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POUR LE TEMPS DE L'AVENT.

Le dessein de l'Église, dans l'institution de l'Avent, a été d'honorer le Verbe incarné dans le chaste sein de la Vierge, et de nous disposer ainsi à la glorieuse nativité de cet Homme-Dieu. Nous ne pouvons donc mieux nous occuper pendant tout ce saint temps, que du grand mystère de l'incarnation; et quoique le Fils de Dieu s'y soit si profondément humilié et comme anéanti, nous le devons néanmoins considérer comme un mystère de gloire pour Dieu même, selon qu'il nous est marqué dans ce sacré cantique que chantèrent les anges à la naissance de Jésus-Christ: Gloire à Dieu au plus haut des cieux. En effet, c'est en se revêtant d'une nature semblable à la nôtre, et en se faisant homme, que le Verbe divin est venu sur la terre, 1o découvrir sensiblement aux hommes la gloire de Dieu; 2° combattre parmi les hommes, et y détruire tous les ennemis de la gloire de Dieu; 3° allumer dans le cœur des hommes un zèle ardent pour la gloire de Dieu. Appliquons-nous à méditer et à bien pénétrer ces trois vérités. Ce sera pour nous un fonds inépuisable de réflexions et de sentiments les plus propres à nous édifier.

§ I. Comment Jésus-Christ vient découvrir sensiblement aux hommes la gloire de Dieu.

1. Que le Verbe éternel, en s'incarnant, soit venu découvrir aux hommes la gloire de Dieu, c'est l'expresse doctrine de l'évangéliste saint Jean: Le Verbe, dit-il, s'est fait chair ; il a demeuré et conversé parmi nous, et nous avons vu sa gloire (JOAN., 1). Quelle conséquence! et le saint évangéliste ne devoit-il pas, ce semble, conclure tout autrement, et dire: Le Verbes'est fait chair, et sous cette chair mortelle dont il est revêtu, il nous a caché la gloire de sa divinité? S'il disoit, Le Verbe s'est fait chair, et nous avons été témoins de ses infirmités volontaires, de ses abaissements et de ses anéantissements, nous n'aurions pas de peine à comprendre la pensée de ce disciple bien aimé, et elle nous paroîtroit très naturelle; mais que le Verbe se soit fait chair, qu'en se faisant chair comme nous, il se soit assujetti à toutes nos misères, et qu'en cela néanmoins il ait fait éclater sa gloire, c'est ce qui paroît se contredire, et de quoi nous ne voyons pas d'abord la liaison. Rien toutefois n'est plus juste que ce raisonnement, dit saint Augustin, et il ne faut qu'un peu d'attention pour en voir toute la solidité et toute B. 5.

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la vérité. Car si la gloire de Dieu devoit être révélée aux hommes d'une manière sensible, c'étoit justement par les humiliations du Verbe; et il n'y avoit que ce Verbe humilié qui pût nous faire connoître l'excellence d'un Dieu glorifié: tellement, conclut saint Augustin, que si saint Jean n'avoit pas dit, Le Verbe s'est fait chair, nous n'aurions pu dire que nous avons vu sa gloire. Qu'est-ce que la gloire de Dieu dont il est ici question, et en quoi consiste-t-elle? Cette gloire de Dieu telle que nous la devons maintenant entendre, c'est-à-dire cette gloire qui est dans Dieu, et que nous desirons de connoître, n'est autre chose que les perfections de Dieu. Par conséquent, découvrir aux hommes les perfections de Dieu, c'est leur découvrir la gloire de Dieu. Or n'est-ce pas ce que nous découvre admirablement et sensiblement le Fils de Dieu dans son adorable incarnation?

