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le cœur par la grâce. Mais de la vouloir mettre dans l'esprit et dans le cœur par la force et par les menaces, ce n'est pas y mettre la religion, mais la terreur, terrorem potius quam religionem1.

3 bis.

Commencer par plaindre les incrédules; ils sont assez malheureux par leur condition. Il ne les faudrait injurier qu'au cas que cela servît; mais cela leur nuit.

4.

Toute la foi consiste en JÉSUS-CHRIST et en Adam; et toute la morale en la concupiscence et en la grâce.

5.

Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point; on le sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l'être universel naturellement, et soi-même naturellement, selon qu'il s'y adonne; et il se durcit contre l'un ou l'autre, à son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre : est-ce par raison que vous aimez? C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison.

6.

Le monde subsiste pour exercer miséricorde et jugement, non pas comme si les hommes y étaient sortant des mains de Dieu, mais comme des ennemis de Dieu, auxquels il donne, par grâce, assez de lumière pour revenir, s'ils le veulent chercher et le suivre; mais pour les punir, s'ils refusent de le chercher ou de le suivre.

7.

On a beau dire, il faut avouer que la religion chrétienne a quelque chose d'étonnant. C'est parce que vous y êtes né, dirat-on. Tant s'en faut; je me roidis contre, par cette raison-là même, de peur que cette prévention ne me suborne. Mais, quoique j'y sois né, je ne laisse pas de le trouver ainsi.

8.

Il y a deux manières de persuader les vérités de notre reli

1. Je ne sais d'où cette citation latine est tirée.

gion : l'une par la force de la raison, l'autre par l'autorité de celui qui parle. On ne se sert pas de la dernière, mais de la première. On ne dit pas: Il faut croire cela, car l'Écriture, qui le dit, est divine; mais on dit qu'il le faut croire par telle et telle raison, qui sont de faibles arguments, la raison étant flexible à tout.

...

8 bis.

Mais ceux-là mêmes qui semblent les plus opposés à la gloire de la religion n'y seront pas inutiles pour les autres. Nous en ferons le premier argument, qu'il y a quelque chose de surnaturel; car un aveuglement de cette sorte n'est pas une chose naturelle; et si leur folie les rend si contraires à leur propre bien, elle servira à en garantir les autres, par l'horreur d'un exemple si déplorable et d'une folie si digne de compassion.

9.

Le seul qui connaît la nature ne la connaîtra-t il que pour être misérable? le seul qui la connaîtra sera-t-il le seul malheureux?

... Il ne faut [pas] qu'il ne voie rien du tout; il ne faut pas aussi qu'il en voie assez pour croire qu'il le possède; mais qu'il en voie assez pour connaître qu'il l'a perdu car, pour connaître qu'on a perdu, il faut voir et ne voir pas; et c'est précisément l'état où est la nature.

9 bis.

Il faudrait que la véritable religion enseignât la grandeur, la misère, portât à l'estime et au mépris de soi, à l'amour et à la haine.

10.

La religion est une chose si grande, qu'il est juste que ceux qui ne voudraient pas prendre la peine de la chercher si elle est obscure, en soient privés. De quoi se plaint-on donc, si elle est telle qu'on la puisse trouver en la cherchant?

10 bis.

L'orgueil contre-pèse et emporte toutes les misères. Voilà un étrange monstre, et un égarement bien visible. Le voilà

tombé de sa place, il la cherche avec inquiétude. C'est ce que tous les hommes font. Voyons qui l'aura trouvée.

10 ter.

Après la corruption, dire: Il est juste que ceux qui sont en cet état le connaissent; et ceux qui s'y plaisent, et ceux qui s'y déplaisent. Mais il n'est pas juste que tous voient la rédemption 1.

11.

Quand on dit que JÉSUS-CHRIST n'est pas mort pour tous, vous abusez d'un vice des hommes,qui s'appliquent incontinent cette exception, ce qui est favoriser le désespoir; au lieu de les en détourner pour favoriser l'espérance. Car on s'accoutume ainsi aux vertus intérieures par ces habitudes extérieures 2.

