle ardeur agit un homme qui se propose d'amasser un trésor? on est attentif à la moindre espérance du gain, sensible à la plus petite perte, prudent pour discerner tout ce qui peut nous servir ou nous nuire, courageux pour supporter tout le travail qui se présente, tempérant pour s'interdire tout divertisssement, toute dépense qui pourroit arrêter nos projets et diminuer nos profits. Il veut que nous le cherchions comme une perle précieuse: or cet homme de l'Évangile qui a découvert une belle perle ne perd point de temps, court dans sa maison, vend tout ce qu'il a, se défait de tout pour acheter cette perle dont il connoît le prix, et qu'il craint de manquer. Il veut que nous le cherchions comme notre conquête : or à quels frais, à quels hasards, à quels efforts n'engage pas la poursuite et la conquête d'un royaume? Il veut que nous le cherchions comme notre fin et notre dernière fin: or en toutes choses la fin, et surtout la fin dernière, doit toujours être la première dans l'intention; on ne doit viser que là, aspirer que là, agir que pour arriver là.

Et voilà pourquoi notre adorable maître ne nous a pas seulement dit: Cherchez le royaume de Dieu; mais il ajoute : Et sa justice. Qu'est-ce que cette justice, sinon ces œuvres chrétiennes, cette sainteté de vie sans quoi l'on ne peut prétendre au royaume éternel ? Car je viens de le dire, et je ne puis trop le répéter, ce royaume n'est que pour les Saints. Il n'est ni pour les grands, ni pour les nobles, ni pour les riches, ni pour les savants : disons mieux, il est et pour les grands, et pour les nobles, et pour les riches, et pour les savants, et pour tous les autres, pourvu qu'à la grandeur, qu'à la noblesse, qu'à l'opulence, qu'à la science, qu'à tous les avantages qu'ils possèdent, ils joignent la sainteté. Tous ces avantages sans la sainteté seront réprouvés de Dieu, et la sainteté sans aucun de ces avantages sera couronnée de Dieu.

Mais cette justice, cette sainteté de vie, ce mérite des œuvres, c'est ce qui ne nous accommode pas, et ce que nous mettons, dans le plan de notre conduite, au dernier rang. Du moment qu'on veut nous en parler, une foule de prétextes se présentent pour nous tenir lieu d'excuses, ou de prétendues excuses: on est trop occupé, on n'a pas le temps, on a des engagements indispensables, et à quoi l'on peut à peine suffire; on est incommodé, on est d'une complexion délicate, on est dans le feu de la jeunesse, on est dans le déclin de l'âge; en un mot, on a mille raisons, toutes aussi spécieuses, mais en même temps toutes aussi fausses les unes que les autres.

Ce qu'il y a de plus déplorable, c'est qu'on se croit par-là bien justifié devant Dieu, lorsqu'on ne l'est pas. Ces conviés qui s'excusèrent

ne doutèrent point que le maître qui les avoit invités ne fût très content d'eux, et de ce qu'ils lui alléguoient pour ne se pas trouver à son repas. Mais il en jugea tout autrement, il en fut indigné, et déclara sur l'heure que jamais aucun de ces gens-là ne paraitroit à sa table (Luc., 12). Tel est, de la part de Dieu, le jugement qui nous attend. Dès que nous refusons de travailler à notre salut, et d'y travailler solidement, il nous rejette par une réprobation anticipée, et nous exclut de son royaume. Quel arrêt ! quelle condamnation! Malheur à l'homme qui s'y expose! Ah! nous avons des affaires : mais du moins, pour ne rien dire de plus, comptons le salut au nombre de ces affaires, et regardons-le comme une occupation digne de nous.

Non seulement elle en est digne, mais, par comparaison avec cellelà, nulle ne mérite nos soins; et tout ce que nous donnons de temps à toute autre affaire, au préjudice de celle-là ou indépendamment de celle-là, ne peut être qu'un temps perdu. Je ne dis pas que c'est toujours un temps perdu pour le monde, mais pour le salut : or étant perdu pour le salut, tout autre emploi que nous en faisons n'est plus qu'un amusement frivole, et tout autre fruit que nous en retirons n'est que vanité et illusion.

SUBSTITUTION DES GRACES DU SALUT; LES VUES QUE DIEU S'Y PROPOSE, ET COMMENT IL Y EXERCE SA JUSTICE ET SA MISÉRICORDE.

Dans l'ordre du salut, il y a de la part de Dieu des substitutions terribles; c'est-à-dire que Dieu abandonne les uns, et qu'il appelle les autres ; que Dieu dépouille les uns, et qu'il enrichit les autres ; que Dieu ôte aux uns les graces du salut, et qu'il les transporte aux autres. Mystère de prédestination certain et incontestable. Mystère qui, tout rigoureux qu'il paroît et qu'il est en effet, ne s'accomplit néanmoins que selon les lois de la plus droite justice, et que par le jugement de Dieu le plus équitable. Enfin, mystère où Dieu fait tellement éclater la sévérité de sa justice, qu'il nous découvre en même temps tous les trésors de sa miséricorde, et les ressources inépuisables de sa providence : de sorte qu'à la vue de ce grand mystère, je puis bien dire comme le Prophète : Le Seigneur a parlé, et voici deux choses que j'ai entendues tout à la fois (Psalm. 61), savoir: que le Dieu que j'adore est également redoutable par son infinie puissance, et aimable par sa souveraine bonté.

I. Mystère certain et incontestable, mystère de foi. Toute l'Écriture, surtout l'Évangile, les Épîtres des apôtres, nous annoncent cette vérité, et les exemples les plus mémorables l'ont confirmée jusque dans ces derniers siècles: Le royaume de Dieu vous sera enlevé disoit le Sauveur du monde aux Juifs, et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits (MATTH., 21). Le même Sauveur, et au même endroit, en proposant la parabole de la vigne, ajoutoit : Que fera le maître à ces vignerons qui se sont révoltés contre lui? Il fera périr

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