II. Et d'abord, la miséricorde de Dieu pouvoit-elle se produire avec plus d'éclat que dans ce mystère? pouvoit-elle nous donner une idée de ce qu'elle est,'comparable à celle-ci? a-t-elle jamais rien fait dans le monde qui en ait approché? O prodige! s'écrie Zénon de Vérone, un Dieu réduit à la petitesse d'un enfant; et cela pour qui? par amour pour son image, et pour des créatures formées de sa main. Reconnoissons l'excellence de notre religion dans les vues excellentes qu'elle nous donne du maître que nous adorons, et de sa bonté sans mesure. Toutes les religions païennes, dans la vanité de leurs fables, ont-elles jamais rien imaginé de pareil? Nous avons des dieux, disoit un des sages du paganisme; mais ces dieux passeroient pour des monstres s'ils vivoient parmi nous, tant ils ont été vicieux et corrompus. Nous, dit saint Augustin, nous servons un Dieu en qui tout est merveilleux ; mais de toutes les merveilles qu'il renferme dans son être divin, ce qu'il ya de plus merveilleux et de plus incompréhensible, c'est son amour. Il ne faudroit donc que le mystère de l'incarnation pour confondre toute l'idolatrie et toute la superstition païenne. Car, selon la belle remarque de saint Grégoire de Nysse, la vraie religion est d'avoir des sentiments de Dieu conformes à la nature et à la grandeur de Dieu : or ce grand mystère nous fait concevoir une estime de la miséricorde de Dieu si relevée, qu'il n'est pas possible à l'esprit de l'homme de la porter plus haut.

III. Il en est de même de la sagesse de Dieu. Que la prudence aveugle du siècle en juge comme il lui plaira, on peut dire, et il est vrai, qu'un Homme-Dieu est le chef-d'œuvre d'une sagesse toute divine, parceque c'est ainsi que Dieu a pris le moyen le plus convenable de réparer sa propre gloire et d'opérer le salut des hommes. Il avoit été offensé, ce Dieu de majesté; il lui falloit une satisfaction digne de lui, et nul autre qu'un Dieu ne pouvoit dignement satisfaire à un Dieu. L'homme s'étoit perdu : Dieu vouloit le sauver en le délivrant de la mort éternelle; et comme il n'y avoit qu'un Dieu qui, par ses mérites infinis, pût le délivrer de cette mort, il n'y avoit conséquemment qu'un

Dieu qui pût le sauver. Il falloit que ce Sauveur fût tout ensemble vrai Dieu et vrai homme. S'il eût seulement été Dieu, il n'eût pu souffrir; s'il eût été seulement homme, ses humiliations ni ses souffrances n'eussent pas été des réparations suffisantes. De plus, s'il eût seule ment été Dieu, il eût été invisible, et n'eût pu nous donner l'exemple ; et s'il eût seulement été homme, son exemple n'eût pas été pour nous une règle tout-à-fait sûre et à couvert de tout égarement. Mais étant Dieu et homme, comme homme il a pu s'abaisser, et comme Dieu il a donné à ses abaissements une valeur inestimable et sans mesure; comme homme il s'est montré à nos yeux pour nous servir de guide, et comme Dieu il nous a rassurés pour nous faire prendre avec confiance la voie où il est entré, et où il a voulu nous conduire. Ainsi, dans ces jours de grace et de salut, nous n'avons point de sentiment plus ordinaire à prendre que de nous écrier avec l'Apôtre : O richesses! ô abíme de la sagesse et des jugements de Dieu (Rom., 11)!

IV. Mais quelle vertu et quel pouvoir dans Dieu ne demandoit pas l'accomplissement de ce grand ouvrage? Quel effort et quel miracle de la droite du Très-Haut! un Dieu-Homme, conçu par une mère vierge; c'est-à-dire, dans la même personne, dans le même JésusChrist, la divinité jointe avec notre humanité, l'immortalité avec notre infirmité, la grandeur avec notre bassesse, l'infini avec le fini, l'être avec le néant; et, dans la même mère, la maternité avec la virginité! Voilà proprement l'œuvre de Dieu. Tout ce qu'il avoit fait jusqu'à présent dans l'univers, n'étoit pour lui, selon l'expression même de l'Écriture, que comme un jeu; mais c'est ici que sa toute - puissance se déploie dans toute son étendue, et c'est dans la foiblesse d'un EnfantDieu qu'il fait éclater toute sa force.