11 bis.

La dignité de l'homme consistait, dans son innocence, à user et dominer sur les créatures, mais aujourd'hui à s'en séparer et s'y assujettir 3.

12.

L'Eglise a toujours été combattue par des erreurs contraires, mais peut-être jamais en même temps, comme à présent. Et si elle en souffre plus, à cause de la multiplicité d'erreurs, elle en reçoit cet avantage qu'elles se détruisent.

Elle se plaint des deux, mais bien plus des calvinistes, à cause du schisme.

Il est certain que plusieurs des deux contraires sont trompés, il faut les désabuser.

1. En titre dans l'autographe, Ordre.

2. Ce fragment est obscur. On accusait les jansénistes de croire que Jésus-CHRIST n'était pas mort pour tous, mais seulement pour ceux qu'il avait prédestinés à être sauvés par sa mort. C'était une des cinq propositions condamnées par le pape comme étant dans Jansénius, et que les partisans de Jansénius désavouaient en son nom. Il est clair cependant que la doctrine janséniste allait là, et les plus ardents, les moins politiques ne devaient pas reculer. Est-ce à eux que s'adresse ici Pascal, et les désavoue-t-il? Ou plutôt n'est-ce pas aux adversaires qu'il reproche d'insister malignement sur le côté troublant de ce dogme janséniste, au lieu de s'en tenir charitablement à l'aspect consolant? L'espérance est une des trois vertus théologales. Sur cette question, si JÉSUS-CHRIST est mort pour tous, voyez xxv, 41.

3. Ces mots sont opposés deux à deux. L'homme avant la chute usait noblement des créatures en tirant d'elles toutes les jouissances; aujourd'hui sa noblesse est de s'en séparer, c'est-à-dire de s'abstenir des plaisirs des sens. L'homme avant la chute dominait les créatures en ce qu'elles ne pouvaient lui causer aucun mal, aujourd'hui sa dignité est de s'assujettir à la douleur et de savoir souffrir. Pascal parle en stoïcien aussi bien qu'en chrétien: Abstine et sustine. Comparez le fragment i de l'article XIII.

La foi embrasse plusieurs vérités qui semblent se contredire. Temps de rire, de pleurer, etc. Responde. Ne respondeas, etc. La source en est l'union des deux natures en JésusCHRIST1.

Et aussi les deux mondes. La création d'un nouveau ciel et nouvelle terre 2; nouvelle vie, nouvelle mort; toutes choses doublées, et les mêmes noms demeurant.

Et enfin les deux hommes qui sont dans les justes, car ils sont les deux mondes, et un membre et image de JÉSUSCHRIST. Et ainsi tous les noms leur conviennent, de justes, pécheurs; mort, vivant; vivant, mort; élu, réprouvé, etc.

Il y a donc un grand nombre de vérités, et de foi, et de mo.. rale, qui semblent répugnantes, et qui subsistent toutes dans un ordre admirable.

La source de toutes les hérésies est l'exclusion de quelquesunes de ces vérités; et la source de toutes les objections que nous font les hérétiques est l'ignorance de quelques-unes de nos vérités.

Et d'ordinaire il arrive que, ne pouvant concevoir le rapport de deux vérités opposées, et croyant que l'aveu de l'une enferme l'exclusion de l'autre, ils s'attachent à l'une, ils excluent l'autre, et pensent que nous, au contraire. Or l'exclusion est la cause de leur hérésie; et l'ignorance que nous tenons l'autre cause leurs objections.

