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où le monde pourroit nous entraîner, et conservons pour jamais à Dieu nos ames pures et sans tache. Jésus-Christ vient assurer la gloire de Dieu contre les nouvelles insultes du péché, par le renoncement aux biens de la terre, dont l'amour déréglé corrompoit le monde : renonçons à ces faux biens, au moins de cœur, si nous ne nous sentons pas appelés à y renoncer en effet. Quand Dieu permet que nous tombions dans le besoin, dans l'humiliation, dans la souffrance, souvenons-nous que ce sont là les moyens les plus efficaces dont a usé le Fils de Dieu, et qu'il nous a enseignés pour honorer son Père, et pour le dédommager en quelque manière de tous les outrages qu'il a reçus de nous; Consolons-nous dans cette pensée; acceptons ce que Dieu nous envoie, et faisons-nous-en un mérite auprès de lui. S'il ne nous traite pas en apparence avec tant de rigueur, et qu'il nous laisse dans une condition aisée, commode, honorable, gardons-nous de toute attache aux commodités que notre condition nous fournit, aux honneurs qu'elle nous procure, aux richesses dont elle nous accorde la possession et l'usage. Dans l'opulence, ayons l'esprit de pauvreté; dans la grandeur, l'esprit d'humilité; et parmi tout ce qui peut contribuer à la douceur de la vie, l'esprit de mortification. Ne nous en tenons pas précisément à l'esprit; mais selon que notre état le comporte, passons à la pratique. La pratique sans l'esprit ne seroit qu'un vain extérieur; mais aussi l'esprit sans la pratique ne seroit qu'une illusion.

V. Voilà, Sauveur adorable, les excellentes règles que vous venez nous tracer, et que nous devons suivre; mais pour les pratiquer et pour les suivre, il nous faut une grace, et une grace puissante. Or en est-il une plus puissante que celle même que vous apportez avec vous? Car en nous apportant une nouvelle loi, vous nous apportez une grace toute nouvelle, qui est la grace du Rédempteur. Avec le secours de cette grace, de quoi ne viendrons-nous point à bout pour la gloire de votre Père et pour la vôtre? nous ne cesserons point de vous la demander avec confiance, et vous ne cesserez point de la répandre sur nous avec abondance. Elle nous éclairera, elle nous conduira, elle nous soutiendra. Mais que sera-ce quand à cette grace intérieure vous ajouterez la force de votre exemple, et que, sortant du bienheureux sein où vous êtes enfermé comme dans un sanctuaire, vous vous montrerez au monde, et nous servirez de modèle? Hâtez-vous de paroître : nous vous attendons et nous vous desirons. Que la terre s'ouvre, et qu'elle germe le Sauveur (Isaï., 45); qu'il vienne nous remplir de son esprit, nous animer de ses sentiments, nous marquer ses voies, et nous conduire enfin à cette béatitude céleste, où, après avoir glorifié Dieu sur la terre, nous devons être nous-mêmes éternellement comblés de gloire.

INSTRUCTION

POUR LE TEMPS DU CARÊME'.

I. Représentez-vous bien que le carême est un temps consacré à la pénitence, et qu'on peut par conséquent lui appliquer ce que saint Paul disoit aux Corinthiens: Voici maintenant le temps favorable : voici les jours de salut (2. Cor., 6); parcequ'il n'y a point de temps dans l'année plus favorable pour nous que celui où nous travaillons à apaiser la colère de Dieu, ni de jours plus précieux pour le salut que ceux qui sont employés à expier nos péchés. C'est donc à vous d'entrer dans ce sentiment de l'Apôtre. Quoique toute votre vie doive être une pénitence continuelle, eu égard aux fautes dont vous vous reconnoissez coupable devant Dieu, c'est particulièrement dans le carême que vous devez vous attacher à la pratique et aux exercices d'une vertu si importante et si nécessaire; en sorte que vous puissiez dire: Voici maintenant le temps favorable pour moi, et qu'en effet ce soit pour vous un temps de pénitence. Car quel reproche auriez-vous à soutenir de la part de Dieu, si, pendant que toute l'Église est en pénitence, vous n'y étiez pas; et si par le malheur et le désordre ou d'une vie lâche et dissipée, ou d'une vie molle et sensuelle, vous passiez ce temps du carême sans participer en aucune manière à la pénitence publique des chrétiens! puisqu'alors, bien loin qu'il fût pour vous ce temps de grace et de salut dont parle saint Paul, il ne serviroit qu'à votre condamnation, et qu'il s'ensuivroit de là que votre impénitence, criminelle en tout autre temps, le seroit doublement en celui-ci.