V. Il n'y a que la justice de Dieu qui semble demeurer inconnue, et n'avoir nulle part dans ce mystère de grace. Mais nous nous trompons, si nous le pensons de la sorte; et l'on peut même ajouter que de toutes les perfections divines qui reluisent dans la personne du Sauveur, la justice est celle dont les effets y sont plus sensibles, et dont les droits inviolables et souverains y paroissent avec plus d'évidence: jusque là que saint Chrysostome n'a pas fait difficulté d'avancer cette étrange proposition, mais qui n'a rien que de solide, toute surprenante qu'elle est, savoir: que dans l'enfer, où Dieu exerce ses plus rigoureux châtiments, il ne fait pas néanmoins autant connoître sa justice, que dans le sein virginal de Marie, où le Verbe s'est incarné. La preuve en est incontestable. C'est que dans l'enfer ce ne sont que des hommes réprouvés qui se trouvent soumis à cette justice; au lieu que dans le sein de Marie, c'est un Homme-Dieu qui commence à en devenir la victime et à lui être immolé. Or qu'est-ce qu'une justice à laquelle il faut une telle hostie et un tel hommage? d'où vient que le Prophète royal, parfaitement éclairé dans la science et le discernement des attributs divins, après avoir dit que Dieu a montré aux hommes l'auteur

de leur salut, ajoute ensuite qu'il a révélé sa justice à toutes les nations (Psalm. 97).

VI. De tout ceci, concluons que le Sauveur du monde, en prenant un corps humain et visible, et nous découvrant ainsi les plus hautes perfections de Dieu, nous donne donc par-là même la plus grande idée de la gloire de Dieu. De sorte que sans attendre sa passion et la fin de sa vie mortelle, il peut dire à son Père, dès le moment de sa sainte incarnation: Mon Père, j'ai déja commencé l'office pour lequel vous m'avez envoyé, qui est de vous faire connoître dans le monde. Je n'y entre que pour cela, et je n'en sortirai qu'après avoir consommé cette importante affaire. Car il est d'une nécessité absolue que vous soyez connu des hommes, puisque l'ignorance où ils vivent à l'égard de leur créateur, et du premier de tous les êtres, est un désordre essentiel dans la nature, et la source de tous les autres désordres. C'est pourquoi je viens en ce jour, afin que les hommes, en me contemplant, contemplent dans moi votre gloire, et que la lumière que j'apporte se répande dans toute la terre, et dissipe les ténèbres où elle est ensevelie.

VII. Cependant, après une telle manifestation de la gloire de Dieu, n'est-il pas étrange qu'il soit si peu connu dans le monde? Car ce qu'on appelle le monde, les sectateurs du monde, les esclaves du monde, ces hommes et ces femmes remplis de l'esprit du monde connoissent-ils Dieu? ne font-ils pas profession de l'ignorer, ou du moins de l'oublier? ne viventils pas comme s'il n'y en avoit point? leur grand principe n'est-il pas de l'effacer autant qu'ils peuvent de leur souvenir, et de n'y penser presque jamais? C'est la plainte que faisoit le disciple saint Jean, expliquant la génération éternelle et temporelle du Fils de Dieu : Dieu étoit au milieu du monde, comme le maître et l'arbitre du monde, et le monde n'en avoit nulle connoissance (JOAN., 1). C'est la plainte que Jésus-Christ lui-même faisoit à son Père: Père saint, le monde ne vous connoît point (JOAN., 17). Quoi que j'aie fait pour lui annoncer vos grandeurs, son aveuglement a prévalu, et il y demeure toujours plongé. Déplorable aveuglement, s'écrie Salvien; aveuglement qui va jusqu'à mettre Dieu dans notre estime au-dessous de tout! On le perd sans regret, on se tient éloigné de lui sans inquiétude, on lui préfère le moindre avantage, le moindre plaisir, et on ne lui donne la préférence sur rien. Sa grace et sa haine nous sont également indifférentes : tout cela pourquoi? toujours par la même raison : c'est que le monde ne l'a jamais bien connu. Car si le monde le connoissoit, ce Dieu si miséricordieux, ce Dieu si sage, ce Dieu si puissant, ce Dieu si juste et si saint, on ne vivroit pas dans le déréglement où l'on vit, on ne s'abandonneroit pas à une telle corruption de mœurs, on ne viendroit pas l'outrager au pied de ses autels, on honoreroit son culte, on respecteroit ses temples, on pratiqueroit sa loi, on redouteroit ses vengeances. Mais parceque le monde affecte de le méconnoître, il n'y a point d'excès où l'on ne se porte.

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