1er exemple: JÉSUS-CHRIST est Dieu et homme. Les ariens,

1. Ecclés. III, 1-8: Toutes choses ont leur temps, et tout passe sous le ciel à son heure. Il y a temps de naître, et temps de mourir; temps de planter, et temps d'arracher ce qui est planté; temps de tuer, et temps de guérir; temps d'abattre, et temps de bâtir; temps de pleurer, et temps de rire; temps de faire des lamentations, et temps de danser; temps de jeter des pierres, et temps de les ramasser; temps d'embrasser, et temps de s'éloigner des embrassements; temps d'acquérir, et temps de perdre; temps de conserver, et temps de rejeter; temps de déchirer, et temps de recoudre; temps de se taire, et temps de parler; temps pour l'affection, et temps pour la haine; temps pour la guerre, et temps pour la paix.»-Prov., xxvi, 4-5 : « Ne réponds pas au fou comme le mérite sa folie, de peur de devenir semblable à lui. Réponds au fou comme le mérite sa folie, de peur qu'il ne s'imagine être sage. ▾

2. Seconde Lettre attribuée à Pierre, III, 13.

3. Tout le monde sait les vers de Racine :

Je trouve deux hommes en moi, etc.

d'après Paul, Rom. vii, 15-25.

4. Mort, vivant; vivant, mort. Il ne faut pas croire que ce soit deux fois la même chose. D'une part le juste est mort au monde, détaché des choses de la vie, mais vivant de la grâce. De l'autre, il est vivant de la vie extérieure, mais il est mort spirituellement par le péché originel qu'il porte en lui.

né pouvant allier ces choses, qu'ils croient incompatibles, disent qu'il est homme; en cela ils sont catholiques. Mais ils nient qu'il soit Dieu en cela ils sont hérétiques. Ils prétendent que nous nions son humanité; en cela ils sont ignorants1.

2 exemple, sur le sujet du Saint-Sacrement: Nous croyons que la substance du pain étant changée, et consubstantielle en celle du corps de Notre-Seigneur, JÉSUS-CHRIST y est présent réellement. Voilà une des vérités. Une autre est que ce Sacrement est aussi une figure de celui de 1 croix et de la gloire, et une commémoration des deux 2. Voilà la foi catholique, qui comprend ces deux vérités, qui semblent opposées. L'hérésie d'aujourd'hui, ne concevant pas que ce Sacrement contienne tout ensemble et la présence de JÉSUS-CHRIST et sa figure, et qu'il soit sacrifice et commémoration de sacrifice, croit qu'on ne peut admettre l'une de ces vérités sans exclure l'autre pour cette raison.

Ils s'attachent à ce point seul, que ce Sacrement est figuratif; et en cela ils ne sont pas hérétiques. Ils pensent que nous excluons cette vérité; et de là vient qu'ils nous font tant d'objections sur les passages des Pères qui le disent. Enfin, ils nient la présence, et en cela ils sont hérétiques.

3o exemple les indulgences 3.

C'est pourquoi le plus court moyen pour empêcher les hérésies est d'instruire de toutes les vérités; et le plus sûr moyen de les réfuter est de les déclarer toutes. Car que diront les hérétiques?

Tous errent d'autant plus dangereusement qu'ils suivent chacun une vérité. Leur faute n'est pas de suivre une fausseté, mais de ne pas suivre une autre vérité 4.

1. Cort-Royal substitue à l'exemple des ariens l'exemple de deux hérésies opposées l'une à l'autre, celle des nestoriens et des eutychéens (voyez XVII, 6). C'est sans doute parce que les ariens ne disaient pas précisément que JÉSUS-CHRIST ne fût qu'un homme, quoiqu'on pût pousser leur doctrine à cette conséquence.

2. De la croix, d'après les paroles sacrées : « Ceci est mon corps, qui est sacrifié pour vous faites cela en mémoire de moi, etc. Luc, xxII, 19, et ailleurs. De la gloire, voyez XVI, 14.

3. Pascal voulait dire, je pense : Les protestants ont raison de croire que les indulgences ne peuvent racheter le péché et remettre l'homme dans l'état de grâce d'où il est sorti; mais ils ont tort de nier que les indulgences remettent à celui qui est sorti du péché les peines qu'il a encore à subir après le péché remis.

4. On devra rapprocher de ce fragment la xvine Provinciale, et surtout le passage sui

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