II. Il n'y a nulle raison qui puisse vous dispenser de la pénitence, parceque la loi de la pénitence est une loi générale, dont personne n'est excepté; une loi qui dans tous les états de la vie se peut accomplir, et contre laquelle la prudence de la chair ne peut jamais rien alléguer que de vain et de frivole. Plus il vous paroît difficile, dans la place où vous êtes, d'observer exactement cette loi, plus vous devez faire d'efforts pour vous y assujettir, parceque c'est justement pour cela que vous avez encore plus besoin de pénitence. Vos infirmités mêmes, au lieu de vous rendre impossible l'observation de cette loi, sont au contraire, dans les desseins de Dieu, de puissants secours pour vous aider à y satisfaire, soit en vous tenant lieu de pénitence, lorsqu'elles vont jusqu'à l'accablement des forces, comme il arrive dans les maladies; soit en vous servant de sujets pour remporter sur vous de saintes victoires, quand ce ne sont que des incommodités ordinaires que vous devez alors surmonter par la ferveur de l'esprit, afin que vous fassiez de votre corps, selon l'expression du maître des Gentils, une hostie vivante et agréable aux yeux de Dieu. La pratique tout opposée où vous avez vécu doit non seulement vous confondre, Cette instruction fut faite pour une dame de qualité.

mais vous animer contre vous-même, et vous exciter fortement à réparer tout ce que l'amour-propre vous a fait commettre au préjudice de cette divine loi de la pénitence; car voilà les sentiments avec lesquels vous devez commencer le carême : résolue, d'une façon ou d'autre, de subir cette loi, que vous ne devez point regarder comme un joug pesant, ni comme une loi onéreuse, mais plutôt comme une loi de grace d'où dépend tout votre bonheur.

III. Toute la pénitence du carême, comme l'a très bien remarqué saint Léon pape, ne se réduit pas à jeûner, ni à s'abstenir des viandes défendues; c'en est bien une partie, mais ce n'est pas la principale ni la plus essentielle. Quoique le précepte de l'abstinence et du jeûne cesse en certaines conjonctures, celui de la pénitence subsiste toujours; et comme il y a dans le monde des chrétiens relâchés, qui, par une espèce d'hypocrisie, jeûnent sans faire pénitence, ou parcequ'ils jeûnent sans renoncer à leur péché, ou parcequ'ils trouvent le moyen, par mille adoucissements, de jeûner sans se mortifier, ce qu'on peut appeler l'hypocrisie du jeûne, si souvent condamnée dans l'Écriture: aussi, par une conduite toute contraire, les ames fidèles à Dieu, quand le jeûne leur devient impossible, savent bien faire pénitence sans jeûner, parceque sans jeûner elles savent se vaincre elles-mêmes, s'interdire les délices de la vie, marcher dans les voies étroites du salut, et pratiquer en tout le reste la sévérité de l'Évangile. Suivez cette règle, et tenez-vous d'autant plus obligée à la pénitence, que vous vous sentez moins capable de garder à la lettre et dans la rigueur le commandement du jeûne. Car il est certain que la dispense de l'un ne vous peut être qu'un surcroît d'engagement pour l'autre. Si vous raisonnez en chrétienne, c'est ainsi que vous en devez user, afin que Dieu ne perde rien de ses droits, et que la délicatesse de votre santé ne vous empêche point de remplir la mesure de votre pénitence.

IV. En conséquence de ces principes, la première chose que Dieu demande de vous, et que vous devez vous-même demander à Dieu pour tout ce saint temps, c'est l'esprit d'une salutaire componction, cet esprit de pénitence dont David étoit pénétré, et dont il faut qu'à son exemple vous vous mettiez en état de ressentir l'impression et l'efficace. C'est-à-dire que votre plus solide occupation pendant le carême doit être de repasser tous les jours devant Dieu, dans l'amertume de votre ame, les désordres de votre vie, d'en reconnoître avec douleur la grièveté et la multitude, de vous en humilier, de vous en affliger, de ne les perdre jamais de vue; tellement que vous puissiez dire comme ce saint roi: Seigneur, mon péché m'est toujours présent (Psal. 50). Car, selon l'Écriture, voilà en quoi consiste l'esprit de la pénitence. Or une excellente pratique pour cela même, c'est que pendant le carême vous fassiez toutes vos actions dans cet esprit, et par le mouvement de cet esprit; allant, par exemple, à la messe comme au sacrifice que vous allez offrir vous-même pour la réparation de vos

péchés; priant comme le publicain, et ne vous présentant jamais devant Dieu qu'en qualité de pénitente accablée du poids de vos péchés; vous assujettissant de bon cœur aux devoirs pénibles de votre état, comme à des moyens d'effacer vos péchés; vous proposant pour motif dans chaque bonne œuvre de racheter vos péchés ; vous levant et vous couchant avec cette pensée : Je suis une infidèle, et Dieu ne me souffre sur la terre qu'afin que je fasse pénitence de mes péchés. Cette vue continuelle de vos péchés vous entretiendra dans l'esprit de la pénitence, et rien ne vous aidera plus à l'acquérir et à le conserver, que de vous accoutumer à agir de la sorte.

V. Cet esprit de pénitence, si vous êtes assez heureuse pour en être touchée, doit produire en vous un effet qui le suit naturellement, et qui en est la plus infaillible marque; savoir, la pénitence de l'esprit, c'est-à-dire une ferme et constante disposition où vous devez être de mortifier votre esprit, votre humeur, vos passions, vos inclinations, vos mauvaises habitudes, mais par-dessus tout votre orgueil, qui est peut-être dans vous le plus grand obstacle à la pénitence chrétienne car le fond de la pénitence chrétienne, c'est l'humilité; et tandis qu'un orgueil secret vous dominera, ne comptez point sur votre pénitence. Il faut donc, pour répondre aux desseins de Dieu, qu'en même temps que vous célébrez le carême avec l'Église, animée de l'esprit de la pénitence, vous vous appliquiez à être plus humble, plus douce, plus patiente, plus compatissante aux foiblesses d'autrui, plus vide de l'estime de vous-même; que vous parliez moins librement des défauts de votre prochain, que vous soyez moins prompte à le condamner; que si, malgré vous, vous en avez du mépris, vous n'y ajoutiez pas la maligne joie de le témoigner; car si vous ne prenez sur tout cela nul soin de vous contraindre, quelque pénitence que vous puissiez faire, vous ne commencez pas par celle qui doit justifier devant Dieu toutes les autres, et sans laquelle toutes les autres pénitences sont inutiles. En vain, disoit un prophète, déchirons-nous nos vêtements, si nous ne déchirons nos cœurs : c'est le changement du cœur et de l'esprit qui fait la vraie pénitence; autrement, ce que nous croyons être pénitence n'en est que l'ombre et le fantôme. Du reste, il n'y a personne à qui convienne plus qu'à vous cette pénitence de l'esprit, puisque vous confessez vous-même que c'est principalement par l'esprit que vous avez péché.

VI. La pénitence purement intérieure ne suffit pas, et tous les oracles de la foi nous apprennent qu'il y faut joindre l'extérieure, parceque la corruption du péché s'étant également répandue sur l'homme extérieur et sur l'homme intérieur, Dieu, dit saint Augustin exige de nous, selon l'un et l'autre, le témoignage de notre contrition. Conformément à cette maxime, vous devez être durant le carême plus fidèle que jamais aux petites mortifications que Dieu vous a inspiré de vous prescrire à vous-même, afin qu'au moins en quelque

chose vous ayez la consolation, suivant la parole de saint Paul, de porter sur votre corps la mortification du Seigneur Jésus, et qu'elle paroisse dans votre chair mortelle (2 Cor., 4). Par la même raison, le temps du carême doit encore allumer votre ferveur, pour rendre aux malades que Dieu confie à vos soins les visites de charité, et même les services humiliants qu'ils attendent de vous: car ces services et ces visites sont pour vous des œuvres de pénitence; et vous devez vous souvenir que comme la foi est morte sans les œuvres, ainsi l'esprit de pénitence s'éteint peu à peu, quand il n'est pas entretenu par les œuvres de la pénitence. Vous ne devez pas non plus négliger, autant qu'il dépend de vous, d'être plus modeste dans vos habits pendant le carême, qu'en tout autre temps de l'année, puisque le SaintEsprit, en mille endroits de l'Écriture, fait consister dans cette modestie un des devoirs de la pénitence des pécheurs : d'où vient que les pénitents de la primitive Eglise se revêtoient du cilice et se couvroient de cendres. Vous ne professez pas une autre religion qu'eux; et tout votre zèle, à proportion et dans l'étendue de votre condition, doit être de vous conformer à eux.

VII. L'aumône, selon la doctrine des Pères, ayant toujours été considérée comme inséparable du jeûne, parceque les pauvres, disoient-ils, doivent profiter de la pénitence des riches, il est évident que cette obligation des riches devient encore bien plus grande à leur égard, quand par des raisons légitimes ils sont dispensés de jeûner. L'aumône n'est plus alors un simple accompagnement, mais un supplément du jeûne, dont elle doit tenir la place. Il faut donc qu'elle soit plus abondante, comme étant due à double titre, et du jeûne et de l'aumône même. C'est par-là que vous devez mesurer et régler vos aumônes pendant ce saint temps, ne vous contentant pas des aumônes que la loi commune de la charité vous engage à faire en toute sorte de temps; mais en faisant d'extraordinaires que la loi de la pénitence y doit ajouter, parcequ'il est constant qu'une pécheresse doit bien plus à Dieu sur ce point, qu'une chrétienne qui auroit conservé la grace de son innocence. Vos aumônes, pour être le supplément de votre jeune, et pour faire partie de votre pénitence, doivent être des aumônes qui vous coûtent; je veux dire que vous les devez faire de ce que vous vous serez refusé à vous-même, et qu'une de vos dévotions du carême doit être de sacrifier à Dieu certaines choses dont vous voudrez bien vous prirer pour avoir de quoi secourir votre prochain, préférant le soulagement de ses misères à votre sensualité, à votre curiosité, à votre vanité. C'est par de semblables victimes, dit le saint apôtre, qu'on se rend Dieu favorable.

VIII. Ce n'est pas assez mais pour sanctifier le carême, il faut de plus retrancher les plaisirs et les vaines joies du monde; rien n'étant plus opposé à l'esprit de la religion, beaucoup plus à l'esprit de la pénitence, que ce qui s'appelle plaisir, surtout dans un temps dédié

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